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TRADITION ET MAGISTÈRE

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Ecritures canoniques, pour une part dans la consciencede l’Eglise. Leséléments étrangers que le fleuve charrie, les obstacles qui se dressent sur son cours, n’empêchent pas qu’il se déroule identique à lui-même, creusant son lit de plus en plus, laissant peu à peu déposer le limon qui l’a troublé. A la différence des fleuves terrestres, celui-ci ne grossit pas en s’éloignant de sa source ; au contraire, il se débarrasse progressivement des alluvions successives : chaque délinition dogmatique, séparant la vérité de l’erreur, communique une limpidité nouvelle au volume immuable de ses eaux.

La deuxième image est celle d’un organisme vivant. La parabole évangélique du grain de sénevé convient très exactement pour décrire la force d’expansion qui appartient à la révélation divine, jetée au cœur de l’humanité. Toujours identique à lui-même, le germe déploie, en une frondaison toujours grandissante, la sève dont il est plein.

Bibliographie. — Outre les ouvrages indiqués au cours de cet article, on consultera l’article Dogme, par le R. P. Pinard db la Boullayb ; le R.P. J. V. Bainvel, De Magisterio vivo elTraditione, Paris, iao5 ; R. P. A. Gardeil, Le donné révélé et la Théologie, Paris, 1910 ; R. P. R. Garrigou-Lagrangr, De Revelatione, 2e éd. Rome et Paris, 1921.

Adhémar d Alès.


TRADITION ET MAGISTÈRE. — D’après le Concile du Vatican (Sess. iii, chap. 2), les sources de la Révélation chrétienne sont l’Ecriture et la Tradition. La Tradition, ainsi que nous le verrons, l’emporte sur l’Ecriture : aussi, avant d’étudier les Livres Saints, il est bon de savoir ce qu’est la Tradition divine.

I. Notion de la Tradition.

II. Différentes sortes de traditions.

III. La Tradition aux points de vue objectif et actif.

IV. Etat de la controverse entre catholiques et protestants.

V. Manière de procéder dans les controverses.

I. Notion de la Tradition. — La tradition, au sens le plus général du terme, signifie toute doctrine, toute institution, toute pratique, venue des anciens jusqu’à nous. A ce point de vue général, la tradition est profane ou sacrée : elle peut appartenir à une religion ou à une autre. Nous nous occupons des traditions qui sont le patrimoine de la religion chrétienne, le bien propre du christianisme.

Or, dans cette acception déjà restreinte, le mot

« tradition » a un sens très large, un sens plus précis, 

et un sens tout à fait rigoureux.

1. Au sens le plus large, la Tradition est tout précepte, toute doctrine, institution ou pratique, transmis des âges précédents de l’Eglise aux temps actuels, quel qu’ait été le mode de transmission. En ce sens, la Tradition, loin de s’opposer à l’Ecriture, est plutôt, par rapport à elle, ce qu’un genre est à l’espèce. Le mot Tradition revêt ce sens très large sous la plume de l’Apôtre saint Paul, dans sa IIe Epître aux Thessaloniciens : « Ainsi donc, frères, demeurez fermes et gardez les enseignements que vous avez reçus, soit de vive voix, soit par notre lettre. » (II Thess., 11, 15.)

2. Dans un sens moins large, la Tradition est tout précepte, toute doctrine, institution, pratique, arrivé jusqu’à nous des âges précédents de l’Eglise, par un autre moyen que l’Ecriture, que cette doctrine se

trouve d’ailleurs ou non dans l’Ecriture elle-même. En ce sens, il y a opposition de la Tradition à l’Ecriture, non point sans doute si l’on considère la chose transmise, mais si l’on envisage le mode de transmission.

3. Enûn, au sens très rigoureux du terme, la Tradition est tout précepte, toute doctrine, institution, pratique, qui n’est point contenu dans l’Ecriture, et qui, en conséquence, nous est parvenu seulement par une voie différente de l’Ecriture elle-même. A ce point de vue, la Tradition se distingue totalement de l’Ecriture, eu égard aussi lien à la chose transmise qu’au moyen de transmission. C’est le sens que l’on retrouve le plus souvent au mot « tradition » sous la plume des premiers Pères de l’Eglise ; c’est aussi dans cette acception que l’on prend ordinairement le mot « Tradition ».

II. Différentes sortes de traditions. — 1. En raison de leur origine, les traditions sont divines ou humaines. — a) Les traditions divines ont pour auteur Dieu se révélant lui-même à l’homme ; elles ont donc pour objet des vérités révélées.

Elles se subdivisent, en raison du mode divin de promulgation, en traditions dominicales et traditions divino-apostoliques. Les premières ont été proposées aux hommes par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même ; les autres ont eu pour premiers promulgateurs les Apôtres du Christ.

La distinction entre les traditions dominicales et divino-apostoliques est affirmée par le Concile de Trente. Dans sa session iv° il parle des traditions non écrites qui sont parvenues jusqu’à nous, et dont les unes ont été reçues par les Apôtres des lèvres du Christ, les autres dictées aux Apôtres par l’Esprit Saint lui-même ; les unes et les autres sont venues jusqu’à nous, comme de la main à la main, quasi per manus traditae.

b) Les traditions humaines sont celles qui ont été primitivement introduites par l’autorité, ou du moins avec le consentement de ceux qui dirigent l’Eglise au nom du Christ. Elles se subdivisent en traditions simplement apostoliques et traditions ecclésiastiques.

i* La tradition simplement apostolique est celle quia été établie par les Apôtres en vertu de leur pouvoir pastoral, si bien que, relativement à elles, les Apôtres ont été de vrais législateurs, et non pas de simples promulgateurs. On cite comme exemple l’observation du dimanche au lieu du sabbat.

a" La tradition ecclésiastique est celle qui a été introduite, dans la suite des temps apostoliques, soit par l’autorité ecclésiastique elle-même, soit par une pieuse coutume des fidèles, ratifiée par l’autorité de l’Eglise. Exemple : l’obligation du jeûne à certains jours de l’année.

c) Distinction entre les traditions divines et les traditions humaines. — 1) Pour se rendre compte de la division des traditions en divino-apostoliques et simplement apostoliques, il fautse rappeler que les Apôtres étaient investis d’une double charge. Ils ont été, en même temps, promulgateurs de la révélation divine et pasteurs, ou chefs des Eglises. Comme pasteurs, ils jouissaient d’un pouvoir vraiment législatif ; ils pouvaient faire des lois et établir des institutions dans leurs Eglises.

2) Voici à quels signes on peut discerner les traditions divines de celles qui sont simplement apostoliques ou ecclésiastiques.

a) Une tradition est certainement divine, si elle a pour objet une doctrine révélée, par exemple, l’Immaculée Conception de la Sainte Vierge, ou bien si son objet est une institution de telle nature que