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TRADITION CHRETIENNE DANS L’HISTOIRE

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dividus à travers la collectivité, animée par le Saint-Esprit. L’Egliseest un organisme vivant : pour communiquer à ses membres la vie de la foi, elle doit être animée à chaque instant par l’Esprit divin. L’Ecriture ne suffit pas à instruire le fidèle : il y faut, à chaque instant, l’intervention de l’Eglise, qui seule maintient la communion des (idoles entre eux et avec les lidèles de tous les siècles. Celte intervention s’exerce par une tradition vivante. Voir A. Mm m. km. Die Einhcit in der Kireke, oder das Princip des Katholicismus, dargestellt ini Geiste der Kircïienvæter der drei ersten Jahrhunderte, p. 36 et 51. Tùbingen, 18a.. remprunte la traduction de G. Goyau, Moehler, p. - et 80 (La Pensée chrétienne, iqo5).

« La tradition consiste dans l’Evangile vivant, 

annoncé par les Apôtres et recueilli de la plénitude de leur àiue sanctifiée ; la tradition, c’est ce qui a été annoncé par une partie des Odèles comme l’ouvrage de l’esprit qui les anime, et c’est ce qui, dans l’âme des autres, sert de véhicule à la foi ; c’est par là. donc, que l’Eglise fait œuvre éducatrice. Il va, par conséquent, sans dire que la tradition ne peut pas être séparée de la vie de l’Eglise…

« La tradition est l’expression du Saint-Esprit

animant la communauté des fidèles ; cette expression traverse tous les siècles, vit à chaque moment, et en même temps prend un corps… »

/. Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, dû au cardinal Nkwman, donne un autre tour aux mêmes pensées. On connaît l’histoire émouvante et dramatique de ce livre qui convertit son auteur. Commencé par l’ermite de Littlemore encore protestant, publié au lendemain de son abjuration, il nous apporte toute vibrante la confession d’une âme qui, en étudiant les premiers siècles chrétiens, a compris la faiblesse des positions anglicanes. Nous y voyons en particulier que le principe de Vincent de Lérins, souvent invoqué par l’anglicanisme contre Rome, porte trop loin : qui l’applique avec cette rigueur, doit rejeter, au même titre que le concile de Trente et que le concile du Vatican, tout le christianisme des Pères, car ce sont là autant de phases similaires d’un même développement dogmatique. Le travail entrepris par l’auteur sur les bases du symbole athanasien lui a prouvé la solidité du symbole de Pie IX. Le livre est proprement la réponse de Newman catholique aux difficultés de Newman protestant sur le terrain de la tradition. An Essay on the development of Christian doctrine. La première édition est de 1 845 ; je citerai la neuvième : Londres, Longmans and Green, 180/j.

Il débute par un rigoureux examen de la palristique anténicéenne. Loin d’en atténuer les erreurs eL les lacunes, l’auteur semblerait plutôt les souligner à plaisir et prendre à dessein le contrepied de l’apologie composée cent cinquante ans plus tôt par par G. Bull pour les Pères antcnicéens. Où tend ce réquisitoire ? A prouver que dans l’Eglise il y eut dès l’origine, et donc il peut et doit y avoir, développement et progrès. Reste à trouver la formule de ce développement.

Une première partie expose les conditions générales du développement des idées. L’infirmité de l’esprit humain se révèle dans la nature toujours plus ou moins fragmentaire de ses intuitions : plus il étudie de nobles objets, plus la multiplicité des aspects limite forcément ses prises, et le condamne à s’y reprendre à plusieurs fois pour épuiser la réalité. S’agit-il d’une réalité complexe, le meilleur triomphe de l’esprit consistée grouper les éléments de sa connnaissance autour d’une idée centrale, convenablement choisie : telle serait bien, pour la doctrine chrétienne, l’idée d’Incarnation.

Une telle idée, accueillie dans l’âme, y développe une vie nouvelle. Les jugements partiels qu’elle implique passeront peu à peu, d’un état plus ou moins chaotique, à l’étal d’unité organique de plus en plus délinie : insensible germination et maturation de l’idée, qui présente tous les caractères d’une opération vitale.

Caractères plus profondément marqués dans le développement de la doctrine chrétienne, à raison même de son incomparable richesse. Nul ne soutiendra que la lettre du Nouveau Testament, si lumineuse et si chaleureuse soit-elle, informe tous les esprits avec une puissance et une lucidité qui rendent superflu tout éclaircissement ultérieur : la vertu du christianisme doit répondre aux exigences des natures les plus diverses. Au reste, l’histoire est là pour témoigner que, sur les points fondamentaux de l’Ecriture, s’accumulèrent les formules nouvelles, les reprises, les compléments. Le canon même du Nouveau Testament mit des siècles à se fixer. Maintes questions demeuraient en suspens : la divine sagesse en abandonnait la décision à l’action du temps et à la réflexion des hommes. L’ère apostolique avait reçu de précieux germes de vérité : elle n’en devait pas voir le développement. Comme Israël quitta précipitamment la terre d’Egypte, emportant sur ses épaules des auges pleines d’une pâte qui n’avait pas eu le temps de lever, ainsi l’Eglise sortit en hâte du milieu des nations, emportant son viatique, un ferment de doctrine qui n’avait pas encore subi l’influence des années.

Donc l’analogie nous met sur la voie du concept providentiel de ce développement doctrinal, postulé par la nature même de l’esprit humain. Tout d’abord, pour règle de ce développement, on doit s’attendre à voir surgir une autorité infaillible, frein nécessaire à l’indépendance des esprits. Par là s’explique la nature impérieuse du dogme catholique. D’autre part, l’identité historique du seul christianisme catholique avec le christianisme des Pères est un fait qui s’impose à bien des observateurs, même hors de l’Eglise.

A lui seul, ce fait crée une présomption favorable à l’action continue de la Providence sur cette institution unique, et à l’épanouissement, dans le seul christianisme catholique, de l’authentique donnée chrétienne. Les lacunes apparentes de ce développement dans le passé ne doivent pas faire prendre le cli ange sur la légitimité des dernières définitions doctrinales de l’Eglise : bien plutôt, le fait de ces définitions donne-t-il lieu de croire à de lointaines anticipations des mêmes doctrines dans le passé du christianisme. De fait, en remontant l’histoire de chaque dogme depuis sa définition solennelle jusqu’aux temps évangéliques, onen retrouve des ébauches successives, de plus en plus vagues, jusqu’au point d’attache, parfois imperceptible, dans le Nouveau Testament.

Il y a des développements sains et légitimes. Il y en a de malsains, qui sont de véritables corruptions. Newman entreprend de marquer, dans sa seconde partie, leurs caractères distinctifs : c’est proprement la partie constructive de l’ouvrage.

Livre éminemment personnel et suggestif, où plus d’une page appelle la discussion et la critique. Pour ne marquer qu’un point capital, il ne semble pas que l’auteur ait perçu nettement la différence essentielle qui existe entre le développement dogmatique au temps des Apôtrea et le développement dogmatique après la clôture du Nouveau Testament 1. Ins 1. Voir Part I, chap. 11, section 1, ’i 13, p. G8. L’ameignement de saint Ignace, (relatif à l’épiscopat, est mis sur