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TRADITION CHRÉTIENNE DANS L’HISTOIRE

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terre. Ayant vidé les couvents, ils auraient supprimé les copistes, sans lesquels les Ecritures ne pouvaient se répandre. Mariés et charges de famille, les copistes eussent exigé de tels salaires que chaque exemplaire de la Bihle eût coûté au moins 20.000 francs d’aujourd’hui. Combien se fussent offert un tel luxe ?

Le véritable père de l’évangélisation est donc Guten ! >erg. Avant lui, il n’y avait d’autre chrétienté que romaine et catholique.

Or, si nous dégageons la vérité de l’histoire après avoir supprimé tout intermédiaire théologique entre l’âme et la Bible, nous constituons un groupe tel que le Pape ne pourrait en aucune manière le condamner. Aucun Pape n’a condamné ni ne condamnera jamais notre seul véritable ancêtre, Gutenberg, tandis que tous les Papes ont condamné et condamneront Luther et Calvin, catholiques apostats, chez qui bien des choses étaient condamnables. Jamais les catholiques n’ont donné en exemple des hommes qui ont dans leur vie les taches que l’on ne peut effacer de la vie des réformateurs du xvi° siècle.

Pour la paix chrétienne, sacrifions ces idoles, rejetons les traditions belliqueuses du protestantisme, tout comme le protestantisme rejeta certaines traditions ; faisons table rase au point de vue historique comme au point de vue doctrinal.

Concluons : le besoin de combattre et de contredire le catholicisme a été la cause de trop de guéries religieuses et de trop de scandales pour que nous ne réformions pas le protestantisme au xx° siècle en vue de l’évangélisation des païens.

Laissons chacun libre de suivre l’élan de son coeur et l’appel de Dieu. Par là nous permettrons la formation d’une nouvelle Evangélicité qui remplacera le protestantisme vieilli et périmé et qui s’unira étroitement avec l’Eglise romaine par des relations diplomatiques. Peu importe que nous sacrifiions des traditions de chapelles et de sectes, pourvu que le Christ soit plus aimé, mieux servi, et que cesse l’odieux scandale de la division chrétienne qui stérilise nos efforts missionnaires et avilit dans trop d’esprits l’idée chrétienne…

Aux catholiques nous laisserons leurs richesses doctrinales ; pour nous, nous nous consacrerons entièrement au rayonnement de la charité : notre foi sera un simple acte d’amour et d’abandon au Christ et nos œuvres révéleront sa puissance et son inépuisable bouté.

S. C. pour un Groupe de chrétiens évangéliques. 25 janvier 1928.

Les catholiques romains ne pourront qu’être touchés par l’expression de pensées si généreuses, et moins que personne ils songent à rouvrir l’ère des guerres de religion. Mais ils verront dans cette manifestation une raison de plus de s’attacher à l’unique Tradition dont le Saint-Siège a la garde. Car le partage qu’on leur offre ne saurait offrir une base acceptable pour une collaboration d’ordre religieux. Le « phénomène évangélique », réduit aux proportions d’une plus large diffusion de la Bible, rendue possible par l’invention de la typographie, ne réalise point dans sa plénitude le mandat donné par le Christ à ses Apôtres (Matt., xxviii, 19) : il y faut encore le don de soi (I Thés., 11, 8 ; Il Cor., xii, 15) pour la conservation intégrale du dépôt reçu (I Tim., vi, 20) et pour l’exercice du ministère sacré (I Cor., iv, 1). C’est à quoi ont voué leur vie les missionnaires qui portent l’Evangile aux infidèles. Ils ne s’en laisseront pas détourner. L’accomplissement de ce mandat est œuvre d’amour, et l’amour est la perfection de la Loi (Rom., xiii, 10). Encore faut-il que la Loi demeure, et la Loi, c’est la parole du Christ (Matt., xxiv, 35).

XL Economie divine de la Tradition dogmatique. — La bonne nouvelle de Jésus Christ, déposée au sein de l’humanité il y a vingt siècles, est ayant tout une réalité positive, parfaitement définie en elle-même, quelque difficulté que puisse éprouver

l’esprit humain à la concevoir nettement et le langage humain à la traduire en formules appropriées. Parfaitement déunie en elle-même ; d’ailleurs assujettie, dans sa transmission, aux conditions diverses des intermédiaires multiples qui l’ont portée jusqu’à nous.

Le premier de ces intermédiaires est le Verbe incarné en personne ; car Dieu, après avoir à plusieurs reprises et en plusieurs manières parlé autrefois à nos pères dans les prophètes, nous a parlé dans son Fils (Heb., 1, 1. 2). Et nous avons reçu de sa plénitude : le Fils unique nous a dit ce qu’il a vu au sein du Père (lo., 1, 16. 18).

Après le Verbe incarné, les Apôlres, instruits non pas tout d’un coup, mais peu à peu. D’abord par le Maître lui-même, qui a voulu travailler sur une matière ingrate. A la veille de sa Passion, il leur disait : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez pas les porter présentement. Quand viendra le Paraclet, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité entière. » (fo., xvi, 12. 13). Puis par l’Esprit saint, qui compléta cette éducation laborieuse, et communiqua aux hérauts de l’Evangile une plénitude répondant à leur rôle d’initiateurs. Rappelons que saint Thomas affirme en termes très clairs cette prérogative des Apôtres. 1 » ll æ, q. 106 a. 4 : Non est expectandum quod sit aliquis status futurus in quo perfectius gvatia Spiritus sancti habeatur, quant hactenus habita fuerit, et maxime ab Apostolis, qui primitias Spiritus acceperunt, i. e. et tempore prius et ceteris abundanlius.

Après les Apôtres, l’Ecriture, écoulement de leur plénitude, mais inégale à cette plénitude d’où elle procède. L’Ecriture baignait dans un flot qui l’investit et la déborde, le flot de la vie chrétienne à sa source. On ne peut demander à l’Ecriture qu’un reflet de la pleine lumière que les Apôtres portaient en eux.

Après l’Ecriture, le magistère permanent de l’Eglise, assistée de l’Esprit Saint pour garder intact le dépôt hérité des Apôtres, et en procurer l’adaptation aux besoins des générations successives. Le magistère permanent de l’Eglise ne prétend pas recevoir du ciel des révélations supplémentaires, en vue de nouvelles acquisitions dogmatiques ; seulement il a conscience d’être accrédité pour réaliser de telles acquisitions par l’explicitation progressive des vérités qui sont dans l’Eglise, implicites dès le commencement. On sait la rigueur de saint Thomas pour ceux qui ne se rendent pas simplement à l’autorité de l’Eglise (Quodlib., iii, art. 10).

Le Verbe incarné, les Apôtres, l’Ecriture, le magistère permanent de l’Eglise : quatre étapes successives de la tradition dogmatique dans sa descente vers les générations chrétiennes.

A la dernière étape, représentée parle magistère permanent de l’Eglise, la transmission se fractionne. Ou plutôt, elle présente deux aspects, selon que l’on considère principalement le Saint-Esprit, cause principale de la transmission, ou les théologiens, instruments actifs de cette même transmission.

Le rôle du Saint-Esprit. — L’opération du Saint-Esprit, dans la transmission du dépôt révélé, est indispensable. CommeleSaint-Espritcouronna l’éducation des Apôtres, il poursuit, de siècle en siècle, l’éducation des générations chrétiennes. Tous les interprètes de la tradition chrétienne ont insisté, à l’envi, sur ce travail perpétuel du Saint-Esprit dans l’Eglise. Citons quelques exemples, pour les temps les plus proches de nous.

Formé en pleine controverse et au contact des protestants, Jean AdamMoKHLEit († 1838) avait bien compris cette action surnaturelle qui atteint les in-