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TOTEMISME

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Israélites ne véiiéraient pas, comme les Egyptiens, le serpent vivant, mais la représentation du serpent. Le IVe livre des Rois (IV Reg., xvni, 4) raconte qu’Ezéchias lit détruire le serpent d’airain qu’avait fait élever Moïse et qui était honoré dans le Temple comme une idole. Il n’y a pas d autres indications sur le culte du serpent, car le nom de lieu « la pierre du serpent » (III Reg., I, y) remontait aux Cliana-Kéens et pouvait avoir sa raison dans la présence île nombreux serpents qui séjournaient là. Le prince .Nachshon était ainsi appelé parce qu’il s’était rendu lerrible à ses ennemis, Il n’est pas facile de prouver que les Israélites aient considéré le serpent comme leur ancêtre, puisqu’ils le tenaient pour un être malfaisant. On a prétendu que David appartenait au clan îles serpents, parce qu’il avait parmi ses ascendants un Nachshon et que sa sœur Abigail était la lille d’un certain. Vachaslt (serpent). David lui-même était en relations amicales avec le roi ammonite /fâchas k. On comprend dès lors pourquoi le serpent était vénéré dans le Temple et pourquoi Adonijas fut couronné à la « pierre du serpent ». Il faut remarquer qu’Abigail est la lille d’un homme nommé non pas Nachask (II Sam., xvii, aô), mais Toskd.il y a une faute de copiste, qu’admettent Klostermann, Welihausen, Kautzscb, en se basant sur les Septante (/. c, et I Chron., ii, 16). Que le serpent d’airain fût en rapport très étroit avec la famille de David, c’est une pure affirmation sans preuve, qui a contre elle ce fait, que la tradition en attribuait à Moïse l’érection. Quant à l’amitié de David avec le prince ammonite Nachshon, on ne peut rien en déduire. Nachshon et David étaient amis parce que tous deux étaient les ennemis de Saiil, et à la mort de Saiil ils cessèrent leurs rapports. On voit combien gratuite et légère est l’affirmation qui rattache David au clan des serpents.

Il est parlé de chevaux sacrés dans le IVe livre des Rois (xxin, ii) ; mais ils n’ont rien à faire avec le prétendu totémisme des Israélites, car chez les Sémites le cheval fut connu assez tard ; ce culte était d’origine assyrienne, et il n’était pas autre chose que l’entretien des chevaux qui étaient au service du Soleil et allaient au-devant de lui quand il se levait.

On ne parle du chien qu’à propos d’un culte étranger où il entre comme victime (Is., lxvi, 3). L’âne n’était pas honoré par les Hébreux. La fable qui en faisait leur dieu était déjà réfutée par Flavius Josèphe, comme un infâme mensonge. R. Smith en place l’origine dans une méprise, confondant les Juifs avec leurs voisins païens. Le porc était sacré, d’après Lucien le Syrien. La Bible ne le cite qu’à propos des sacrifices étrangers, où il sert de victime Ifs., lxv, 14 — lxvi, 3.17). Il n’y a pas de preuve qu’on lui rendit des honneurs. C’est encore une méprise qui fit croire aux peuples étrangers que les Israélites adoraient le pore. Il en est de même pour les souris. Rien à conclure d’Isaïe (lxv, 17). Les Phéniciens les regardaient avec superstition, parce qu’elles pouvaient devenir un fléau pour les champs, mais cela ne veut pas dire qu’ils voyaient en elles des divinités. Quant à la souris d’or (I Sam., vi, 5), c’est un sacrilice propitiatoire, il n’a pas d’autre signification que les souris représentées sur les stèles carthaginoises. Quoi qu’en dise Schultzes, les lions et les ours n’étaient pas pour les Hébreux des incarnations de Dieu. Son seul argument, c’est que ces animaux apparaissent comme des messagers de Dieu dans IV Reg., xvii, 20 ; 11, 24, et Ezech., xiv, l5. Mais choisir un animal pour messager et s’incarner en lui, ce sont deux choses bien distinctes ! Il n’y a pas lieu de s’arrêter aux « mouches ». Car

Baal-Zeboub (baal des mouches) n’a rien de commun avec les mouches, mais Zeboub était le nom d’un lieu où l’on honorait un Baal particulier. D’autres Baal étaient aussi désignes ailleurs de cette manière ; par ex., àChermon, on avait Baal-Chermon ; à Sidon, Baal-Sidon. Baal-Zeboub veut dire le Baal de Zeboub, le Baal vénéré à Zeboub.

Le veau passe chez les Sémites pour un symbole des divinités masculines et reçoit d’eux un culte. Mais le veau vivant n’était pas honoré chez les Israélites ; on n’en a du moins aucune preuve, et il y a des indices du contraire, notamment ce fait que le veau était classé parmi les victimes des sacrifices. A cause de cela, nous pouvons même dire que les représentations du veau, les veaux d’or, du moins ceux que fit élever Jéroboam (1Il lieg., xii, 28), n’ont pas été érigés et honorés sous l’influence égyptienne ; car le veau a dans la religion égy ptienne une tout autre place, et Jéroboam n’aurait pu s’attacher ses sujets au moyen d’un culte étranger. Même l’adoration du veau d’or au désert a pour origine une conception sémitique.

On ne peut donc constater chez les Israélites aucun culte d’animal, dans le sens propre du mot ; l’on ne rencontre chez eux que la vénération de certaines images d’animaux, qui ne dénote nullement un totémisme antérieur. On peut donc expliquer, sans lui donner un sens totémique, ce passage du Décalogue : « Tu ne feras pas d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre ». Ex., xx, 4 « 

3) Les interdictions alimentaires de la Bible ne sont pas nécessairement des tabous issus de croyances totémiques. Elles s’expliquent par d’autres motifs plus vraisemblables, qui d’ailleurs peuvent très bien ne pas être les mêmes pour les différentes espèces d’animaux impurs. La raison de santé en fit défendre quelques-uns, dont la chair, surtout dans les climats du sud, pouvait occasionner des maladies dangereuses. Ainsi, d’après Hérodote, le porc était, pour cette raison, considéré comme impur par les Egyptiens. Les Palestiniens disent encore aujourd’hui que la chair du porc donne la lèpre. On a constaté dans le sang du corbeau, des corneilles, et du vautour la présence de petits vers de l’espèce des trichines. Les anguilles, les huîtres, et généralement les crustacés sont encore actuellement regardés, dans les pays chauds, comme nuisibles à la santé. La chair des animaux morts contient de nombreux germes de maladie ; elle est aussi prohibée.

D’autres motifs peuvent être encore allégués pour justifier l’interdiction de certains animaux. Ainsi : les croyances juives à l’influence morbide qu’exerce une alimentation capable d’affaiblir les organes ou d’amoindrir la vigueur intellectuelle et morale ; la recherche d’un moyen pédagogique pour enseigner aux Israélites à ne pas perdre de vue la pensée de Dieu en prenant leur nourriture ; la répugnance instinctive qu’on éprouve à se nourrir d’animaux particulièrement grossiers et malpropres. Enfin une application de la loi plus générale des purifications. Le contact de certains objets déterminés souille l’Israélite ; s’il commet la faute de les toucher, il doit se purifier. Les animaux classés comme impurs sont de nature encore plus dégoûtante. Il doit être interdit de se les assimiler, de peur de contaminer le sang même de l’homme et par là son être tout entier.

Il est à remarquer qu’il n’y a pas de végétaux impurs : chez les Hébreux les plantes, en effet, n’ont que le pouvoir de nuire ou le pouvoir d’être utile.