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TOTEMISME

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Plants. The Fortnightly Revitw, vol. VI, 1869, p. 407, p. 56a ; vol. VU, 1870, p. ig.’j et suiv.).

J. Luubock et H. Spsncbr ont tous deux, mais indépendamment l’un de l’autre, fourni duTotémisme une même explication. Ils le font remonter à la pratique, très répandue chez les non-civilisés, de donner aux enfants ou aux guerriers le nom d’un animal ou d’une plante.

Lubbock admet que la famille, qui a pris ainsi son nom d’un animal, éprouve bientôt pour l’espèce entière une sorte de respect. De là nait, dans la pensée du sauvage, une confusion entre ses ancêtres et l’espèce animale dont il porte le nom, confusion d’où sort bientôt l’idée de parenté. II. Spencer place l’origine du Totémisme dans une méprise, commise par les ancêtres du sauvage actuel, sur le sens et la portée des noms de leurs parents. On donnait aux enfants le nom de quelque objet naturel, d’un animai ou d’une plante, qui avait attiré l’attention de la mère au moment de la naissance ; en outre, on attribuait facilement à un homme fait, à un guerrier par exemple, le nom d’une bote de proie, d’un oiseau, etc., avec qui ses qualités physiques lui donnaient quelque air de ressemblance. Ces surnoms ne se transmettaient pas nécessairement à ses descendants, sauf dans le cas où il s’agissait d’un homme qui s’était fait connaître par son habileté ou son courage. Si le I.oup s’est créé une haute réputation, ses flls, tiers de descendre de lui, porteront son nom. Et si cette famille se développe en une tribu nouvelle, les membres de ce clan s’appelleront eux-mêmes les Loups. La mémoire du sauvage étant courte, les descendants Loups ont vite confondu le loup-animal et le loup-ancêtre. !  ! s ont (ini par croire qu’ils descendaient duloup-animal etils l’ont honoré comme leur ancêtre. Le Totémisme aurait donc pour origine « la maladie dulangage, qui consiste à confondre le sens réel et le sens métaphorique des mots ». (Lubbock, The origin and the primitiv condition of man, p. 218 ; H. Spbncbr, The origin o( animal Iforship, p. 98.)

Rohehtsox Smith et Jrvons considèrent le régime totémique comme constitué par un contrat : ce contrat a eu pour conséquence, non seulement dénouer une alliance défensive contre des puissances ennemies, mais de rendre les deux partis une même chair et un racine sany (blood covenant), qui a pour instrument principal le sacrifice totémique. L’éveil du sentiment du divin et la plupart des rites ayant pour objet les arbres et les plantes daterait de cette alliance. (Robertso Smith, The Religion of the Sémites ; Jevons, An Introduction to the Ristory of Religion).

M. Salomon Rbinach s’est rallié à cette théorie du contrat : mais la notion rie parenté, et surtout de descendance d’un ancêtre commun, ne constitue pas pour lui un caractère essentiel du Totémisme, « ce n’est là qu’une pure hypothèse suggérée aux totémistes par des talious dont l’origine leur échappait, ou peut-être par les désignations traditionnelles de leur clan. » (Cultes, Mythes, et Religions, t. I, Paris, 1900),

Frazrr a essayé d’expliquer l’alliance tot-îmique par les cérémonies d’initiation en usage au moment de la puberté. L’un de ces rites est une danse sacrée où l’on figure la mort et la résurrection du jeune homme ou de la jeune tille. Cette mort simulée signilie l’extraction de l’âme et son transfert au totem, tandis que la résurrection s’opère par la réception de l’àme du totem, qui entre d.ms son nouvel allié. Il y a donc eu échange d âmes ; échange de vies. L’àme de l’animal a pris la place de l’âme de l’initié, qui devient un animal et peut s’appeler à Juste titre loup ou serpent. Dès lors, le sauvage ne

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court plus le danger d’être tué, puisque son àme, qui continue pourtant d’animer son corps, n’est plus en lui, mais dans le totem ; d’autre part, l’iiihabitation dans l’initié de l’àme du totem, lui communique une force et une vigueur incomparables.

Frazer émit plus tard, dans un article de la Fortnightly Review, une nouvelle théorie qui n’est pas exclusive de la première. La signification des rites totrmiques serait essentiellement magique, chaque groupe totémique exercerait une autorité et un contrôle spéciaux sur une classe déterminée d’animaux, de végétaux, ou d’autres objets. Les cérémonies magiques (Intrehiumana), célébrées par les groupes, avaient eu pour objet d’accroître le nombre des animaux, d’augmenter la fructilication des plantes, de faire tomber la pluie, ou de réduire à l’impuissance les êtres et les phénomènes malfaisants. « L’organisation totémique n’est plus ainsi qu’une sorte de coopérative de magiciens, ayant pour but d’assurer à la fois l’alimentation et la protection de la tribu. » Les deux explications de Frazer peuvent se combiner. L’échange d’âmes, qui à l’origine n’était qu’un moyen, serait ensuite devenu une fin, et les rites magiques se seraient peu à peu transformés en des institutions régulières. (Frazer, The origin of Totemisin. The Fortnightly Review, 1899, april).

III. Répartition géographique du Totémisme.

— C’est en Amérique du Nord et en Australie qu’on rencontre le régime totémique le plus universellement établi et dans tout son développement. Il existe dans presque toute l’Australie ; les seules exceptions connues sont les Kurnois (Victoria de l’Est) et les Gournditchmoros (Victoria de l’Ouest). En Amérique du Nord, on le trouve chez toutes les tribus à l’est des montagnes Rocheuses ; et tous les Indiens, de la côte du nord-ouest à la frontière des Etats-Unis, pratiquent les usages totémiques. Dans l’Amérique du Sud, on peut supposer qu’il existe un peu partout, car on le rencontre chez des tribus très éloignées les unes des autres ; niais cette vaste région est encore trop peu connue pour qu’on puisse donner des renseignements sûrs et complets. Il est en vigueur chez les Goajiros sur les frontières du Venezuela et de la Colombie, chez les Arawacks, chez les nègres de la Guyane et chez les Patagons.

En Afrique, on le trouve en Sénégambie, chez les Baqualais de l’Equateur, chez les Damaraset les Bechuanas de l’Afrique du Sud. Il en subsiste des traces dans d’autres parties de l’Afrique, par exemple dans les populations tshiu de l’ancien empire achanti, en Abyssinie ; chez les Gallas de l’Afrique orientale. En Asie, les peuplades aryennes de l’Inde et le peuple de l’Altaï sont divisés en clans totémiques. Au Bengale, il y a de nombreuses tribus totémiques. Chez les Indonésiens, surtout chez les Dayaks, un ensemble de tabous obligatoires pour certains groupes accuse l’existence antérieure du Totémisme. En Mélanésie, il existe aux îles Fidji, aux Nouvelles-Hébrides, et aux îles Salomon (cf. Frazer, I.e Totémisme, p. 130).

Certains auteurs croient à l’existence d’une organisation semblable dans l’ancienne Egypte ; ils ont cru en voir des traces dans les titres portés par les Pharaons, qu’on appelait épervier, taureau, vautour, serpent, etc. Mac Lennan et Lang pensent en avoir retrouvé des vestiges évidents en Grèce et en Italie, et Salomon Reinach dans le pays celtique. Robertson Smii.li s’est efforcé d’établir que le totémisme était en usage chez les Sémites, en particulier chez les Arabes et chez les Hébreux. Ses preuves ne paraissent pas suffisantes. La question du Totc U