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TOLERANCE

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oniniàtre d’un seul dogme consomme l’hérésie, parce que le motif de la foi n’est pas la cohérence du système, mais bien l’autorité de Dieu, qui n’admet pas de partage. Sans aucunement méconnaître la dignité inégale des vérités que Dieu, par son Eglise, lui propose à croire authentiquement, le catholique doit placer la valeur, le mérite, l’essence même de l’acte de foi dans le fait de les croire toutes sur la parole de Dieu. S’il trie les dogmes, la foi n’existe plus ; l’intelligence divine cesse d’être son guide, il passe les rênes à sa raison. En somme donc, il n’y a pas d’hérésie partielle. La foi ne subsiste pas par lambeaux. — En dehors des dogmes définis, l’autorité religieuse, suivant la gravité et la délicatesse de la matière, suivant la qualité des auteurs et les circonstances de temps et de lieu, permet sur les sujets sacrés une liberté de discussion plus ou moins grande, qui rentre dans ce qu’on peut appeler sa tolérance. Tout ce qui est explication du dogme est discuté librement. Cf. art. Dogme. S’il est vrai que l’Eglise donne des directives en faveur de tel système théologique ou philosophique, il ne faut pas oublier qu’il s’agit là souvent de conduite pratique et de sécurité, plutôt que de vérité absolue. Que l’Eglise n’entrave pas l’essor des sciences, ni FeiTort scientidque de ses enfants, c’est ce qu’on entend de moins en moins contester dans les milieux éclairés. L’enquête récente du Figaro a montré que pratiquement l’on peut concilier la foi et la loyauté scientifique. Le point de vue théorique a été traité à l’article Foi, colonne 84, et à l’art. Scibncb bt Religion. Voir en outre, art. Syllabus.

3) Gouvernement- — L’Eglise gouverne et l’Eglise punit. Par le fait même, elle restreint la liberté, comme toute société. Mais son gouvernement n’est ni brutal, ni extincteur d’initiative. Cf. Art. Gouvbhnemk. nt db l’Eglise. Ses sanctions, même temporelles, sont légitimes. V. art. Hérésie.

"/) Expansion. — L’Eglise — on l’a dit à l’instant

— est poussée toujours aux conquêtes par la parole de son Chef : « Allez, enseignez toutes les nations. » Dans cette œuvre de conquête, quelques-uns la voudraient d’un esprit plus large, plus accommodant. Pour eux, comme pour le sceptique Bayle, « toutes les religions du monde, bizarres et diversifiées comme elles le sont, ne conviennent pas mal à la grandeur infinie de l’Etre souverainement parfait, qui a voulu qu’en matière de diversité toute la nature le prêchât par le caractère de l’Infini. » Tantôt sceptiques et tantôt profondément religieux, ces critiques du catholicisme rêvent les uns d’un syncrétisme flou ou sentimental, les autres d’une confédération des Eglises chrétiennes, toutes mises sur le même plan. L’on comprend que ces perspectives d’union et d’amitié fascinent. Mais à la réflexion, ne s’aperçoit-on pas que ce rapprochement imaginaire des hommes, se prêche aux dépens du respect de Dieu ? Pa ; - le fait qu’une religion se déclare, avec vraisemblance, divine dans sa source et obligatoire pour tous, elle impose manifestement à la créature humaine le devoir impérieux de s’intéresser à ce fait, le plus considérable de l’histoire, d’en vérifier les preuves et, s’il est trouvé exact, de s’apprêter à écouter la voix de Dieu. Et ceux qui possèdent cette vérité doivent naturellement chercher à la faire partager telle qu’elle est, surtout s’ils tiennent de leur Fondateur l’ordre d enseigner partout.

Ainsi fait l’Eglise. Elle piétend avoir celle vérité, et seule elle prétend que chez elle seule l’homme peut réaliser profondément sa vie, ici et toujours.

« Hors de l’Eglise, point de salut », cette formule, elle l’a

dite au nom de Dieu ; c’est au nom du Christ qu’elle ajoute : « Qui ne croira pas, sera condamné. » Ce

n’est donc pas outrecuidance. Ce n’est pas davantage cruauté, car l’Eglise enseigne qu’on peut lui appartenir en fait sans dépendre de son organisation extérieure et que Dieu ne refuse pas sa grâce à l’homme de bonne volonté. Cependant l’appartenance au corps de l’Eglise est la condition normale du salut. Voilà pourquoi des nuées de missionnaires travaillent à faire entrer tous les hommes dans l’unique bercail.

Mais cette conquête doit être douce, pacifique. Je me suis fait tout à tous pour les sauver tous », dit l’Apôtre des Gentils ; l’Eglise désavoue énergiquement la conversion par le glaive. Des excès ont été commis en ce sens, toujours suivis de protestations. Alcui.n le rappelait à Charlemagne, quand celui-ci, guidé plutôt par des motifs politiques, ne laissait aux Saxons d’autre option que le baptême ou la mort. « La foi, disait-il, est affaire de volonté, non de nécessité. Comment forcer un homme à croire ce qu’il ne croit pas ? On peut le pousser au baptême, mais non à la foi. L’homme, être intelligent, raisonne : l’enseignement, le zèle de la prédication, doivent l’amener à reconnaître la vérité de notre sainte foi. Et la prière surtout doit faire descendre sur lui la clémence de Dieu tout-puissant ; car la parole retentit inutile, si la rosée de la grâce n’humecte pas le cœur de l’auditeur. » E p., xxxvi, P. L., C, 19, 4 B. Alcuin ne faisait que répéter ce qu’aliirmait depuis longtemps la tradition catholique. « Nul ne doit être mené de force à la foi », avait dit saint Augustin. Contra litt. Petiliani, II, lxxxiii, 184, P, L., XLIII. 315. « C’est le propre île la religion de ne pas contraindre, mais de persuader » avait dit saint AthaNasb. Historia Arianorum ad monachos, lxvii, P. G., XXV, 77.3 A. Saint Thomas reprendra : « Les Gentils et les Juifs ne peuvent d’aucune façon être menés à la foi par la contrainte. Croire est affaire de volonté. » Ii a ll æ, q. 10, a. 8. Des fanatiques ont évidemment violé cette loi, toujours en leur propre nom. Hors le cas d’extrême nécessité, que crée le danger de mort, aucun enfant de Juif ou d’infidèle ne peut être baptisé contre le gré ou même à l’iusu de ses parents ou tuteurs. Le 18 février 1706, le Saint-Office rappela ce principe. Benoit XIV le fit à son tour dans son Encyclique Postremo du 28 février 17^7. Tous les théologiens et canonistes l’enseignent et les instructions du Saint-Siège l’ont tellement inculqué que depuis la déclaration du 17 avril 1777 il n’a plus été nécessaire de revenir sur ce sujet jusqu’au nouveau code de droit ecclésiastique qui, dans son canon 750 sanctionne le même principe.

En résumé : supprimer la haine, le mépris, ou le dédain pour les égarés d’autres cultes, autrement dit les infidèles : mais, par ailleurs, entrer dans les intentions du Christ qui veut amener tous les hommes à la connaissance de la vérité. L’intolérance ecclésiastique peut être un mot impopulaire, mais la réalité sympathise avec ce que nous avons en nous de plus élevé et de plus généreux. Elle dit conviction et confiance, là où la tolérance dit scepticisme ou désespoir ; elle prouve une force, là ou la tolérance n’accuse que faiblesse et impuissance ; elle inspire un zèle sauveur, tandis que la tolérance engage plutôt à une indifférence égoïste. L’Eglise catholique ne peut haïr personne, ni passer indifférente à côté d’une seule misère. Elle est la plus intransigeante, la plus intolérante des Eglises, mais aussi la plus aimante. Suivant l’expression d’un archevêque français, l’Eglise a l’intransigeance de la vérité et de la charité. Et dans tout le cours de son histoire, elle doit à son intolérance la plus pure de ses gloires : ses martyrs, qui empourprent le drapeau de la