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TOLERANCE

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a) Dieu seul, Juge suprême, « sonde les reins et les cœurs », et donc a le droit de se prononcer sur l’état proprement moral d’une personne.

3) Le catholique doit aimer ses ennemis, même antireligieux, et faire du bien à ceux qui le haïssent ou qui haïssent son Eglise.

4) Il ne faut pas être plus catholique que le Pape. Quelques applications- — Un catholique, non

seulement ne massacrera pas les païens, mais il ne les circonviendra pas par des appâts grossiers pour leur extorquer des gestes religieux sans âme.

Tout en combattant les fausses doctrines, le catholique doit être charitable dans sa polémique. L’idéal qu’il doit poursuivre à ce point de vue a été parfaitement formulé par le P. Gratry dans sa vie de Perrej ve : « Si l’on savait, à force de vouloir et de le demander à Dieu, n’être jamais ni sec, ni dur, ni, ce qui est pis, ironique et surtout aigre-doux, si l’on s’habituait à l’art de découvrir, dans le moins raisonnable adversaire, un millième de raison, s’il s’y trouve, pour l’adopter, le louer, s’en servir, comme le chimiste, dans une masse quelconque découvre un millième d’or ; si l’on savait être toujours, avec science et lumière, imperturbablement évangélique, doux comme l’Agneau de Dieu, je suis convaincu, dis-je, qu’on ferait des miracles » (p. 130 et suiv.). Dans les controverses entre catholiques sur des matières religieuses, les mêmes devoirs de respect et de charité subsistent. Mais il y a quelque chose de plus. L’Eglise juge elle-même de sa doctrine, elle possède un magistère infaillible chargé de proposer et de préciser la révélation. Ce magistère seul est doué d’infaillibilité. Un individu

— surtout s’il est laïc et ne fait à aucun degré partie du corps enseignant — ne doit donc en matière théologique prononcer le mot d’erreur qu’après mûre réflexion. S’attribuer un sens spécial d’orthodoxie serait outrecuidance nullement chrétienne. — Les théologiens eux-mêmes doivent, à cet égard, obéir au canon d’iNNOCBNT XI, DB., 1216, ainsi conçu : Tandem, ut ab injuriosis contentionibus doc tores seti scholastici aut alii quicumque in posterum se abstineant, et ut paci et caritati consulatur, idem Sanctissimus in virtute sanctæ obedientiae eis præcipit ut tam in libris imprimendis ac manusvriptis, quam in thesibus, disputationibus ac ptædictitionibus caveant ab omni censura et nota, neenon a quibuscumque cont’iciis contra eus propositiones, quæ adhuc inter catholicos hinc inde controvevtuntur, donec a Sancta Sede, re cognita, super Hsdem propositionibus iudicium proferatur.

Ne prétendons pas que les individus catholiques aient toujours mis en pratique ces règles. L’histoire de la polémique prouve le contraire. Mais il est cerlain que les meilleurs l’ont fait. En tout cas, les plus chrétiens. Si les colères truculentes et pleines de fracas de certains controversistes catholiques constituent peut-être un spectacle impressionnant pour ceux qui n’ont rien à craindre de leur violence, ou bien soulagent même cescombattants trop sanguins — v, oo’/n ycip tu ïctij r, zcj &j/JïO Trùpuoti, dit saint Jean-Chrysostome, — elles sont certainement peu chrétiennes. Et un adversaire honnête de l’Eglise n’en abusera pas contre elle.

Restrictions- — i) Il ne s’agit cependant pas de décerner un diplôme de mérite à toute patience, à toute impassibilité. L’homme qui surmonte la douleur peut être un courageux ou un assoupi. L’ignorance du péril et la bravoure procurent également le calme en face de la mort. Dans le domaine intellectuel, il est aussi des cécités, des engourdissements ou des incapacités qui excluent la rancœur ou la colère. L’homme qui ne pense pas n’en tre jamais en conflit d’idées avec personne. Le sceptique ou le blasé n’ont guère de peine à être tolérants. Il ne s’agit pas d’encourager la paresse d’esprit ou la timidité, ni de faire l’apologie d’une bonhomie qui dépare la bonté, d’un amour égoïste de ses aises qui porte aux transactions, de complaisances qui dégénèrent en complicité. Le critique catholique peut et doit porter hardiment des jugements dans les limites de sa compétence, mais il doit juger les doctrines et les œuvres, non les personnes. Il s’agit donc d’une tolérance raisonnée, basée sur le respect qu’à l’exemple de Dieu on doit avoir pour les âmes, et sur la charité qui est le premier et le plus grand des commandements.

a) Si la charité s’étend aux ennemis, il est clair qu’elle doit commencer par les amis. Le catholique n’est pas intolérant ni étroit s’il préfère un libraire catholique à un libraire sans couleur, un fournisseur connu pour ses sentiments religieux à un autre qui est un mécréant.

3) il est clair aussi qu’un père de famille, un tuteur, un patron non seulement ne doit pas, par une fausse largeur d’esprit, ouvrir sa porte aux personnes et aux opinions qu’il juge malfaisantes, mais qu’il peut et doit travailler à mettre ses subordonnés à l’abri de ces dangers. Et si les moyens légaux ne suffisent pas, si l’Etat est en carence manifeste, qu’il se défende comme il pourra. Voilà ce qui justiûe l’opposition à de6 lois scolaires iniques, la campagne et le « geste » de l’abbé Bethlehem. Cf. art. Laïcisme.

§ II. — La tolûrancb kcclésiastique

Il ne s’agit que de l’Eglise catholique, celle dont, selon Proudhon, le dogmatisme, la discipline, la hiérarchie, le progrès réalisent le mieux le principe et le type théorique de la société religieuse, celle, par conséquent, quia le plus de droits au gouvernement des âmes. Quelle sera l’attitude de cette Eglise vis-à-vis des autres religions ? Attitude répondant à l’idée que l’Eglise se fait d’elle-même. Or l’Eglise prétend qu’à côté des Etats qui se forment, prospèrent et disparaissent d’après les vicissitudes de la politique, à côté des sociétés civiles que l’Auteur de la nature a voulues et sanctionnées en voulant le genre humain, à côté d’elles, et même indirectement au-dessus d’elles, Dieu a institué, pour durer autant que le monde, une société religieuse qui remonte à Jésus-Christ. Qu’à cette société appartiennent la garde (idèle, l’enseignement infaillible, la propagation assidue des vérités qui sont le phare et le salut de l’humanité ; que gardienne d’un dépôt inviolable elle doit le conserver pur, entier, et opposer un immuable « non possumus » à toutes les tentatives de mélange et de corruption ; que, société parfaite, elle a des sujets soumis ou rebelles, à conduire vers une un commune ; qu’elle possède tous les droits et devoirs afférents à cette un. Appelée ^ faire des conquêtes, elle sent toujours l’aiguillon de la parole : « Allez, enseignez toutes b a 6 nations . » — L’Eglise a donc une politique extérieure, à l’égard des religions étrangères, et une politique intérieure à l’égard de ses sujets. Elle peut donc se montrer tolérante ou intolérante dans sa triple mission d’enseigner, d’administrer et de conquérir, c’est-à-dire dans son magistère, son gouvernement et son expansion. Voyons l’attitude de l’Eglise dans ces trois domaines.

« ) Magistère- — L’Eglise impose à ses fidèles

une adhésion à la révélation divine. — Quel est l’objet précis de cette adhésion, les articles « Doomb » et « Foi » l’ont suffisamment exposé. La négation