Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/858

Cette page n’a pas encore été corrigée

17e3

THOMISME

1704

Dans le premier cas, saint Thomas aboutit à cette conclusion : l’Ame spirituelle est, dans le composé humain, forme substantielle unique, conférant la vie, la substance et l’être. Elle fonde l’unité du composé humain, sans préjudice des notes essentielles afférentes aux diverses parties de ce composé.

Dans le deuxième cas, saint Thomas aboutit à cette conclusion : l’Etre incréé du Verbe est, dans le composé théandrique, principe unique de l’être. L’Etre incréé du Verbe fonde l’unité du composé théandrique, sans préjudice des notes essentielles afférentes à chacune des deux natures composantes.

Comme dans le premier cas, il a raisonné sur l’âme forme substantielle, dans le second il raisonne sur l’Etre personnel du Verbe, parce qu’il appartient à l’Etre personnel du Verbe, comme tel, de fonder en lui-même l’humanité du Christ, admise au partage de sa subsistance divine. Mais il sous-entend que l’Etre personnel du Verbe ne diffère pas, sinon virtuellement, de l’Etre divin considéré en sa nature absolue. Et c’est bien réellement l’Etre divin qui soutient l’humanité du Christ, fondée dans le Verbe. C’est pourquoi le Christ est Dieu.

Le moyen terme de celle démonstration, c’est l’Etre personnel du Verbe, fondant l’unité du Christ : lllud esse quod pertinet ad ipsam hypostasim vel personam secundum se, impossibile est in una hyposlasi vel persona multiplicari ; quia impossibile est quod unius rei non sit unum esse.

Nous n’avons pas pris la plume pour épuiser l’insondable question de l’union hypostatique. Mais le point central nous paraît si lumineux, et on y accumule de telles confusions, que nous ne croyons pas devoir nous dérober à quelques explications sommaires.

i° Point de vue dynamique et point de vue ontologique. — Avant tout, il faut préciser la portée des deux analyses parallèles auxquelles nous nous sommes arrêté un peu longuement, et souligner l’intention manifeste de saint Thomas dans les textes que nous avons reproduits. L’intention manifeste de saintThomas est de montrer l’insuffisance et ledanger d’un point de vue purement dynamique et de faire prévaloir les droits du point de vue proprement ontologique. L’erreur platonicienne visée dans le déloppement sur le composé humain, et l’erreur nestorienne visée dans le développement sur le composé théandrique, étaient exactement parallèles. Pour avoir conçu le corps comme un pur instrument de l’âme, Platon avait méconnu l’unité substantielle du composé humain. Pour avoir conçu l’humanité du Christ, comme un pur instrument de la divinité, Nestorius a méconnu l’unité du Christ. Saint Thomas dénonce les deux erreurs, et les réfute par les mêmes arguments.

Ce n’est ; >as que le point de vue fût totalement faux. Nous l’avons déjà dit, à bien des égards, le corps peut et doit être considéré comme un instrument de la divinité. De tout temps, les Pères se sont attachés à cette considération ; ils devaient s’y attacher surtout dans la lutte contre le monophysisme etle monothélisme. En présenced’hérésiesqui brouillaient les deux naluresou du moins leurs opérations, il importait de revendiquer leur distinction et leur hiér.irchie nécessaire. Us n’y manquèrent pas ; et l’on sait que les développements sur l’unique opération théandrique, où les deux natures agissent de concert, la nature humaine comme instrument de la nature divine, est un lieu commun cher aux Pères Chalcédoniens. Ils y recourent pour expliquer les miracles du Christ, par un influx divin dans les ac tes de son humanité. Donc le point de vue n’est pas faux.

Mais il est insuffisant, et les Pères l’ont largement dépassé. On éprouve une grande surprise à voir accumuler, comme témoignages des Pères sur le point formel de l’union hypostatique, des textes où ils s’attachent au point formel de l’opération théandrique, à un point de vue consécutif à l’union hypostatique ; comme si l’union hypostatique, avait consisté précisément à faire, de la nature humaine, l’instrument de la nature divine. Assurément rien n’est plus faux. Ce point de vue est celui de Nestorius ; et c’est là contre, que saint Thomas a voulu réagir en écrivant la page que nous avons citée, III*, q. 17, a. 2. Nestorius a été nommé dans l’article précédent, et demeure visé dans celui-ci. Aussi bien s’agit-il d’expliquer, comme on l’a vu dans le commentaire sur saint Jean, modum se habendi ad Deum, et non pas modum operandi sub Deo.

Il importe donc de ne pas prendre le change et de ne pas substituer au point de vue ontologique le point de vue dynamique. Le point de vue ontologique fait seul justice au dogme, que le point de vue purement dynamique trahirait. Verburn caro factum est.

Les Pères n’ont eu garde d’opérer cette substitu tion, et nous pourrions remplir bien des pages deleurs développements touchant les textes classiques de l’Incarnation : lo., 1, 14 ; Verbum caro factum est ; Phil., 11, 6.7 : Cum in forma Dei e.sset…, semetipsum exinanivit formant Dei accipiens ; — développements qui ne sont pas purement dynamiques, certes, mais strictement ontologiques.

Nous ne croyons pas devoir nous lancer dans cette voie ; mais nous signalerons brièvement deux chefs de développements qui sont familiers aux Pères eJ qui ont l’avantage de montrer comment, creusant la donnée du Nouveau Testament, ils ont mis au jour, non pas simplement la notion théologique de l’opération théandrique, mais la notion plus profonde de l’Incarnation, sous deux concepts dont saint Thomas devait opérer la synthèse.

Le premier chef de développements, familier surtout aux Pères Grecs, montre dans l’Etre même du Verbe la raison de l’existence de l’humanité du Christ. Dès le 111e siècle, saint Hippolyte écrit, Adv.

Noet.) XV, P. G., X, 825 A : OvO’r, nù.r. y.zû’foeurqv Six*

Tou A.V/0J t>7ro- ?v>ca r.àj-juroy oix to £v As’y&i ~r ; j aû-T « Tty ëyeiv.

On s’étonne de rencontrer chez un Père si ancien une telle précision et une telle richesse de vocabulaire théologique, avec le redoublement d’expression imariknt, rJjTxaiv, de ces deux mots le premier devançant l’usage technique de ce temps, le second marquant la constitution substantielle de l’humanité du Christ et non pas seulement sa subordination à la personne du Verbe. Au ive siècle, S. Epiphane écrit, //., LXXVII, 29, P. G., XL1I, 685 : ir, m an’ojp’j.v€n i>0rivT&, £< : im/TO-j S ; Ù7tî ; T> ; » avT « z>, -j zù.pxo… Au VIIe siècle,

saint Maxime le Confesseur insiste sur le lien ontologique par où la chair du Christ est, dès l’origine, unie au Verbe divin. Florilège Doctrine. Patrum, éd. Diekamp, e. 21, ix, p. 1 3^ : burtoViaroç w ; èv « ùtû xui Si’e/MTW XaSojex xoii tutti ~>y y&ziiv xal oùroy yi-jîy.vjri xajB evuiiv <t «.p. Au via c siècle, saint Jean Damascène insiste encore plus, /. ()., III, 22, P. G., XCIV, 1088

B : ’AhfiOi ry.i’ir, tû 0£4> AîrçtW >, ckpi il àxpai Ù7rà^ ; ccj ; , p.iÀ/sv Sï h ulirû jr.f.pït y.ul r>, v ÙTro<J7a.Ttxr f’Vpii aùrr, -J £ » > ; « 

Tal/TOT>JT «.

Le deuxième chef de développements, plus familier aux l’ères latins, montre dans la production du corps du Christ une création sui generis, dont le Verbe divin est à la fois l’artisan et le terme. Saint Augustin, Contra Sei monem Arianorum, viii, ù, P. I..,