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THÉOLOGIE MORALE

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et peu compréhensif », est repris dans La morale laïque et ses adversaires, 1925 : M. Bayet s’y efforce de démontrer la supériorité sur la morale chrétienne de la morale laïque, qu’il reconnaît au reste être une morale en l’air, reproche sans gravité, ajoute-t-il (p. 31), une morale sans fondement métaphysique (p. io3), sans existence réelle, puisque c’est la science de l’avenir qui doit nous la donner (p. 131). A grands renforts de textes évangéliques mal compris, interprétés en dehors du contexte et de l’ensemble, de citations tronquées des Pères de l’Eglise, de cas modernes défigurés, il essaie de démontrer l’opposition de la théologie morale actuelle, issue de saint Alphonse, avec l’Evangile. Au reste, dans un récent ouvrage, Les morales de l’Evangile, Paris 1917, sans crainte de se démentir lui-même, il fait de l’enseignement moral des Evangiles un tissu de contradictions, l’incohérent amalgame des idées philosophico-religieuses de l’époque :

— que devient alors cette prétendue opposition de notre théologie morale avec la doctrine du christianisme primitif, puisque dans ce dernier se rencontrent les idées les plus diverses ?

Il semble difficile de prendre M. Bayet au sérieux ; des ironies comme celles dont use M. M. Brillant envers l’ensemble de son œuvre (Quelques sacristains de la chapelle laïque, 1927 ; voir sur M. Bayet les pp. 148-ig3) seraient sans doute la meilleure manière d’accueillir ses jugements sur la théologie morale. Mais son ton assuré, son apparente documentation, ses protestations d’objectivité peuvent donner le change et impressionner des lecteurs peu avertis 1. (Voir, sur les procédés et les inéprises de l’exégète, l’article de F. Huby, Etudes, 5 fév. 1928, p. 294, Laïcisme contre V Evangile.)

e) En terminant cette revue forcément incomplète des adversaires ou des critiques, il faut noter que, de nos jours, les amis de la théologie morale ne sont pas sans lui donner certains avertissements ou sans exprimer quelques plaintes à son sujet.

Des théologiens trouvent parfois excessifs les développements que reçoit dans certains manuels la casuistique : ils craignent que, sous prétexte de préparer les confesseurs, on ne fasse à l’exposé des fondements et des principes une place trop exiguë.

(Cf. l’un des meilleurs maîtres es sciences sacrées du xixe siècle, le chanoine Julks Didiot, Morale surnaturelle fondamentale, 1896, pp. 12 sq.)

D’autres écrivains catholiques, d’excellente doctrine, préoccupés surtout des problèmes sociaux, estimeraient facilement que la théologie morale, telle qu’elle est enseignée dans les séminaires, ne traite pas suffisamment de ces problèmes : elle reste, disent-ils, enfermée dans des considérations d’un individualisme excessif, accepte trop volontiers comme inévitables des circonstances anormales et

1. Sous un nom qui appartient à l’histoire de saint Ignace (Récaîde est le village où naquit sa mère), un écrivain ou une entreprise, à l’anonymat jalousement gardé, a réédité récemment et répandu dans le monde ecclésiastique une série de pamphlets contre les Jésuites. 1, ’un d’eux intéresse la casuistique catholique (Ecriti drs curés de Paris contre ta politique et la morale des Jésuites, avec une étude sur la querelle du laxisme, par I. DE Uécaldk, 1921).

Ces Ecrits, inspirés ou même cornpos’-s par les jansénistes (voir Œuvres de Pascal, édit. des Grands Ecrivains, t. VII, p. 257 sq.) et l’étude préliminaire ne font que reproduire das accusations dont nous avons déj’t parlé à propos de Pascal ; nous n’avons donc pas à en tenir autrement compte.

(Voir sur cette publication une nota des Etudes, 1922, t. GLXX, p. 766 et un article de la Civiltà Callolica, 4 mars 1922, p. 424).

antichrétiennes, regarde des excuses qui ne devraient être que passagères ou personnelles comme des permissions définitives, et se place trop au point de vue des consciences particulières, sans s’élever à des considérations pleinement chrétiennes.

On trouverait dans plus d’une page (sur le salaire, le juste prix, etc.) des Comptes rendus des Semaines Sociales (depuis 1908), l’expression de ces regrets et de ces vœux.

III. — Réponses et Discussions.

Ce qui a été dit plus haut de l’histoire et des caractères de la théologie morale permet déjà croyons-nous, de juger la plupart des attaques et des critiques qui viennent d être signalées.

Elles supposent en effet, presque toutes, soit une ignorance complète, soit une méconnaissance partielle de sa vraie nature.

Quelques-unes cependant mériteraient plus ample considération.

Sans les passer toutes, les unes et les autres, en revue, il suffira de présenter sur les principales quelques remarques.

i° C’est méconnaître l’histoire de la théologie morale, calomnier l’ensemble de ces bons ouvriers qui ont travaillé à la constituer, que leur prêter des desseins de domination humaine et intéressée. Ni l’Eglise, ni ses ordres religieux, les Jésuites compris, n’ont jamais prétendu, par la scolastique et par la casuistique, asservir les consciences. Qu’on invoque en faveur de Pascal l’excuse de sa bonne foi et de sa compétence très limitée, qu’on explique par la passion les odieuses accusations des jansénistes et de tous ceux qui se sont inspirés d’eux sur ce point,

— nous n’y trouvons pas à redire ; mais il faut proclamer bien haut que la théologie morale est née et a grandi du désir d’atteindre plus de vérité pratique, de donner aux âmes une lumière plus complète, et spécialement de permettre une meilleure distribution des pardons divins. — Ambition de domination, si l’on veut, mais de domination spirituelle et désintéressée, de charité et de sanctification, de libération et de perfectionnement des consciences : c’est tout le sacrement de pénitence et c’est l’effort entier de l’apostolat chrétien qu’il faut condamner, si on rejette le dessein de la théologie morale.

2 Est-ce à tort qu’elle s’est faite rationnelle ? qu’elle a intégré un certain nombre d’éléments empruntés à la philosophie humaine, et spécialement à V aristotélisme ? qu’elle s’est astreinte à lu forme scolastique ?

— Nous l’avons dit : à la seule condition de devenir rationnelle, la théologie morale pouvait se constituer en vraie science. Or c’est ce caractère scientifique, qui permet de donner au confesseur la garantie qu’il cherche. Il compte certes sur l’assistance du Saint Esprit et le secours de la Providence. Mais il n’est pas assuré d’avoir de perpétuelles illuminations personnelles ; au reste, ne sont-elles pas difficiles à distinguer de réelles illusions ? La théologie morale lui permettra de restreindre les chances d’erreur dans le jugement des fautes en se basant sur des principes solides et en apprenant à les appliquer correctement 1.

1. La théologie morale cherche donc à « étiqueter » les actes humains ? — Sans doute : il lui faut bien tenter de les classiner. Certes elle y rencontre do grandes difficultés ; car la réalité morale résiste peut-être plus que toute autre a la classification ; mais tout de même, nos actes, aussi divers qu’il soient, présentent dos similitude

  • assez marquées pour ne pas ren.tre tout ù fait

vains nos efforts.

Prétendre eu outre que les actes relèvent uniquement