Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/812

Cette page n’a pas encore été corrigée

1611

TERRE

1612

va sans dire qu’il y en a beaucoup d’autres, mais qui importent moins aux conclusions de cet article.

Transformation graduelle et ordonnée de la Vie. — A partir d’une certaine heure que les hommes ne sauront jamais, la Vie a pris possession des eaux marines et des eaux douces et s’est étendue à la surface de la lithosphère et dans les régions basses de l’atmosphère. Elle a constitué bientôt, tout autour de la planète, une zone organisée, qu’on appelle souvent la biosphère. Cela n’a été possible qu’après un suffisant refroidissement de la surface ; car nous ne concevons pas l’existence de la Vie dans des milieux dont la température serait voisine de cent degrés centigrades. Au sujet de l’apparition de la Vie, nous ne savons, géologiquement parlant, qu’une chose, c’est qu’elle est extrêmement lointaine. On a cru plusieurs fois, en remontant l'échelle des formations sédimentaires, toucher aux organismes primitifs, à la faune ou à la flore primordiale ; et bientôt l’on s’est aperçu que, sous les assises où ces organismes avaient été découverts, d’autres assises existaient, plus anciennes, où, de distance en distance, quelques traces organisées, quelques fossiles apparaissaient. Dans la période cambrienne, que l’on a considérée longtemps comme l’aurore des temps géologiques, la vie est déjà intense et compliquée ; elle n’a aucun des caractères que l’on devrait s’attendre à rencontrer dans une faune primitive, à supposer que la théorie de la descendance fût conforme à la réalité des faits. Sous le Gambrien fossilifère, en divers points du globe, on connaît dessystèmes d’une antiquité bien plusreculée. Dans quelques-uns, on a trouvé des fossiles : ici, des Crinoïdés ; là, des organismes qui semblent analogues aux Eponges ; ailleurs, des Crustacés ; ailleurs, des Radiolaires. Nul doute que si la recristallisation des sédiments, d’autant plus fréquente, naturellement, et d’autant plus intense qu’ils sont plus vieux, n’avait fait le plus souvent disparaître les organismes de ces très antiques dépôts, nul doute que la faune précambrienne ne nous apparût, elle aussi, très abondante et très variée. Nous ne connaîtrons jamais ni la vraie faune primitive, ni la vraie flore primitive ; les sédiments où elles ont été enfouies sont aujourd’hui des micaschistes ou des gneiss, ou encore de ces phyllades luisants dans lesquels le simple vieillissement en profondeur a déterminé la production de tout un fouillis de cristaux microscopiques ; ces assises gardent le secret des débuts de la Vie et ne nous le livreront jamais. De même, nous ne saurons jamais quel était, au moment où la Vie est apparue, le visage de la Terre. Peut-être les eaux couvraientelles toute la surface ; c’est l’hypothèse de la mer universelle, la Panthalassc d’Eduard Suess ; les premiers organismes auraient été des animaux marins ; la Vie aurait gagné les rivages et se serait adaptée aux conditions continentales, quand les continents et les lies auraient surgi du sein des eaux. Peut-être, au contraire, la vie a-t-elle commencé par êtrecontinentale ; peut-être les végétaux, comme l’indique laGenèse, ont-ils précédé les animaux. La géologie, dans son état actuel, ne nous dit rien à cet égard.

Mais ce que nous savons très bien, c’est que la Vie, au cours des âges, s’est transformée, d’une transformation relativement rapide et qui s'étendait, de proche en proche, à toute la biosphère. La chronologie géologique est fondée sur le double fait que la Vie a changé, et que ses changements ont été sensiblement les mêmes dans les diverses régions de la Terre pendant un intervalle déterminé de la durée. Bien entendu, cela ne nous donne pas le moyen de

supputer en années le temps qu’il a fallu pour que se réalisât telle ou telle modification ; mais nous en tirons une chronologie relative, fondée sur la possibilité d’aflirmer que deux phénomènes géologiques sont à peu près contemporains. Nous avons ainsi le moyen de partager la durée, d’ailleurs ineonnue, en un certain nombre d'ères, et les ères en périodes ; d’une ère à l’autre, d’une période à la suivante, la faune et la flore se modiûent, plus ou moins selon les familles, les classes ou les embranchements considérés, toujours assez, dans leur ensemble, pour que la distinction soit facile, pour que le rattachement d’un sédiment à une période déterminée soit possible, à la seule condition que le sédiment soit assez riche en fossiles.

On distingue de la sorte trois grandes ères : primaire ou paléozoïque, secondaire oumésozoïque, tertiaire ou cénozoïque. Avant le Primaire, il y a les temps précambriens, sur lesquels on ne sait que fort peu de chose ; après le Tertiaire, il y a le Quaternaire, où l’Homme est apparu et qui se relie aux temps historiques. L'ère primaire se partage en cinq périodes : cambrienne, silurienne, dévonienne, carbonifère, permienne. L'ère secondaire se divise en trois périodes : triasique, jurassique, crétacée. L'ère tertiaire comprend deux périodes : nummulitique, néogène ; le Nummulitique se subdivisant lui-même en Eocène et Oligocène, le Néogène en Miocène et Pliocène. Cette division est nécessairement artificielle, parce que, à aucun moment, il n’y a eu renouvellement brusque de la biosphère sur toute l'étendue delà planète : lerenouvellementne semble brusque que çà et là, dans une ou plusieurs régions, plus ou moyis vastes, pour lesquelles il paraît alors naturel d'établir une démarcation entre deux séries successives de sédiments. Mais, telle qu’elle est, la classification chronologique, sur laquelle les géologues de tous pays sont à peu près d’accord, suffit aux besoins de l’enseignement et du langage.

Dans les plus anciennes faunes dont nous sachions quelque chose, il semble que, déjà, tous les embranchements et la plupart des classes d’Invertébrés soient représentés ; le fait est certain pour la faune cambrienne. Dès que l’on arrive aux périodes où la faune est relativement bien connue, par exemple au Silurien, on n'éprouve généralement aucun embarras pour faire entrer un animal quelconque, invertébré ou poisson, dans l’une des cases de la classification zoologique actuelle : ce qui revient à dire que, déjà à ces époques reculées, beaucoup des grands types d’organisation qui nous sont offerts par les animaux actuels, existaient, et que rien n’existait en dehors de ces types. Même chose pour la flore : dès qu’elle nous est un peu connue, par exemple dans la période carbonifère, elle se divise aisément en grands groupes, bien tranchés, qui existent encore aujourd’hui.

La transformation de la Vie, au cours des âges, résulte de la succession et de la combinaison de trois phénomènes qui semblent être d’ordres bien différents : la régression, suivie parfois delà disparition, ou de l’extinction, rapide le plus souvent, de certains groupes ; l’apparition brusque de groupes nouveaux, dont la filiation demeure douteuse et que l’on nomme souvent cryptogènes pour rappeler que leur origine est inconnue ; enfin l'évolution, qui est la modification de l’espèce, dans chaque groupe, sous l’empire de causes que nous connaissons encore très mal et suivant un processus que nous ne savons pas encore préciser. Le fait de la régression, plus ou moins rapide, puis de la disparition de certains groupes, est depuis longtemps bien établi ; mais on ne saurait trop insister sur la rapidité de la disparition,