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TEMPLIERS

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dressé hors Paris, entre Saint-Anloine et le moulin à vent. Jusqu'à leur dernier soupir ils prolestèrent de leur innocence. Pareil autodafé de neuf personnes se renouvela à Senlis le 16 mai. Les Templiers survivants furent atterrés. Le chevalier Ainiery de Villiers-le-Duc, paie, défait, « déclara sous serment et au péril <le sa mort, ainsi que le contient l’acte même de sa déposition, que toutes les erreurs imputées à l’ordre étaient entièrement fausses, bien que, par suite des tortures nombreuses que lui inlligèrent, à ce qu’il dit, G. de Marsillac et Hugues de la Celle, chevaliers royaux, qui l’interrogèrent, il eût, lui témoin, confessé quelques-unes des erreurs susdites. Il affirma qu il avait vu. la veille, de ses yeux, conduire en voiture cinquante-quatre frères dudil ordre pour être brûlés, parce qu’ils n’avaient pas voulu avouer les erreurs susdites, qu’il avait entendu dire qu’ils avaient été brûlés, et que luimême, craignant de ne pas offrir une bonne résistance s’il était brûlé, avouerait et déposerait sous serment, par crainte de la mort, en présence desdits seigneurs commissaires et en présence de n’importe qui, s’il était interrogé, que toutes les erreurs imputées à l’ordre étaient vraies et qu’il avouerait même avoir tué le Seigneur si on le lui demandait. Et il supplia et adjura lesdits seigneurs commissaires et nous, notaires présents, de ne pas révéler ce qui précède aux gens du roi ni à ses gardiens, parce que, disait-il, il craignait d être, s’ils l’apprenaient, livré au même supplice que les cinquantequatre Templiers susdits » ; G. Lizbrand, Le dossier de l’affaire d-s Templiers, p. 189-191.

La crainte du bûcher produisit son effet. Les défenseurs du Temple s’esquivèrent. On ne recueillit plus guère quedes aveux, deux cents environ contre douze dénégations. La commission pontiûcale, prise comme d’atonie, jugea superflu de citer devant elle les trois quarts de ceux qui s'étaient proposés à défendre l’ordre. Du consentement du pape, qui s'était déclaré satisfait, elle clôtura ses travaux le 5 juin 131 1 (Michblbt, Procès des Templiers, t. II, p. 270-273).

XL Résultats de la double enquête ordonnée par le Saint-Siège. — Dans l’ensemble, l’enquête pontilicale instruite en France avait été défavorable aux Templiers. Il n’en fut pas de même de l’enquête poursuivie dans le reste de l’Europe.

Au lendemain de l’arrestation du 13 octobre 1307, Philippe le Bel avait chaleureusement invité les autres souverains à suivre son exemple. Il essuya partout des échecs. Les mandats d’arrêt ne furent lancés que sur l’ordre de Clément V après le 22 novembre. Eu Angleterre, Edouard II laissa longtemps les Temp.iers en liberté provisoire. Le concile de Londres, assemblé le 20 octobre 1300, les mit vainement au secret, les livra à la question, puis se sépara sans avoir trouvé de preuves concluantes contre l’ordre, lien alla de même pour les conciles tenus à York (30 juillet 13n), en Irlande et en Ecosse. Quant aux enquêteurs pontificaux, pour étayer un semblant d’accusation, ils se virent réduits à entendre un grand nombre de témoins étrangers au Temple (D : u.*.ville Le Roclx, La suppression des Templiers, dans Revue des questions historiques, t. XLVIII (1890), p. 4°-4'-s et Finkb, Paptttum und Untergang de* Templerordens, t. I, p. 3 1 2-3 17).

Les Templiers d’Espagne échappèrent totalement à l’accusation d’hérésie et d’idolâtrie dont on avait essayé de les flétrir. Un verdict de non-culpabilité fut prononcé par les conciles de Tarragone (octobre 1310-.'i novembre 1 3 1 2) et de Salamanque (octobre 1310). Pareillement l’enquête pontilicale conclut à

l’innocence de l’ordre (Finkb, op. cit., t. I, p. 982012).

En Allemagne, malgré l’emploi de la torture, la commission nommée par Clément V ne recueillit que des témoignages en faveur des Templiers et équitablement leur rendit un hommage public (Finkb, op. cit., 1. 1, p. 317-320).

La Provence, le royaume de Naples et les Etals de l’Eglise, sujets à l’influence du roi de France, furent les seuls pays où certaines dépositionsreçues par les synodes provinciaux tendirent à prouver fexi-.tence des crimes reprochés aux Templiers de France. Encore convient-il d’observer que les témoignages recueillis sont en nombre extrêmement restreint et émanent de gens de second ordre, qui, sous l’actiondu chevalet, disent tout ce que désirent leurs bourreaux (Finkb, op. cit., p. 3ao-3.*2).

A Chypre, l’ordre fut d’abord acquitté. L’accession au trône de Henri de Lusignan lui devint fatale. A l’instigation du pape, une nouvelle enquête s’ouvrit. Avant toute décision juridique, les Templiers périrent noyés ou brûlés. Leur mort affreuse était un crime politique. Henri de Lusignan se vengeait de ceux qui avaient puissamment aidé son frère Aniaury de Tyr à l'évincer du pouvoir (Finkb, op. cit., 1. 1, p. 322-323 et Delaville Lk Houlx, article cité, p. ^749).

En définitive, la double enquête ordonnée par Clément V aboutissait à des conclusions quelque peu contradictoires, mais, à tout prendre, plutôt favorables aux Templiers. Il appartenait au pape et au concile, enfin ouvert le 16 octobre 1311, à Vienne, de porter une sentence.

XII. La suppression des Templiers. — Les Pères réunis à Vienne retirèrent de l’enquête une impression bienveillante à l'égard de l’ordre du Temple. Au profond désappointement de Clément V, qui ne se sentait pas de force à déplaire à Philippe le Bel, la haute commission instituée pour reviser le procès émit le vœu, à une forte majorité, que les Templiers fussent admis à comparaître et à présenter leur déi’ense (décembre). Le pape, qui avait tiré ses plans particuliers, tenta une diversion. On s’occupa des réformes à introduire dans l’Eglise et de projets de croisade. Pendant ce temps, Philippe le Bel, soucieux de ne pas perdre la partie engagée, consulta les Etats à Lyon, réveilla le procès de Boniface VIII, momentanément tombé dans l’oubli, et travailla l’opinion publique. Quand il jugea le moment propice, il se rendit à Vienne, intimida les opposants et entraîna les hésitants par des menaces on des promesses. Le 22 mars 1312, en consistoire secret, les membres de la commission votèrent la suppression des Templiers à la majorité des quatre cinquièmes des suffrages. Les Pères du concile n’auraient peut-être pas ratifié la décision prise en commission ; le 3 avril, dans la seconde session, ils s’entendirent imposer silence sous peine d’excommunic itioii et durent écouter la lecture de la sentence pontificale. En vertu de l’autorité apostolique, par voie de provision et non de condamnation. Clément V abolit l’ordre. Après avoir triomphé de bien des résistances delà part de Philippe le Bel et des Pères, dans la session du 3 mai, la troisième du concile, le pape arrête que les biens du Temple seront attribués aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, sauf dans les royaumes d’Aragon, de Castille, de Portugal et de Majorque, où ils écherront aux ordres nationaux en lutte contre les Sarrasins. Enfin, le 6 mai, il laisse les conciles provinciaux régler le sort privé des Templiers et se réserve le jugement du grand maître, du visiteur de France, d’Olivier de