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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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pas qu’à ses yeux la théorie de la descendance’soil à rejeter ; au contraire, elle fait désormais « partie intégrante de la conception de l’univers ». Ce qu’il réprouve, c’est l’interprétation proprement matérialiste de cette théorie, à savoir son interprétation mécaniste ou par la seule causalité efficiente 2. Reconnaître l’ordre de la nature comme un fait et prétendre tout ensemble y voir le résultat de phénomènes exclusivement mécaniques, ce n’est ni plus ni moins que l’expliquer par le hasard, thèse aussi scientifiquement inadmissible qu’elle est métaphysique. neiit absurde. Il n’y a qu’une issue raisonnable, qui est de superposer au mécanisme une téléologie, d’admettre un mécanisme téléologique, dans lequel les causes efficientes jouent le rôle de moyens par rapport à des uns supérieures (Le Darwinisme, etc., p. 3 et p. 151 sq.).

Autant dire qu’il y faut une Intelligence, capable de concevoir ces fins et d’y adapter ces moyens. Ce ne serait pas assez, par exemple, d’assigner pour unique ressort à l’évolution universelle un principe d’activité immanent aux choses, tel que la Volonté de Schopenhauer. En rabaissant l’intelligence au niveau if un fait secondaire et surajouté, celui ci n’a d’ailleurs pas vu que « la tendance n’est que la forme vide de la volonté et, comme toute forme vide, n’est qu’une abstraction » ; qu’  « il n’y a pas en réalité de vouloir pur, qui n’ait ceci ou cela pour objet » ; que « c’est seulement par la détermination de son contenu que la volonté acquiert la possibilité de l’existence » et que « ce contenu est la représentation ou idée » ; que « la volonté suppose même deux idées, celle d’un état présent comme point de départ, et celle d’un état futur comme point d’arrivée, et qu’elle n a de réalité que par le rapport actif qu’elle établit entre l’un et l’autre… Pas de volonté sans idée, suivant le mot d’Aristote : âptxrixà » Si oùx àvsZu ftarftaiai (P.I., t. I, p. 130 sq., passim).

On doit donc réintégrer l’Idée (ou l’Intelligence), à titre d’attribut essentiel et premier, et concurremment avec la Volonté, dans le principe métaphysique d’où dérive toute existence, comme nous dirions, dans la Cause première et universelle. Ainsi Hartmann se (latte-il de réconcilier les disciples de Hegel et ceux de Schopenhauer ; car les Hégéliens, non mo nsexclusifs de leurcôté, font résider ce principe métaphysique dans la seule Idée, et chez eux c’est la volonté < ; iii « n’occupe qu’une place obscure et subordonnée ». Les deux systèmes représentent chacun une moitié de la vérité ; la vériié totale résultera conséqueinmcnt de leur synthèse (/ J. /, t. I, p. 138 sq. Cf. t. II, p. 506 sq.). Mais pour cela — nous voici au nœud de la question, — il faut comprendre que, connue la Volonté elle-même, l’Intelligence dont il s’agit ici n’est pas seulement uneintelligence immanente, que. c’est aussi une intelligence inconsciente ; en termes précis, que ce principe à la fois intelligent et voulant, qui constitue le fond substantiel de tous les êtres, n’a pas, comme tel, conscience « le lui-même ni de son action ; et que telle est précisément la raison pour laquelle Hartmann croit pouvoir l’appeler « rinconscient ». Car alors seulement l’appellation prend tout son sens :

1. Il sernit presque superflu de rappeler que le darwiiii-, iiii’est uni’cliose, et la théorie d<- la descendance (un le transformisme] une autre. Pris en lui-m^me, le darwinisme (iivcc s » maîtresse pièce, lu tliéo’iede la sélection nul m elle) n’est qu’une fiiçon particulière d’entendre et d’expliquer la descendance commune.

2. Les Allemands appellent mécanisme, à la suite de Kanl, l’explication des laits naturels par les causes efficientes, exclusivement, comme ils appellent téléologù (de ts/’-î, fin) leur explication par les causes finales.

mieux que toute autre, elle nous avertit que le principe universel possède sans doute ces deux facultés qui ne nous sont connues, directement et en fait, que sous la forme de la conscience (de là ln-con$cient), mais qu’il ne les possède pas sous cette forme (de là /n-conscient). S’il dispose du dedans toutes choses avec une sagesse admirable, un art merveilleux, une « clairvoyance absolue », que Hartmann célèbre par moments avec une sorte d’enthousiasme mystique’, il s’ignore pourtant lui même et tout ce qu’il fait : il est tout puissant et omniscient comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir (Cf. irif., n" 7).

Encore une fois, nous n’avons pas à entrer plus avant dans le système. Ce qui précède suffit largement à notre but, qui est de critiquer les principaux arguments par lesquels l’auteur s’efforce de justifier cette thèse à tout le moins paradoxale.

2. Conscience et organisme. — Parmi ces arguments, l’un des plus considérables, celui même sur lequel Hartmann insiste peut-être avec le plus de complaisance, est pris des rapports de la pensée avec l’organisation, en particulier l’organisation nerveuse, ganglionnaire et cérébrale. « Il n’y a, écrit-il, qu’une philosophie capable de faire leur part légitime à toutes les découvertes des sciences de la nature et de s’approprier complètement le principe, vrai en soi, d’où est sorti le matérialisme, qui puisse espérer lutter avec succès contre le matérialisme… Il n’y a, en réalité, que l’ignorance ou le sophisme qui puisse rejeter le premier principe fondamental du matérialisme : a Toute activité consciente de la pensée n’est possible que par le jeu normal des fonctions cérébrales. » Tant que l’on ne reconnaît ou ne veut admettre dans l’esprit d’autre activité que celle de la conscience, le principe en question équivaut à celui-ci : L’activité de l’esprit n’est qu’une fonction du cerveau »… La chose se passe tout autrement, lorsqu’on reconnaît dans l’activité inconsciente la forme primitive et originelle de l’esprit, lorsqu’on admet que l’activité consciente a sans cesse besoin de son auxiliaire, sous peine de demeurer absolument impuissante. La proposition matérialiste signifie alors seulement que l’activité consciente de l’esprit a sa condition dans le fouet onneinenl normal du cerveau ; mais elle ne nous apprend rien sur l’activité inconsciete. dont l’expérience nousmontre l’indépendance vis-à-vis du cerveau, et qui demeure un principe autonome. La matière ne domine que cette forme de la pensée qu’on appelle la conscience (P. /., t. II, p. 20 sq. — Cf. ihid, , p. 76 sq. : « La séparation des parties matérielles répond à la séparation des consciences…C’est là une vérité qui se recommande a priori, et que la séparation des individus justifie a posteriori^.. » — Cf. encore tout l’Appendice à la Phénoménologie d ? l’Inconscient, t. I, p. ^61 sq.).

A ne lire que ces lignes, on pourrait se demander pourquoi cette distinction ? pourquoi ne pas admettre, en effet, que toute pensée (quelconque, consciente ou inconsciente) est une fonction du cerveau ? Parce que cela mène au matérialisme ? VA

1 Et passablement naïf aussi à l’occasion. Voir, t. g., Phénoménologie de V Inconsciei t. l’*p., cli. vi : Ulncontcient ilans la verfi curative de la nature (t. I, p. ! >’.) sq)., notamment le passade (p. 178 sq.) où l’on prouve que

« l’Inconscient ne peut ni être malade lui-même ( ?’). ni

Causer la maladie de l’ortranisme qu’il ré^it, mais que tout* maladie est la conséquence d’un désordie produit par une action extérieure » (qui pourtant dérive en deinière analyse de l’Inconscient ? Il est vrai que r.elui-c’, par définition, n’en sait rien ; mais Hartmann, semble-t-il. devrait le savoir pour lui).