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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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lité. Il faudra reculer plus encore la nature véritable de la personne métaphysique et considérer l’idée même de l’unité personnelle 1 comme une apparence qui peut subir des modilications (ifr., p. 323). »

.’<. Critique, l’automatisme et le subconscient v suffisent. — Que le lecteur veuille prendre garde à ces dernières paroles. Il en ressort, de toute évidence, que ce n’est pas nous, philosophes traditionnels, qui dans l’espèce posons ou transportons ainsi la question sur le terrain métaphysique, mais bien les phénoménistes, ou du moins les représentants de L’école expérimentale. Cela étant, n’auraient-ils pas plutôt mauvaise grâce à se réclamer de leur point de vue propre, positif sinon positiviste, pour opposer une pure et simple lin de non-recevoir aux considérations que nous ferons valoir un peu plus loin, en nous attachant à dégager l’équivoque fondamentale dans laquelle il semble bien qu’on s’embarrasse en toute cette affaire et qui consiste à passer subrepticement d’un point de vue à l’autre, du point de vue expérimental au point de vue métaphysique proprement dit ? Nous avouons ne pas voir comment on aurait le droit de se placer à celui-ci pour attaquer la doctrine classique, et non pas pour la défendre.

Au surplus, nous n’y viendrons qu’en terminant. Il ne s’agit encore pour le moment que des simples faits. Ëst-il établi que ceux dont se réclame la partie adverse exigent, pour être congrùment expliqués, qu’on mette en avant une autre intelligence que celle du sujet normal, un autre sujet, un autre moi, une autre conscience ? est-ce là « une conclusion nécessaire, qui s’impose » (cf. sup., n" 2) ? On ne réussirait que fort malaisément à en convaincre un esprit tant soit peu féru de rigueur logique, au regard d’une première catégorie de phénomènes qui, manifestement, se peuvent ou même se doivent interpréter d’une autre manière, c’est-à-dire par l’automatisme psycho-physiologique : il ne faudraitqu’y ajouter, pour l’amorcer ou, à l’occasion, le remettre en train, quelque sensation sourde, extrêmement sourde, subconsciente enfin, subconsciente s’il en est.

Nous voulons parler des expériences pratiquées sur la main insensible, où le simple contact de tel ou tel objet (voilà juste la sensation subconsciente qui déclenche tout le reste) suggère l’image correspondante et provoque les mouvements appropriés (cf. 5M/ »., n° 1). « Evidemment, tout a été perçu, conclut Binbt (Altérations…, p. 106, cas de la boite d’allumettes), et la main a même exprimé par son geste la crainte d’être brûlée. » Tout a été perçu, tout, ce n’est peut-être pas « évident » à ce point ; tout ce qui n’est pas directement réductible au mécanisme de l’habitude, d’accord ; et encore serait-on bien embarrassé de prouver qu’une perception très sourde ou basse n’y suffit pas " 2.

La même chose pour cette autre expérience, à première vue impressionnante. Faisant écrire un mot quelconque à la main anesthésique, on en altère volontairement l’orthographe : au moment où, répétant l’opération aussitôt après ou au bout d’un certain temps, elle arrive à la lettre inexacte, elle s’arrête, semble hésiter, puis tantôt passe outre, en reproduisant la faute, tantôt au contraire la corrige et écrit le mot régulièrement (Altérations.,., Ht.). Il

1. Et non plus seulement de l’identité, comme en matière de dédoublements successifs. Nous ne parlons pas de ceux-ci, parce qu’ils n’intéressent pas, semble-t-i 1, le subconscient par eux-mêmes. Voir cependant inf. n° 4.

-’. Ne pas perdre de vue qu’on a parlé d’ « insensibilité plus ou moins complète ». El puis, le membre esl-il alors auesthéiique à la lettre ou simplement indolore ?

n’y a rien là, disons-nous, qui de’passe les ressources de L’automatisme et de la subconscience, rien dont le sujet normal par suite, ou plutôt le’sujet tout court (puisque dans ces conditions il n’y a pas lieu d’en introduire un autre), ne reste effectivement capable. N’en faisons-nous pas autant tous les jours à notre manière, sans nous croire « dédoublés » pro tanto ? En matière d’orthographe nommément, n’est ce pas à l’automatisme habituel que 99 fois sur 100 nous nous en remettons ?

Assurément, les opérations arithmétiques (sup., n° 1) requièrent autre chose que le pur automatisme, à savoir l’intelligence, mais d’où prend on que celle du sujet « normal » doive être en ce cas forclose ? Il va de soi que nous mettons désormais l’accent sur la subconscience comme telle, en tenant compte aussi de la mobilité extrême avec laquelle, chez certaines personnes, la pensée se déplace alternativement d’un objet à l’autre par une sorte de va-et-vient instantané qui donne lieu à des effets de

opérations sans s’interrompre, au moins en apparence, d’entretenir une conversation très animée avec son entourage ?

Supposition qu’autorise plus que jamais une autre expérience, rapportée p. 184 des Altérations : « Nous prenons la main insensible, nous la plaçons derrière l’écran, et nous la piquons neuf fois avec une épingle ; pendant ce temps, ou après avoir cessé les piqûres, nous demandons au sujet de penser à un chiffre quelconque et de nous le dire ; il répond qu’il a choisi le chiffre 9, c’est à-dire celui qui correspond au nombre des piqûres 1. » Il arrive donc que les excitations perçues par le moi second (selon la théo rie de l’auteur) impressionnent le moi normal (cf. d’ailleurs p. 187 sq.), comme il arrive aussi que le moi normal reprenne conscience des sensations éprouvées dans le membre anesthésié ou distrait par le moi second 2. Mais comment les mêmes états peuvent-ils passer ainsi d’un moi à l’autre et comment le moi second peut-il influencer psychologiquement le moi normal 3, si ce sont vraiment deux moi distincts ? On a beau dire, les faits reçoivent une explication bien autrement satisfaisante dans la doctrine classique, qui y voit tout uniment le passage, dans un seul et même moi, de la conscience sourde ou subconscience à la conscience claire ou proprement dite

A quelles interprétations forcées, hors de là, ne se trouve-t-on pas acculé ! « Il est probable, écrit v. g. Bin-bt (Altérations…, p. 189) à propos de l’expérience citée en dernier lieu, que le personnage inconscient 4 qui est dans tout hystérique comprend vite la pensée de l’expérimentateur ; il entend celui-ci interroger le sujet et lui demander de penser à un chiffre ; il perçoit en même temps que l’expérimentateur fait un nombre déterminé de piqûres à la

1. Variante de la même expérience : « Faisons éciire à lu main anesthésique plusieurs cbifTres et disposons-les les uns au-dessous des autres comme pour faire une addition, le sujet normal pensera, non pas à toute la série de ces chiffres, mais au chiffre total (p. 188) ».

2. Cf. Altérations…, p. 88 : « La maladie n’a point le sensation consciente de ce qui se passe dans ses membres (aneslbésiés), à moins qu’il ne se produise, au cours de’recberches, un retour de sensibilité dont il faut toujours se méfier. »

3. Psychologiquement, c’est-à-dire par le dedans. Cf. in/., cas des associations d’idées.

4. Inconscient pour le j moi normal », il va sans dire Cf. sup., n » 2.