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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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on (>j9 sq.) où Socrale fait pari à ses disciples de l’enthousiasme qu’avait d’abord excité en lui la grande découverte philosophique d’Anaxagore (que c’est l’intelligence qui est la cause de toutes choses), niais aussi de la déception qu’il avait éprouvée ensuite, quand, abordant le détail, il le vit rendre compte des faits par des raisons de même nature que les autres pli ysiolog’ues : autant dire que s’il se trouve là, dans sa prison, assis au bord de son lit, en attendant la mort, ce n’est pas pour avoir jugé que cela était mieux ainsi, mais parce que ses muscles, nerfs, tendons, jointures, etc. sont réciprojueinent disposés de telle façon déterminée. Est-il possible de perdre plus naïvement de vue qu' « autre chose est la cause, autre chose ce sans quoi la cause ne serait plus la cause », bref la condition ( rjùte fj.h ri éffvi ri « itcsv tù evti, Siie Z’isd, o y.v-j c^ zi t/.izicv

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Voilà la formule exacte. De ce que nos opérations .ntérieures peuvent avoir pour condition (directe ou indirecte) des mouvements organiques, ilne s’ensuit pas que tout ce qu’il y a d’activité en elles se réduise mouvements. Le mécanisme qui règne en ceuxci est une chose, la tinalité qui se manifeste en celles-là en est une autre, et surtout elle représente une forme de causalité tout aussi réelle, tout aussi eflicace que lui. Si je retire ma main du feu, c’est parce que je ne veux pas être brûlé, c’est jjuur ne pas être brûlé, quelque nécessaire que soit par ailleurs à cette lin le mécanisme nerveux ou musculaire. Fait d’une évidence incontestable, à laquelle toute l’anatomie et toute la physiologie du monde n’oteront jamais rien : à lui seul il sutlirait à tenir en échec la doctrine des épiphénomènes mentaux

(cf. A. PoUILLBB, Op. cit., p. LX).

b. /.< progrès de la conscience. — Nous ne sommes pas au bout des difficultés qn’elle soulève. Car enfin, c’est une loi de l'évolution universelle que tout ce qui est inutile disparaisse, au moins à la longue : si la conscience l’est à ce point, inutile, pourquoi donc ne s’est-elle pas évanouie ? pourquoi s’est-elle, au contraire, développée de plus en plus ?

— Mais si, répondra-t-on. elle disparaît progressivement, à preuve le phénomène générai de l’habitude, par lequel, a dit un contemporain, elle va 6'ensevelir peu à peu dans la substance grise du cerveau.

— Prenons garde de ne voir qu’un côté des choses. En premier lieu, contre cet anéantissement graduel, elle est défendue, comme l’a remarqué si opportunément V. Egger, par l’expérience et l’imagination, et surtout elle se défend elle-même par l’attention, trois puissances de renouvellement inépuisables dont l’action convergente la maintient sans cesse au ton et au niveau requis pour que ce n’en soit point fait d’elle (La Parole intérieure, p ao5). D’autre part, et cette seconde remarque prolonge la première en l’expliquant, il faut voir de quelle manière précise se produit cet effet général de l’habitude ; car il y a là une équivoque à dissiper ou une précision à introduire.

Choisissons pour cela un cas concret, défini, instructif dès lors entre tous. Je veux bien que le virtuose ne sache plus comment ses doigts courent sur le clavier et en font jaillir d éblouissantes cascades d’arpèges — ou tels autres magiques effets — dans ces exécutions prestigieusesqui soulèvent l’enthousiasme d’une salle entière ou, selon les circonstances, l’agitent d’une sorte de frisson religieux : dira-t-on pourtant qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il joue ?Ksl ce que cette tête renvers-e en arrière, ces pupilles dilatées et fulgurantes, cet air inspiré, cette manière d’auréole que semble lui faire le rayonne , ment de s>n visage, ce frémissement et ce sursaut de toute sa personne, est-ce que tout cela ne trahit pas au contraire le suprême effort d’une pensée élevée, si l’on ose dire, au maximum de concentration sur son objet, à savoir ici l’interprétation du thème proposé dans ce qu’il a de plus idéal ? A moins de répondre que pensée et conscience n’y sont pour rien et qu’un artiste dépourvu de l’une et de l’autre s’attirerait les mêmes applaudissements frénétiques d’un auditoire aussi insensible que lui I Mais, encore un coup, ce ne seraient plus les faits, cela, ce serait une hypothèse, et quelle hypothèse ! indûment substituée en leurs lieu et place. C’est déjà bien assez, en ce genre, de nous avoir infligé les gramophones et les pianos automatiques. Et encore sont-ils, restent-ils les uns comme les autres, pianos automatiques ou gramophones, l'œuvre de la pensée (cette fatidique pensée dont il n’y a décidément pas moyen de se rendre quitte ; — comme l'œil de Caïn, elle se retrouve, inexorable, dans la tombe où l’on se flattait de l’ensevelir), encore sont-ils l'œuvre de la pensée, sans laquelle ni Edison ni aucun autre inventeur du même acabit ne les eût imaginés ; de la pensée, sans laquelle non plus nous ne pourrions même pas nous en servir — car il faut savoir s’en servir, il faut savoir manœuvrer ces mécaniques, savoir y ajuster les disques ou les rouleaux appropriés, etc., toutes choses qu’on ne voit pas que pourraient faire, si simples soient-elles, de purs automates, étrangers à toute espèce de « subjectivité ».

Bref, l'énergie consciente que l’habitude capitalise sous forme de mécanisme, qu’elle aliène, si l’on veut, et organise en réflexes, c’est seulement celle qui se dépensait dans les détails infimes et matériels : cela n’empêche pas celle qui se déploie dans la sphère plus haute de la pensée pure, bien au contraire, cela même lui permet juste de s’intensifier ou de s’accroître, de devenir toujours plus active, de s’affirmer toujours plus délicate et à la fois plus puissante et plus conquérante. A mesure que nous devenons plus machine par la partie inférieure, nous devenons par la partie supérieure plus conscience, plus pensée, si l’on peut dire, plus esprit. L’habitude nous enlève de plus en plus à nous-mêmes, nous aliène de nous-mêmes, nous annualise, nous mécanise de plus en plus en tant que nous sommes précisément tributaires de la nature animale ou en tant que nous sommes animaux et machines ; mais c’est précisément aussi pour nous faire prendre.de plus en plus possession de nous-mêmes, pour nous faire acquérir une maîtrise toujours plus pleine de nousmêmes en tant que nous appartenons à la nature spirituelle.

Il est donc bien vrai que, tout compte fait, la conscience est continuellement en progrès. Et dès lors l’objection retombe de tout son poids sur la doctrine épiphénoméniste, qui consistait à demander pourquoi, si la dite conscience est sans utilité, elle n’a pas disparu, pourquoi, tout à l’opposé, elle s’affirme toujours davantage.

6. Le « pourquoi » de son apparition. — Il y a plus. Nous transportante l’autre extrémité des choses, nous demanderons également pourquoi elle a même apparu, sî elle ne sert à rien. Nouveau problème, non moins épineux. Si, en effet, il y a quelque part adaptation, c’est dans le domaine de la vie ; c’estlà. disons-nous, que règne et triomphe plus que partout ailleurs le principe des conditions d’existence, cette forme positive et proprement scientifique de la loi de finalité, llappelons-nous v. g. — cet exemple est même typique — la théorie darwinienne de la sélection naturelle, aboutissant, dans le monde animal, à la survivance des plus aptes. Or t