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SUBCONSCIENT ET INCONSCIENT

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W-iènie question : « Qu’est-ce que je pense ? » (les trois autres ne nous intéressent pns ici), il réplique avec un rire sonore, en ôtant son bandeau : « Mgr pense que je suis le curé de Saint-Marcel, ce n’est pourtant pas lui.. » Voilà, saisi à même la réalité et rapporté de la façon la plus agréable, le phénomène général que nous avons pris à tàehe d’illustrer 1.

3. La pensée implicite. — On pourrait l’appeler aussi la « pensée implicite », en donnant au premier mot son acception cartésienne, selon lequel pensée équivaut précisément à conscience. Cette pensée implicite reste d’ailleurs susceptible de modalités et de nuances très diverses ; si l’on préfère, elle offre comme une gamine indéfiniment variée, depuis la préoccupation de l’orateur ou du comédien (y a-t-il toujours une telle différence de l’un à l’autre ?), attentif, tout en suivant le lil de ses idées, secondairement attentif à ménager ses effets, jusqu'à la perception sourde, sourde au possible même, qu’a le meunier du tic tac de son moulin, — car il ne laisse pas de l’entendre d’une certaine manière, puisqu’il se rend aussitôt compte de la différence lorsque ses meules cessent de tourner.

Nous venons de faire allusion, dans le même sens, à l’exclamation connue : « Qu’est-ce que je voulais donc dire ? » EU bien, d’une façon, nous voulons toujours dire comme cela quelque chose, quelque chose d’autre que ce que nous disons, ou que ce que nous nous disons à nous-mème ; nous avons toujours, d’une certaine façon, une arrière-pensée, ou, si l’on préfère, un arrière-sentiment, ou encore (si ces termes avaient cours) une arrière-conscience. Après tout, cette métaphore ferait aussi bien ici que celle, empruntée également à l’ordre spatial, qui a prévalu dans l’usage, ou celle de «  « ^conscience. Et il en va de même des images du même ordre, marge, frange, halo, etc. Quelle que soit celle qu’on utilise à chaque fois, Vidée que ces images ou métaphores mettent en valeur reste la même, à savoir que les états clairs n'épuisent pas à eux seuls le contenu effectif de notre conscience 2 et que celle-ci en enveloppe à chaque instant une quantité d’autres qui, pour n'être pas aperçus, n’en sont pas moins réels, comme, à l’occasion et d’une manière, ils n’en tirent pas moins à conséquence : nous avons constaté que les états clairs eux-mêmes en subissent plus d’une fois l’action.

4- Finalité du subconscient. — Et si l’on peut avoir à le regretter de temps à antre, dans l’ensemble pourtant le compte de l’activité subconsciente se solde, et de beaucoup, par un excédent d’avantages. Il y a tant de choses que nous ne faisons qu’avec une demi-réflexion, ou même sans réflexion du tout, et qui n’en vont pas plus mal, au contraire, car plus d’une fois c’est quand la réflexion s’en mêle que cela ne va plus ! Il nous arrive si souvent de mettre ainsi notre attention en veilleuse, sans avoir à nous laindre autrement du résultat, tant s’en faut 1

On a remarqué que, si nous devions raisonner intégralement toutes nos actions, nous unirions assez vite par ne plus agir du tout ; suivant la pittoresque image de je ne sais plus quel contemporain, nous nous retrouverions le soir au bord de notre lit, hésitant encore à enfiler notre première chaussette ou notre premier bas. Bref, nous ressemblerions à ces malheureux abouliques, atteints de la folie du doute, qui recommencent dix et vingt fois la même opération sans jamais acquérir la certitude qu’ils l’ont

1. Noua n’avons pas tenu compte, pour le moment, des faits pathologiques, parce qu’ils reviendront plus loin II, c.

2. » Contenu », « épuisent », « enveloppent », encore des images spatiales !

congrùment exécutée, leurs perplexités ne faisant à l’inverse que se multiplier et s’intensifier à proportion.

Le subconscient, c’est en nous comme qui dirait la soupape de sûreté de la machine intérieure ; il en garantit le fonctionnement régulier, et, à l’occasion, il l’empêche de voler en éclats.

11. Lbs hypothèses

Jusqu’ici, pas de difficultés, précisément parce qu’il s’agit de faits, qu’un peu d’attention suffit à reconnaître. On ne peut plus en dire autant de la suite. Cette suite, la voici.

On conçoit, en effet, qu’un moment vienne où, à force de se dégrader et comme de s’exténuer, la conscience unisse par disparaître de tous points : les états correspondants ou les phénomènes psychologiques qu’elle accompagnait s’en trouvent-ils euxmêmes abolis ? Ou bien continuent-ils malgré tout, peuvent-ils du moins, en certains cas, continuer de se produire encore ? Comme on le voit du premier coup, c’est toute la question de l’inconscient, au sens strict ou absolu. Nombre d’auteurs, comme chacun sait, n’hésitent pas à en admettre l’existence. Bien plus, plusieurs d’entre eux ne sont pas tellement éloignés de voir dans la conscience même la simple el’llorescence, accidentelle et passagère, d’une activité obscure dont elle n'éclairerait que les remous superficiels, il n’en manque même pas qui le disent en toutes lettres. Inutile de spécifier que nous entrons dans le domaine des hypothèses, justiciables, elles, et en plein, de la critique, parce que mises sur pied, en tant que telles, par la faculté constructive de l’esprit.

Il y a d’ailleurs deux manières, au moins, de le prendre. Cette activité qui ne deviendrait ainsi que par moments lumineuse pour elle-même, on peut sans doute la considérer comme étant ou restant de nature proprement psychologique ; mais il arrive aussi qu’on lui retire ce caractère et qu’on la tienne pour essentiellement physiologique ou nerveuse : c’est la théorie des idées-reflets (ou l'épiphénoménisme mental), la forme la plus raffinée du matérialisme, par laquelle, en toute rigueur de méthode, il y a lieu de commencer. Nous examinerons ensuite la doctrine de l’inconscient psychologique.

A. — L'épiphénoménisme mental.

1. Exposé. — Il faut partir de la notion du réflexe. Le réflexe, telle serait précisément la clé du mystère ; avec le réllexe, on tiendrait le phénomène vraiment élémentaire auquel se réJuit, sur toute la ligne et sans aucune exception, la multiplicité des faits intérieurs. La conscience est tout uniment

« quelque chose de surajouté », un aspect qui, à un

moment donné, vient se joindre aux processus nerveux, lesquels seuls comptent. Dès que ceux-ci ont lieu, disait autrefois Tiiiîod. Ribot, faisant appel à la terminologie allemande, « l'événement existe en lui-même », parce que la « condition fondamentale » en est remplie : lorsque la conscience s’y ajoute, « il existe pour lui-même », et voilà tout. « La conscience le complète, l’achève, mais ne le constitue pas » (Maladies de la personnalité, p. 6). * Toutes les manifestations de la vie psychique », depuis les sensations jusqu’anx raisonnements, « peuvent être tour à tour inconscientes et conscientes. Pour le premier cas, il faut et il suflit qu’il se produise un processus nerveux déterminé, c’est-à-dire la mise en jeu d’un nombre déterminé d'éléments nerveux formant une association déterminée, à l’exclusion de tous le3 autres éléments nerveux et de toutes les autres associations possibles. Pour le second cas, il