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STIGMATES DE SAINT FRANÇOIS

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n’est pas avec leurs yeux, que les témoins comprennent ce qui se passe : autrement les chevaux et les chiens comprendraient aussi.

Lors donc que l’observation de faits spontanément apparus et Je l’or. Ire des stigmates permettra de conclure à leur origine naturelle, ce sera en fonction de leur mode d’apparition, île la constance des ett’els relativement à une cause naturelle classée et repérahle : or, jusqu’ici, les causes incriminées sonl à peine définies, il en est ainsi notamment des principales, hystérie et médiumnité, — et les elîets constatés dans le cadre de la nature, dans les « hôpitaux laïques » notamment (Janut, op. cit., p. 3), sont moins que pauvres : le résultat est nul (op. cit., p. J80).

l/) Autre. uent concluant serait le bilan de l’expérimentation, s’il n’était également nul, car l’expérience présente sur l’observation l’avantage d’identilier les forces de la Nature en les brandissant sur commande : au besoin, la contre-épreuve suit l’épreuve, et la multiplicité des exemplaires authentifie le moule naturel des causes. — Des stigmates pourraient être présumés naturels si on leur assignait une cause connue, mais il ne s’agirait plus de présomption, il s’agirait de preuve, si la constance des effets relativement aux causes était expérimentale.

C’est ici que la position choisie par M. Le Monnier dans son article paru, en 1907, dans les Etudes, t. CX.I1, p. 737, sqq., et reproduit ci-dessus avec des coupures, ne nous paraît pas avoir inspiré à l’auteur toute la sécurité qu’il avait droit d’en attendre. Ce n’est pas seulement une différence de détail, portant sur l’importance, le nombre, la profondeur et l’étendue des faits, c’est une différence essentielle, qui sépare les stigmatisations vraies de leurs caricatures expérimentales. En fait de contrefaçons, que nous a-t-on présenté, en effet ? Des faits authentiques, assurément. Intéressants, oui ; rares, certes. Mais quels faits ? Rupture de vaisseaux sur un ordre expérimental ? rarement, mais quelquefois… Leur dilatation anormale ? Plus souvent. .. Le tout sur commande ? D’accord… Des faits de stillation du sang à travers les pores du tégument ? Parfaitement… Des faits, enûn, d’effraction du tégument avec rupture spontanée et concomitante des vaisseaux sous-jacents ? Ici l’on ne peut plus dire oui. Ici s’arrête le domaine des forces expérimentales.

On pourrait croire le contraire, à voir avec quelle magnifique assurance beaucoup de neurologues formés à l’école de Charcot croient encore pouvoir assimiler les merveilleuses lésions des saints aux pires misères de la pathologie mentale. Cette erreur procède d’un esprit de simplification parfaitement compatible avec la méthode scientifique, mais déçu dans le cas présent par une analogie incorrecte. Lorsque Charcot (car, après tout, c’est à lui qu’il faut revenir) écrivit en 1892 sa mémorable brochure de la Foi qui guérit, il lit coup double : voulant trouver dans les guérisons de Lourdes un exemplaire banal de suggestion, il leur compara les guérisons opérées sur la tombe du diacre Paris au xvme siècle, et lança à ce moment sa fameuse théorie de l’œdème bleu (blue œdema, edema azzureo) qui lit nager en plein azur les psychiatres de toute l’Europe. (Cf. Ja.net, Névroses et idées fixes, t. II, p. 505. — Charcot, Progr. méd, Paris, 1890^.259 et suiv. — Thibibrgb, Bull. soc. fr. dermat. et syphil. , 1892, p. 135. — Iconographie delà Salpêtrière, passim, et notamment année 1891.)

Qu’était-ce que l’u-dème bleu ? Un des multiples effets de la suggestion, modifiant chez certains su jets (qu’on appellerait aujourd’hui sympathicotoniques ) le calibre des vaisseaux et conséquemment les tensions artérielle et veineuse. On ne tarda pas à rattacher au même fait toutes les modifications dues à une sensibilité, à une extensibilité pathologiques, mais purement fonctionnelles, des parois du système vasculaire. On savait déjà, par Claude Bernard, que la constriction ou la dilatation des vaisseaux, due à l’activité des éléments muscnleux de leurs parois, est en définitive sous la dépendance des nerfs qui, se rendant à cette couche musculaire, y transmettent, pour ainsi dire, l’ordre qui la contracte ou qui la détend. On connaissait aussi les principaux carrefours nerveux où une excitation artificielle détermine une constriction vasculaire, avec les phénomènes qui s’ensuivent (rougeur, chaleur, hypertension) et ceux où la même excitation détermine des effets opposés (nerf lingual, nerfs splanchniques) : supposons maintenant que, chez certains sujets, pour une raison connue ou non, les centres sympathiques (vaso-dilatateurs ou vasoconstricteurs ) soient plus influencés par les centres psychiques, et nous concevrons que l’idée de rougir ou de pâlir, l’idée d’avoir froid ou chaud, l’idée que les vaisseaux se resserrent ou se dilatent, élaborée par les centres psycho moteurs, chemine jusqu’aux points où normalement cetordre ne s’exécute qu’instinctivement, et produise sur la périphérie des modifications vasculaires d’origine centrale, psychique, intellectuelle. En fait, ce mécanisme est évidemment réalisé chez certains sujets éminemment suggestionnables, et cette complexion reste ce qu’il y a de plus caractéristique de l’hystérie. Supposons maintenant que la dilatation opérée par ce moyen s’accomplisse avec une intensité qui provoque la rupture des vaisseaux, ou que la constriction, au contraire, se réalise en des points précis à la volonté du sujet, et nous comprendrons qu’on puisse faire jouer ce mécanisme jusqu’à produire des ecchymoses, des pseudo-éruptions, des hémorragies sous-cutanées, des phlyciènes, et enûn du dermographisme. Ce dernier terme a été affecté à la production d’une rougeur d’origine vaso-constrictive en des points élus par le suggestionneur, par exemple à tous les points du tégument touchés par une baguette pendant le sommeil hypnotique : si la baguette écrit mon nom pendant que le suggestionneur intime au sujet l’ordre de rougir, dès le réveil, aux points suivis parce crayon imaginaire, on verra en effet apparaître mon nom en rose, au réveil du sujet suggestionné, absolument comme on vit apparaître en touffes de blé les mots « ceci a été plâtré » sur le premier champ engraissé de sulfate de chaux, pour peu que l’inventeur ait écrit ces mots avec l’engrais. C’est trop compliqué, dira-t-on peut-être, pour être naturel. Assurément, le pouvoir de rougir en des points si précis implique une rare maîtrise de l’idée, du psychisme, sur les centres vaso-moteurs ordinairement soumis aux seules exigences de la vie végétative, en cela le fait est anormal, et d’ailleurs il est extrêmement rare ; mais il ne représente pas un phénomène plus complexe ni plus cohérent que l’effort du pianiste qui, pour exécuter une polonaise de Chopin, fait mouvoir un très grand nombre de muscles au gré de nerfs qu’il ignore. Seulement les phénomènes musculaires exigés par l’exécution du morceau sont normalement sous la dépendance des centres psychiques ; les phénomènes vaso-musculaires exigés par le dermographisme en sonl normalement exclus : la différence n’est que là. A cela près, on comprend le mécanisme du dermographisme et celui des ecchymoses ou autres phénomènes vasculaires