Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/747

Cette page n’a pas encore été corrigée
1481
1482
SPIRITISME


suppose. Les séances spirites ne peuvent présenter aucune manifestation se recommandant par quelque gravité. Et cependant les défunts les plus légitimement désireux de communiquer avec nous, ne seraient-ce pas ceux qui auraient de sérieuses leçons ou de graves avertissements à nous donner, qui voudraient au moins nous enseigner que tout ne finit pas à la mort ? Mais imagine-t-on qu’ils authentiquent leurs messages par des tours de foire ?

Quelle confiance méritent ces manifestations ? Prenons les fantômes qu’on évoque. Dans le laboratoire de William Grookes, Florence Eliza Gook fait paraître l’image de Kalie King, qui est censée avoir vécu il y a quelques milliers d’années et avoir revêtu des incarnations successives. A la villa Carmen près d’Alger, Marthe Béraud (plus tard Eva Carrière) donne en spectacle à la famille Noël et au D r Charles Richet la tête de Bien-boa, une figure de papier coiffée d’un turban et terminée par une grosse touffe de poils. Bien-boà a son roman merveilleux, que raconte Mlle Béraud : il a épousé jadis quelque illustre princesse ; il n’est pas sûr qu’il n’a pas été princesse lui-même. Combien il eût été plus persuasif de montrer un personnage connu, parent, ami ! Si les morts communiquent, de droit commun, avec les vivants, pourquoi ne pas évoquer devant William Crookes quelque savant, de ses amis de jadis, dont le témoignage aurait poids ? Pourquoi Marthe Béraud n’a-t-elle pas songé au fils de la générale Noël, qui semble avoir été un peu son ûancé ? Les médiums n’auraient-ils pouvoir que sur des étrangers, des êtres sans état civil vériflable, marionnettes qui sortent d’où l’on ne sait trop, font un tour et s’en vont ?

Ce manque de preuves d’identité n’a pas échappé à quelques spirites de marque. Puisque l’enseignement spirite est que les désincarnés ont la faculté de communiquer avec les vivants, n’est-ce pas à eux, docteurs en spiritisme, qu’il appartient, avant tous autres, de manifester après leur mort leur survivance ? C’est ainsi que Lombroso en Italie, William James en Amérique, qui, dans leurs dernières années, avaient fait adhésion au spiritisme, laissèrent des messages cachetés dont ils devaient, après leur désincarnation, faire connaître le contenu à un ami. Le résultat fut le même que dans le cas de F. W. H. Myers. Celui-ci, un des membres fondateurs de la Society for Psysichal Research, avait confié en 1891 à la Société un pli scellé à lire sous sa dictée, après sa mort, par un médium quelconque. Plusieurs se présentèrent et proposèrent leur version. Le l3 décembre 190^, c’est-à-dire trois ans, jour pour jour, après la mort de Myers, les scellés furent brisés. L’écrit fut confronté avec les réponses envoyées. La veuve, Eveleen Myers, écrivait au Morning Post : 1 Mon fils et moi. nous voulons certifier, en réponse à beaucoup de demandes reçues, qu’aprè » une étude attentive de tous les messages (présentés par les divers médiums), nous n’avons rien trouvé que nous puissions considérer comme possédant la plus petite valeur de témoignage (the smallest evidenlial value). » De Hbbbdia, s. j., Spiritism and Cnmmon Sensé. New York, i[p.’.i, p. i’, o-141. De même Camille Flammarion, mort le ^ janvier 1930, avait promis à ses amis de leur envoyer de ses nouvelles : ils attendent encore. Après cela, comment soutenir que les désincarnés s’entretiennent couramment avec les vivants ?

Ici, une simple remarque pour noter l’obstination aveugle des spirites, et des plus qualifiés parmi eux. Sir Oliver Lodge suggéra que peut-êlre Myers avait oublié ce qu’il avait écrit et rais sous enveloppe. Comme si Myers pouvait avoir oublié ce que, de sa

propre initiative, il avait fixé comme devant être la preuve cruciale de sa propre survivance I

De ce qui précède nous sommes en droit de tirer cette conclusion : le spiritisme, qui professe que le3 défunts ont la faculté ordinaire de communiquer avec les vivants, est incapable d’apporter aucune preuve qu’il existe, de fait, des communications combinées, régulières, de morts à vivants. Donc toute la doctrine spirite repose sur une affirmation gratuite, bien plus, sur une affirmation repoussée par toutes les vraisemblances.

Nous pourrions nous en tenir là et dire quelespitisme, étant dépourvu de base soit du côté des faits, soit du côté de la raison, est une doctrine négligeable. Cependant, il peut ne pas être inutile, pour faire la pleine lumière, de dire un mot de quelques enseignements parasites du spiritisme, puis des autres explications proposées pour rendre raison des phénomènes dits psychiques.

IV. Les â-côté. — a) Fluide et PérisprJ. — Le spiritisme, né en Amérique des expérien es des sœurs Fox, fut organisé comme doctrine en France par Allan Kardec. Un des premiers dogmes du nouveau credo spirite, c’est l’alûrmation du fluide vital. Si la table se met en mouvement, si le pied du guéridon frappe, si le crayon couvre de caractères l’ardoise, tout cela se fait sous l’action d’un fluide r>ro- ] jeté par la main des opérateurs. Le fluide, c’es. la ] force. L’intelligence qui le conduit, c’est l’esprit du I mort. Nous prêtons notre fluide au désincarné, qui’s’en sert à ses fins.

Mais introduire en ces opérations un fluide, état chose bien imprudente. On ne tarda pas à remar quer que faire remuer une table, déterminer des craquements, ne requérait l’intervention d’aucune intelligence transcendante, que, d’ailleurs, les soidisant messages adressés ne contenaient rien qui ne fût connu déjà ou ne pût être connu d’un des assistants ou ne répondît à la moyenne de leurs connaissances : dès lors, l’Esprit devenait inutile, et tout le spiritisme croulait.

Nous croyons fort que les spirites ne virent pas, en ces débuts, l’objection qu’on pourrait tirer contre eux de l’action de ce fluide. On était tout aux merveilles du fluide électrique récemment découvert, et et on n’avait pas oublié le fluide magnétique, cultivé et célébré au siècle précédent par Mesmer. C’était le moyen, pour le spiritisme.de se rattacher, comme il l’a fait constamment par la suite, aux goûts du jour. Et puis, dans leur pauvreté métaphysique, Allan Kardec et son entourage ne voyaient pas comment un esprit pouvait agir directement sur un corps : ce fluide servait d’intermédiaire. Il leur semblait qu’étant inaccessible aux sens, il n’était plus tout à fait matière et, par suite, se trouvait apte à servir d’instrument aux âmes désincarnées. Ils complétèrent leur théorie du fluide vital par celle du périsprit. Dans le composé humain, pour réunir le corps et l’àme, il y a quelque chose qui n’est ni corps ni àræ mais qui tient de la nature de l’un et de l’autre ; c’est le périsprit. Le périsprit fournit le fluide vital. D’autre part, tandis qu’à la mort le corps se dissout, le périsprit, expression de notre personnalité, est emporté par l’àme dans l’au-delà. Ainsi l’esprit du désincarné dirige par son périsprit le fluide des opérateurs : par lui, il fait frapper le pied des tables, se promener les guéridons, courir les crayons sur l’ardoise.

Il faut oser dire que tout cela est une philosophie de nègres. Les nègres animistes croient à l’existence d’un double, qui s’échappe de nous durant le sommeil, voyage de-ci de-là, d’où le rêve ; et ce dou-