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SOCIOLOGIQUE (Mf RALE)

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4. Vrai sens de la variabilité des notions morales. — Réalité essentiellement changeante, au surplus. Car il est également hors île doute que, au moins pour une part (nous allons essayer « le déterminer laquelle', tout cela varie avec les temps ou les lieux, e : varie en fonction îles autres n séries sociales », organisation économique comprise, on peut le reconnaître sans aucun matérialisme. Ri la science correspondante en iloil tenir compte, c’est même une de ses lâches principales, sinon sa tâche principale, de mettr" au jour, en s’appuyant sur une documentation aussi abondante que multiforme, aussi éprouvée que précise, cet aspect de la réalité. Ou plutôt, la science ne commence ici, à vrai dire, qu’avec la préoccupation expresse de dégager et de systématiser ces relations fonctionnelles.

Aussi longtemps donc qu’on borne là son effort, tout va bien, puisque c’est juste un aspect de la réalité auquel on l’applique. La difficulté commence lorsque, passant à la limite, on en conclut à l’universelle relativité des morales « données » (car c’est cela même, dans le fond, n’y ayant guère ici de nouveau que le caractère sociologique, pour ainsi dire, de cette relativité) et lorsqu’on nous refuse en conséquence le droit d'ériger notre morale classique et rationnelle en type de la morale tout court. N est-ce pas perdre de vue que ce qui change au vrai, dans l’espèce, sous l’influi nce des facteurs morphologiques ou « physiologiques » (institutions diverses, degré de culture, volume, densité, etc.), ou ce qui se trouve être à chaque fois relatif à un état défini du milieu collectif, c’est beaucoup moins la conscience elle-même, comme faculté de distinguer le bien d’avec le mal, que les particularités de son contenu ? On peut même soutenir que c’est celui-ci seul, ainsi considéré en détail, celle-là restant au contraire foncièrement identique à elle-même. Car enfin, s’agit-il invariablement, oui ou non, de ce qu’il est permis ou défendu, louable ou répréhensible de faire (quoi que ce soit à chaque fois, peu importe en ce sens)? Gomme si la définition précitée des morales n’impliquait pas qu’invariablement aussi il est question de droits et de devoirs (Cf. siip., n. 3)

De même, parlant des variations de l’idée de justice, M. L. B. observe que sans doute « les règles essentielles en ont été aussi bien connues de l’antiquité la plus reculée que de nos jours, nerniiiem la dere, suum cuique tribuere », mais que < tout ce qu’on en peut conclure légitimement, c’est que, depuis cette antiquité très reculée, le langage a permis une expression abstraite des rapports moraii r essentiels* » et que « la ressemblance s’arrête là » ; qu' « ellen’esl que dans la généralité et l’abstraction de la formule » ; que « pour qu’elle fut aussi dans la signification, il faudrait que le sens des termes fût à peu de chose près le même dans toutes les civilisations », or qu' « il s’en faut, et de beaucoup » ( « comment entendre neminem ? dans les sociétés à demi civilisées, l'étranger ou le naufragé n’y est pas compris ;… comment <e définit suum ? dans une société où le* castes existent, la justice consiste à traiter chacun selon sa caste, etc. », p. 216). — Tout cela pourtant n’intéresse que l’interprétation particulière de la justice, dont le sens substantiel transcende ces divergences de détail.

Somme toute, il y a là derechef une équivoque.

« La ressemblance, d’aujourd’hui à autrefois, se

limite d-ms l’espèce à la généralité et à l’abstraction delà formule, elle ne va pas jusqu'à la signification », transeat, mais la signification totale et

1. C’est nous qui soulignons, bien entendu.

concrète ou la signilication générale ? A quoi rimerait même, dans le second cas (c’est-à-dire si la ressemblance n’allait pas jusqu'à la signilication générale), la formule abstraite ? En réalité, c’est pour la ressemblance dans (application que pareille identité de sens serait requise, et non pas pour la ressemblance dans la signilication. On a même grand peur qu'à cet égard le texte en jeu ne se ramène à un pur truism ; ne serait-il pas un peu trop clair qu’il y aurait ressemblance de signification, sans pus, s’il y avait identité de sens ?

< Ces formules abstraites, lisons-nous encore p. 217-8, disent également à l’Egyptien contemporain des premières dynasties, à l’Assyrien du temps de Sargon, au Grec du temps de Thueydide, au baron du xi c siècle : « Il faut être juste, il faut rendre à chacun le sien (sic) n Mais il n’y a de commun dans ces cas, et dans tous les autres qu’on pourrait citer, que la formule ordonnant de se conformer en fait à des règles définies d’action, etc. » Encore une fois, la variété ne porte ici que sur la manière de concevoir à chaque fois et en particulier^ justice : n’empêche qu’on en conçoive toujours une, bien mieux, qu’on la conçoive comme consistant à rendre à chacun ce qui lui est dû.

Il faut raisonner de même pour a tous les autres cas qu’on pourrait citer », v. g. celui-ci, fort opportunément signalé par A. Fouillée 'Eléments sociologiques de la morale, p. 265) : chez les Egyptiens, le meurtre d’un chat était réputé le plus grand des crimes. — Eh oui ! parce que le chat était aussi tenu pour un animal sacré, dont la conservation importait souverainement au bien commun et qu’on ne pouvait tuer sans attirer sur la collectivité la colère des dieux ; aujourd’hui qu’il n’a plus pour nous ce caractère, nous le faisons passer de vie à trépas sans le moindre scrupule. Mais il y a d’autres attentats contre le bien commun que nous continuons de réprouver et de punir sévèrement. Le principe fondamental, à savoir qu’on ne doit rien faire qui, à quelque titre, soit une menace pour l’existence de la société, n’a donc par changé, lui. Pour peu qu’on se donne la peine de pousser l’analyse, la variabilité elle-même ne laisse pas de se résoudre, tout compte fait, en invariabilité La variabilité est à la surface, mais l’invariabilité reste au fond.

5. Vrai sens de la convergence des théories. — Une troisième (ou quatrième) équivoque, du même genre, fait le fond de l’argument que l’auteur emprunte à l’opposition spéculative des systèmes de morale, jointe à leur convergence dans le domaine de l’action proprement dite. Pour faire figure de doctrines défendables, ils n’ontbesoin, nous dit-on, que de rationaliser de manière ou d’autre la pratique préexistante, c’est-à-dire des règles de conduite en honneur à l'époque et dans le milieu intéressés. Ce n’est donc pas d’eux que ces règles tiennent leur autorité, mais du conformisme social (ou de la société qui les impose).

Comme si, en premier lieu, l’autorité des impératifs moraux ne s’avérait pas, de toute manière (que le lecteur veuille bien prendre garde à ce point, qui est capital), indépendante en elle-même des dits systèmes I Car entin, en toute rigueur et exactitude, ceux ci tirent simplement au clair, ils s’attachent simplement à tirer au clair le fondement sur lequel cette autorité repose, il ne lafonde.nl pas eux-mêmes et en tant que tels. Ils ne la fondent r « a-i plus par eux-mêmes et en tant que tels que la physique v. g. n’est par elle-même le principe réel des phénomènes dont elle analyse les conditioi.s ou le mode de production. La physique dé-