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SOCIALISME

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protestation contre le capitalisme, dont le vice foncier est dans l’inversion des valeurs, dans la primauté accordée à la finance sur l’effort humain.

Avant donc qu’on ail songé aux dividendes et aux revenus des titres, avant même qu’on ait mis de côté les sommes nécessaires à l’amortissement du matériel, propriété des capitalistes, il faut que le salaire se trouve payé intégralement, il faut que les exigences de l’hygiène physique et morale aient reçu satisfaction.

Nous ne pouvons revenir ici, en détail, sur la notion du juste salaire, tel qu’il a été notamment indiqué dans l’Encyclique de Léon XIII, Rerum Novarum. Maison n’oubliera pas qu’il comporte, au minimum, de quoi subvenir aux frais de l’existence humaine. Et cette existence n’est pas bornée aux périodes d’activité normale, elle comprend des heures où les forces sont défaillantes, de façon temporaire ou définitive. D’où la nécessité des assurances contre les maladies, les accidents, la vieillesse.

L’on ne peut aller loin dans l'énoncé de ces exigences morales, sans être frappé du contraste qui subsiste entre les principes et la réalité. Certes, de grands progrès ont été accomplis. Mais qui oserait dire que la concurrence laisse toujours aux entreprises, même si elles en ont le souci, le loisir de faire passer les considérations financières après les revendications légitimes du travail ? Qui pourrait prétendre qu’actionnaires et obligataires sont en mesure, même s’ils le veulent, de faire maintenir cette hiérarchie ? Sauf quelques puissants, dont la parole pourrait être un mot d’ordre, la plupart des porteurs de titres sont fort empêchés d’intervenir elticacement. Et la machine capitaliste, que nous avons vu monter, roule aujourd’hui, échappant au contrôle de ceux qui voudraientsurveiller son allure et régler son mouvement.

C'était pour opérer ce contrôle, quand d’ailleurs le mécanisme industriel et commercial était beaucoup moins complexe, que les lois des métiers se dressaient jadis. Il s’agissait de discipliner la concurrence, d’assurer aux artisans la subsistance. Telle était l’intention générale, même si les applications ont pu se faire, plus d’une fois, maladroites ou dévier en des directions suspectes. Il y faudrait aujourd’hui d’autres méthodes et des techniques morales plus évoluées. Mais, tant que l’intention de rendre au travail sa place ne sera pas aflirmée et servie par un effort proportionné aux circonstances, le capitalisme n’aura trouvé qu’un contrepoids verbal, le socialisme aura de légitimes griefs

On voudrait être sur que tous les chrétiens éclairés comprennent ce déséquilibre, cherchent ou du moins souhaitent l’organisation sociale capable d’y remédier. Le régime présent est marqué de cette tare certaine ; ceux qui la remarquent n’ont pas le pouvoir de l’effacer d’un seul coup. Mais ils ne sauraient l’oublier. Et, en attendant qu’elle disparaisse, s’il leur arrive peut-être d’avoir beaucoup prolité du système, ils savent que le bien général, lésé par ces conditions dont ils ne sont pas les maîtres, est en droit de leur réclamer ailleurs quelque compensation.

f.a morale chrétienne, sur le terrain delà producduclioil, rétablit donc toutes les responsabilités du propriétaire, les droits comme les devoirs de tontes les activités en jeu. La voici maintenant qui surveille la circulation des produits.

C’est encore l’une « les marques du capitalisme de perdre toute mesure dans l’emploi des procédés et dans l'évaluation des prix Les cent bouches de la renommée ne peuvent plus suffire à la réclame. La

lutte est âpre pour sortir vainqueur d’un combat dont le client est le prix.

Dans cette compétition, que devient l’idée même du juste prix ?

Le capitalisme ne veut connnallre d’autre règle pour ses tarifs que les conditions physiques du marché. Tout prix est juste dès qu’il peut s’obtenir et qu’il trouve un client pour le payer. Le débat se mène entre les prétentions du vendeur et la patience ou les capacités de l’acheteur. C’est le jeu tout mécanique de l’offre et de la demande.

La tradition et la morale catholique appelaient d’autres témoins au procès. Le juste prix devait s'établir après estimation des frais de production et aussi de l’utilité générale ou sociale apportée par le produit. On retrouve ici encore, s’opposant aux fantaisies d’un gain qui cherche à sedonner toujours plus de large, le souci des intérêts vrais, des exigences humaines. Normalement, le travailleur doit être indemnisé, d’abord, de ses frais et de sa peine, d’ailleurs le client paiera plus ou moins suivant l’utilité reconnue de l’objet. Pour apprécier ces deux éléments de la valeur, un arbitrage est institué, celui des gens sérieux et compétents, dont l’avis pratique s’exprime en ces verdicts que l’on nommait jadis

« l’estimation commune ». (Voir Auguste Valknsin, 

Le /liste prix, aux éditions de la Chronique sociale de France, ib, rue du Plat, Lyon ; Ahnou, La morale des affaires. Contre le bénéfice exagéré. Editions Spes.)

Pour que l’arbitre puisse prononcer, il ne doit pas êtretrompé ni violenté, les manœuvres dolosives ou brutales sont condamnées d’avance. Et les puissantes associations, dont les monopoles fixent les prix à leur guise, si elles s'émancipent de la règle juste, ne sauraient trouver une paradoxale excuse dans les proportions de leurs vols. Les capitalistes d’une profession, en exploitant ainsi sans vergogne le domaine dont ils ont évincé toute concurrence, ne lèsent |>as seulement les intérêts des particuliers avec lesquels ils traitent ; ils manquent à leur devoir social. Bénéficiaires eux-mêmes delà régularité des relations économiques, ils refusent de rendre service pour service et posent des conditions qu’ils s’indigneraient d’avoir à subir comme clients.

2. Dans la disposition de la fortune acquise.

Si les mœurs du capitalismeontainsi prévalu dans la façon de s’enrichir, elles dominent encore le maniement de la fortune acquise.

Lorsque le chiffre de cet avoir devient exorbitant, l’on peut dire déjà que cet excès même constitue un premier abus. D’abord, les remarques précédentes laissent supposer la fréquence des cas où des injustices plus ou moins latentes, plus ou moins conscientes, mais enfin réelles, ont vicié cet argent dans ses origines et nécessitent des restitutions. Il arrivera parfois que la tare est assez visible, la fraude assez évidente pour que l’Etat ait à imposer ces reprises, comme le lit jadis le ministre Colberten descirconstances célèbres. Plus souvent, la conscience devra commander un prélèvemeiit réparateur.

A supposer que tout soit pur dans ces richesses, elles restent anormales, même en cessant d'être injustes. Klles nepeuvent être dues qu'à une chance exceptionnelle, et la générosité alors deviendrait la sagesse. Sinon, une provocation surgira de ces ressources disproportionnées et fatalement suspectes. Les très grosses fortunes seraient donc avisées île se limiter elles-mêmes parde larges fondationsqui rendraient à la collectivité une part d’un argent trop accumulé sur un point unique.

Puis, sans même en venir à cet impôt volontaire