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SOCIALISME

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inunauté de nature. L’Eglise reconnaît ce lien, elle aussi (V. Gillbt, Conscience chrétienne et justice sociale. Paris, Editions île la Revue des Jeune*). Mais e.le le double et le renforce par un autre. Elle envisage encore la similitude de la destinée délinitive, l’union des hommes dans la gloire, s’ils le veulent, précédée et préparée par l’union dans la grâce. Et cette fraternité dans et par le Christ, lors même qu’elle n’existe qu’eu désir à l’égard de nombreux dissidents, apporte, à ceux qui en ont pénétré la force, des garanties capables de remédier aux lacunes de la solidarité toute humaine. Car celle-ci reste bien désemparée en face de tous les démentis que la vie lui apporte.

3) Enlin l’Eglise, pour assurer les réformes nécessaires, conseille aux faiblesses de s’associer au service du droit. Mais elle veut que griefs et réclamations passent au contrôle de la justice authentique. El elle pense que les sentiers de la haine ne sauraient conduire aux régions de la paix.

VII. — SOCIALIS.MK ET CAPITALISME.

Réfuter le socialisme, en montrer les principes faux, les données vagueset les espoirs chimériques, c’est une lâche relativement facile. Mais, quand on arrive au terme, l’on ne peut s’empêcher de constater ou de sentir qu’elleest aussi partiellementvaine. Le grand argument du socialisme, c’est l’abus trop fréquent île la propriété privée. L’abus condamnera cette propriété, non point à la disparition — nous avons vu que cette propriété a pour soutien la nature humaine, — mais à des crises dont la violence ira sans doute en s’accentuant.

Toute étude du socialisme nous apparaît donc dépourvue des vraies perspectives, si elle ne se double pas d’un regard sur l’ensemble du système qui fut son introducteur, re^te son complice et deviendi a sa victime. C’est pourquoi nous parlerons ici brièvement du capital- sine.

C’est le régime où l’argent prétend à une émancipation qui le libère, te plus possible, des charges du travail et des responsabilités morales, pour lui permettre d’appartenir tout entier à ses propres intérêts. Nous avons essayé de rappeler ailleurs plus en détail les origines et les conséquences de ces prétentions (Voir Les Juifs et le Capitalisme moderw. Etudes, 5 et 20 mars, 5 avril <$i. Voir aussi Valbnsin. Traité de Droit naturel, t. II). Bornons-nous à suivre ici l’argent dans quelques-unes de ses démarches actuel es, alin d’y relever la preuve de son émancipation abusive.

1. Dans le mode d’acquisition de la fortune.

a) La finance.

Depuis deux siècles, ce domaine est celui où les fortunes s’édifient le plus vi e, même s’il leur arrive de s’y elfondrer ensuite brusquement Mais les procédés ci usage accusent pesque tous cette tendance exorb’tante de l’argent à sortir de son rôle ils sont souvent suspects ou nettement repréhensiblcs. Nous voulons parler de l’agiotage, des marchés lietifs à terme, et aujourd’hui des spéculations sur le change. Même lorsque ces manœuvres ne sont pas frauduleuses, elles soustraient à la production, au travail, îles sommes importantes pour les livrer, sans rendement utile, aux risques de la Bourse. D’ailleurs ces pratiques ont des répercussions nécessaires sur le prix des valeurs, des marchandises qu’elles prennent pour enjeu Et ces interventions, artificielles toujours, artificieuses souvent, causent des troubles graves dans le monde des affaires réelles. C’est bien l’argent qui s’émancipe du vrai travail, qui prétend à un bénélice sans rapports ni propor Tw>uie IV.

tions avec l’effort, si même il ne lui apporte pas des entraves.

Ce caractère capitaliste pourrait être signalé encore dans denoinbreuses opérations, où certaines banques lancent des entreprises dans le but principal ou unique de spéculer sur les actions émises, et non plus pour subventionner une initiative nécessaire ou utile. La finance, alors, au lieu de servir l’activité humaine, de remplir sa fonction d’instrument, cherche à s’assujettir le travail. Les socialistes ont-ils tort quand ils dénoncent cette usurpation ? I>) L industrie.

Cette même émancipation se remarque souvent dans la région de l’industrie Ce qui doit y être condamné, ce n’e-.t point le capital lui-même, toujours nécessaire. Ce n’est pas non plus le bénélice, s’il représente le gain normalde l’intervention humaine etlicace, quelle que soit sa forme. Mais c’est la tentative de l’argent à esquiver ses responsabilités, à se

« mécaniser » déplus en plus, alin de retirer, par un

automatisme sans âme, des intérêts déplus en plus élevés.

La morale chrétienne a toujours lutté contre cette tendance, contre la fécondité exagérée de l’argent, contre l’usure, et aussi contre la prétention du gain cherchant à se libérer de ses responsabilités. Elle a gardé le souci d’empêcher l’hommededisparaitre derrière le jeumécanique desforces matérielles. C’était là le sens de sa doctrine et de sa discipline, prohibant le prêt à intérêt. (Voir l’Encyclique Vix pervertit, commentée par l’abbé Tibbrghibn, Tourcoing, Duvivier). Le contrat normal lui a toujours paru celui où le bailleur de fonds est un associé qui garde la propriété de son bien, reste, par suite, exposé aux risques de l’entreprise, et en assume les charges morales.

Les sociétés industrielles modernes laissent évidemment à leurs actionnaires un certain risque matériel. Mais, pour le surplus, ces actionnaires sont étrangers à l’entreprise. Leur préoccupation ordinaire est de toucher des dividendes satisfaisants. Leur personne n’intervient pas, leur influence est nulle. Impossible, pour eux, de faire face, même s’ils le voulaient, aux responsabilités de la propriété.

Pourtant ces exigences demeurent. Des règles s’imposent dans l’emploi et le bénélice de l’argent. Il faut d’abord respecter cetie loi primordiale qui interdit de collaborer à des œuvres mauva ses, fussent-elles de gros profil. Nul n’a donc le droit de subventionner les librairies, presse, théâtres, cinémas. .., dont le but sinon avoué, au moins réel, est de battre monnaie sur 1 immoralité ou l’erreur du public. Nul n’est autorisé à entrer dans des entreprises contraires à l’intérêt national. En revanche. on a le devoir d’aider, quand on le peut, les tentatives utiles au bien de tous.

Ce sont là préceptes élémentaires, applicables à tout placement d’argent comme à toute démarche, humaine. Mais actionnaires et obligataires ont, dans leur rôle propre, des devoirs plus précis. S’ils doivent être considérés comme des propriétaires, voilà, de ce fait, une série de responsabilités nouvelles. Les conditions d’hygiène physique, et plus encore inorale, où fonctionne leur entreprise, ne sauraient les laisser indifférents. D’ailleurs, avant de s’attribuer une part sur les recettes, pour reconnaître leur contribution, ils auront à faire face aux dettes. La première est celle qu’ils ont contractée envers le travail, intellectuel ou manuel, seul élément actif dans la production. Et cette priorité même, dans le règlement des comptes, rend nu labeur sa véritable place et constitue la meilleure

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