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SOCIALISME

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en dépit desréclpmntions et des reprises delà vie, une perpétuelle contrainte. Et c’est pourquoi une liberté quelcci.que est incompatible avec l'égalité totale, malgré les conciliations dont ! cs socialistes chargent volontiers un avenir d’autant plus complaisant qu’il reste aussi plus vague. Bon gré, mal gré, le socialisme, au nom de son dogme c’gaiilaire, malgré ses déclarai. uns d’amour à la liberté, doit se faire oppresseur, puisqu’il lui faut sans cesse surveiller et replonger dans la masse nivelée les têtes que leurs qualités natives pousseraient aussi sans cesse à émerger, [uisqu’il lui faudrait serrer le couvercle sous lequel il aurait enfermé la société bouillonnante, jusqu'à ce que la pression montante provoquât l’explosion et permît de revenir à des atmosphères plus normales.

L'égalité, maintenue coûte que coûte, entre les individus, constitue un tel défi à toutes les forces vitales que bon nombre de socialistes, plus ou moins explicitement, miligent leurs prétentions. Ils admettent que certains avantages récompensent le talent ou l’effort. Mais ils retrouvent vite leur intransigeance et surtout réservent ces concessions aux mérites strictement individuels. C’est dire que les personnes mora.es, telles que les familles, seront foutes soumises à un traitement identique. Si la théorie les tolérait encore, elle les rangerait sur une seule ligne, dans l’uniformité totale. Mais, en réalité, elle trouve plus expédient et plus sûr de les totalement abolir. Le principe c’gaiilaire sechargera de l’exécution à l’intérieur des foyers. Plus de hiérarchie familiale correspondant à la diversité des lâches et des rôles ; les revendications d’un féminisme absolu auront vite fait de la batlre en brèche. Mais d’abord, plus de mariage indissoluble. « La femme, a dit Bebel, le socialiste allemand, est maîtresse de son cœur. Elle le partage avec qui elle veut. Une relation cesse de lui plaire, libre à elle de la rompre et de porter son affection ailleurs. » Et l’enfant lui-même, considéré, dès l’origine, comme doté d’une nature humaine identique chez tous, sera tenu pour l'égal de ses parents. On sait comment l’Etat socialiste se chargerait, d’ailleurs, de la tutelle et comment, sous couleur de garantir « les droits de l’enfant », il monopoliserait l'éducation de la jeunesse sur un type unique- « L’important, écrit Benoit Malon, est d’abolir radicalement l’autorité du père et sa puissance quasi-royale dans la famille… Les enfants ne sont-ils pas autant que les parents ?… » (Précis du Socialisme, 1. V, cxxi). Plus d’héritage d’aucune sorte, ni matériel, ni moral, constituant un patrimoine et, par là même, un privilège. L’idéal serait d’aligner tous les enfants au poteau du départ pour la course de l’existence et de vérifier qu’aucune tête ne dépasse avant de donner le signal.

On reconnaît le principe individualiste, briseur, de cadres, que nous signalions au début comme inclus dans le socialisme Qui ne. voudra pas admettre les conclusions précédentes, logiques dans leur enchaînement rigoureux, devra remonter jusqu'à la formule première et se demander s’il n’y a point lieu de réviser l’axiome : lu justice est l'égalité.

Et quiconque instituerait cet examen, trouverait encore « les motifs de mettre en doute l’absolue vérité de l’adage en considérant, cette fois, la société dans son ensemble.

Car l'égalité, qui ne connaît que l’homme abstrait, empêche les compétences et les valeurs spéciales d’occuper leur vraie place, même pour le service public. Naguère, GeorgesSorel. parlant des jours futurs et du rôle que les syndicats devraient y jouer, se confiait à leur sagesse pour ne donner le pouvoir

qu'à des groupes de vétérans » (G. Sorei, , l’avenir socialiste des Syndicats, p. 77). « Il ne s’agit pas, disait-il, d’aller noyer l’intelligence dans la masse des indifférents et des badauds. » Fort bien ! Mais où trouver, dans le monde égalilaire, la digue qui préserve de telles inondations ?

Puisque cette digue est absente ou enlevée, la société subira le dommage — et la cruelle injustice — d'être privée des forces les plus efficaces. L’expérience a pu récemment apporter, sur ce point, ses leçons, dans une de ces périodes où la brusquerie des événements bouscule les théories artificielles. La guerre a mis au point certaines chimères. La mobilisation s'était faite en France, suivant un principe, non pas totalement encore, mais relativement égalitaire. Un homme en valait un autre et toutes les différences disparaissaient sous l’uniforme du troupier. Cependant, à la longue, il a fallu revenir silices vues, trop courtes pour ne pas être désastreuses. L’utilisation des compétences est apparue comme une nécessité de l’heure grave. Certes l’inégalité des sorts en fut l’immédiate conséquence. Mais, mises à part certaines applications qui ont pu être contestables, le principe, qui avait présidé à cette distribution des emplois, fut l’expression d’une sagesse toujours véridique, même en de moins pressants oracles. (Eymieu, L’Egalitarisme, dans Etudes, 5 juillet

'9' :) l>) Le progrès par la science et la solidarité. — Les socialistes se réclament de la science, nous l’avons vu, et lui confient le soin des destinées humaines. Toutefois ils ont, ici encore, leur manière, et leur dévotion n’est point satisfaite par le culte de la science, tel que l’ont établi les rationalistes contemporains.

Ct ux-ci sont d’abord des intellectuels. Us sont heureux et fiers des modernes découvertes et des progrès matériels qui en sont la conséquence. Mais, en ce qui concerne directement les relations humaines, l’harmonie sociale, beaucoup restent modestes dans les résultats escomptés. L’esprit scientifique leur paraît être surtout celui de la critique, du doute toujours en éveil. Tanlde discussions on : d’ailleurs occupé le passé, tant de problèmes affectent l’avenir qu’en dehors des acquisitions expérimentales, ils restent sur la réserve. Alors la leçon, qu’ils disent avoir retenue pour les besoins de la vie sociale, se résume en un conseil plutôt négatif, celui de la tolérance fille du scepticisme.

« Aucune idée, si belle et si profonde soit-elle, ne

vaut la mort d’un homme, toute idée n’est elle pas qu’un à peu près ? Ce n’est que le jour où l’humanité le saura qu’elle aura fait un bond décisif vers la paix, à l’appel qui se répète d'âge en âge, de sa vieille misère à la miséricorde, noblesse du sincère agnosticisme. » (M. Leroy, Henri de Saint-Simon, Paris, Rivière, Préface).

Les socialistes ne s’en tiennent pas à ces vues plutôt ternes, et leurs prévisions dépassent ces régions d’une indifférence apaisée. L’avenir leur apparaît meilleur et plus chaud ; c’est qu’ils l’ont garni des anticipations de leur foi. te progrès, pour eux, n’est pas tout rationnel. La science a d’abord pour but de libérer l’instinct de solidarité qui se révéler. ! , vigoureux et aetit, sitôt qu’il sera dégagé des liens où l’enserre la société moderne. C’est l’espoir qui met souvent une note généreuse dans les accents des prophètes socialistes, quand ils sont sincères. C’est une religion qu’ils prêchent, et si l'âge d’or, qu’ils annoncent, ne peut venir qu’au travers des crises, même sanglantes, ils atlirment intrépidement que le prix n’en est pas trop cher. Le mysticisme dévoyé reste commun icatif. A l’entrée du paradis terrestre pro-