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SOCIALISME

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lée « unitaire » (C.G.T.U.) ; elle est passée sons l’obédience du communisme. Elle est donc Inscrite désormais à l’Internationale syndicale de Moscou, fantôme domestiqué, : autant qu’il a d’existence réelle, par l’Internationale communiste et politique de la même ville. (Martin St-Lkon, Les Deux C. G. T. Syndicalisme et Communisme. Paris, Pion).

Cependant, et parmi ces dissidents eux-mêmes, l’eutente n’est pas restée longtemps absolue, loin de là. Des discussions ont provoqué de nouvelles séparations C’est que, dans la C.G.T.U., certains adhérents, qui d’abord avaient suivi un mouvement flatteur pour leur violence, supportent mal de voir le point de vue syndicaliste relégué dans l’ombre et les formations ouvrières soumises aux consignes politiques. D’autres, qui sont surtout des anarchistes, regimbent contre les mots d’ordre péremptoires que Moscou multiplie à l’adresse de ses adeptes.

Quoi qu’il en soit, les transfuges du socialisme politique ou du syndicalisme révolutionnaire sont embrigadés ensemble sur le front unique du communisme. Les Comités politiques d’ancienne forme ont vécu et les syndicats subsistants n’ont plus, dans ces formations, aucune influence. Toute la manœuvre est dirigée par les « cellules » locales qui, dans une entreprise ou dans un quartier, exploitent ou suscitent les mécontentements, prêchent la révolte par l’action continuelle de quelques initiés, inconnus des profanes mais étroitement unis entre eux. Et les cellules, à leur tour, sont groupées, dans un même secteur, en s rayons » où la ruche communiste poursuit son œuvre amère. (Cf. Danset, fin fourriers de la guerre civile. Etudes, 20 décembre 1924 ; ou L. Bardb, La Menace du Communisme. Paris, Editions Spes).

IV. — Philosophie et morale nu socialisme

Nous avons essayé jusqu’ici de résumer l’histoire, encore brève mais déjà touffue, de retracer In physionomie complexe du socialisme. Ces traits se modifieront encore ; et nous ne pouvons avoir la prétention de les iixer à l’époque où nous sommes. Mais, à travers les variations passées et futures, il est possible de relever une orientation constante, plus importante que les itinéraires occasionnels. Ces idées permanentes, qui se trouvent sous les divers principes plus superficiels et sous les passions, forment la philosophie du socialisme. Elles tiennent en quelques propositions, dont nous allons donner la suite assez logique.

Le Principe égalitaire. — La plus fondamentale prétention des socialistes, celle qui nous a servi pour établir la définition même du système, c’est que la justice se confond avec l’égalité. Tous les doctrinaires n’entendent pas, il est vrai, l’égalité absolument dans un sens et avec une r gueur identique-. . Pour Prondhon, par exemple, elle se réduit à une parité de « conditions ou de « moyens » qui, donnant à tous les mêmes chances de réussite, laisse cependant aux initiatives, au savoir-faire, à la liberté personnelle, une certaine marge où se logeront certaines dilférences finales de « bien-être ». Pour d’autres, collectivistes de la stricte obédience, l’uniformité sera plus totale encore, et enfin le communisme théorique n’admet plus, dans la distribution des ressources, d’autre hiérarchie que celle des besoins.

Mais, avec ces degrés ou ces nuances, le principe reste sauf. La justice, c’est l’égalité. Et cette justice est, à vrai dire, la seule vertu qui ait cours otliciel dans la doctrine du socialisme, elle tient lieu du complet Décaloguc dûment laïcisé. Parfois seu lement, pour varier, on la présentera sous son aspect plus sentimental et l’on parlera solidarité.

Cette solidarité, à l’heure actuelle, s’exerce à l’égard des membres de la classe ouvrière, dont les exigences dominent toutes celles qui pourraient se présenter encore au nom de la famille ou de la patrie. Plus tard, lorsque cette classe aura absorbé toutes les autres dans le nivellement égalitaire la solidarité s’étendra à l’humanité entière.

La loi du Progrès. — Or il arrive, toujours d’après la théorie plus ou moins explicite, que cette humanité est déjà en marche vers la justice meilleure et poursuit sa marche victorieuse d’après la loi infail| libie du progrès. Elle évolue, depuis les basses ori| gines de l’animalité, dont elle s’est dégagée, vers les 1 cimes où elle sera, un jour, en quelque sorte déifiée. C’est « la théologie du devenir » (G. Valois, dans la Préface d’Histoire et Philosophie sociales, Paris, Nouvelle Librairie Nationale). L’homme monte ainsi, par ses propres forces, sous la seule lumière de la science, vers l’idéal qui l’attend.

Sur sa roule pourtant se dresse plus d’un obstacle. Des forces le tirent en arrière, traditions du passé, entraves autoritaires, avec lesquelles il faut rompre, qu’il est nécessaire de couper pour laisser pleine liberté aux démarches ascendantes.

Suppression de la Propriété. — Mais le premier de tous ces obstacles est le prétendu droit de propriété privée. Là, se trouve la source empoisonnée de tous les conflits, de toutes les jalousies C’est l’ivraie dont les racines gênent ou étouffent les bons instincts de l’Humanité. Impossible d’établir la justice sur la terre, tant que l’on n’a point arraché cette plante mauvaise. Et, s’il y faut employer le fer et le feu de la révolution brutale, cette période de violence transitoire est comme l’étroit couloir qui permettra de déboucher dans les plaines aux horizons ouverts.

Une fois ce défilé franchi, l’on verra donc clair et respirera à l’aise. Une fois la plante mauvaise arrachée, l’on pourra compter, dans le champ de l’Humanité, sur les fleurs odorantes et les fruits savoureux.

Nous avons vu, en effet, que dans les plans, d’ailleurs assez vagues, que le socialisme trace de l’avenir, il semble que, si l’on écarte l’obstacle de la propriété privée, l’harmonie se fera presque spontanée.

« Par la faute de notre régime absurde, l’humanité

se débat dans un véritable enfer social. Les hommes, au lieu de coopérer à l’édification d’une maison commune habitable, sont, au contraire, occupés à s’entre-devorer, et à s’empoisonner mutuellement la vie. Il en résulte un gaspillage de forces sociales et individuelles effrayant. Le communisme, en supprimant la cause même des luttes et des rivalités — la propriété-monopole, — fondera une nouvelle société basée sur les principes de solidarité, de réciprocité et d’économie raisonnable. Il supprimera tout gaspillage, tout travail improductif, abolira les conflits d’intérêt et réduira l’autorité au minimum en la faisant fonctionner non au profit d’une classe, mais au profit de la société tout entière. » (Rappoport, Précis du Communisme, p. 10)

Proudhon avait déjà dit, avec sa note particulière,

« Supprimez la propriété en conservant la possession, 

et, par cette seule modification dans le principe, vous changez tout dans les lois, le gouvernement, l’économie, les institutions, vous chassez le mal de la terre.* (Proldiion, Qu’est ce que la Propriété ?} Et Jean Grave, l’anarchiste, proclamait :

« Nous affirmons que l’être n’est que le produit du

milieu et que l’on doit changer ce milieu, si l’on veut changer l’être. C’est l’organisation antagonique de