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SOCIALISME

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croyance au progrés amené presque automatiquement, par le jeu des forces soi ntiliques. Il ne craint pas d’enfermer la sic dans ses lois. L’avenir se ib-ssine à ses yeux sur une toile où il pense discerner la réalité future dans un ensemble d’ailleurs assez vague, où, en fait, il n’aperçoit que le panorama d’an pays d’utopie. Et ses tendances morales se ressentent naturellement de son credo. Son rêve et son désir vont à une >orte de farniente général, où l’homme futur pourrait partiellement se lihérer du travail considéré comme un esclavage, où la loi du moindre ellorl se : ait celle du bonheur.

Tout autre se campe le syndicalisme révolutionnaire. Lui prise peu les théories toutes faites et les systèmes a priori. Lui n’a. pour la science abstraite qu’une consi lération restreinte. Il se met moins en peine de donner aux intelligences des programmes hypothétiques, que de fournir aux volontés des sli mutants d’action. Produire, tel est lemol d’ordre, et, s’il sst observé, la vie se chargera du reste et amènera des évolutions commandées par les circonstances et les conditions du moment. De dire d’ailleurs quels seront au juste cesévolution ; etees résultats, le syndicalisme révolutionnaire n’a cure, il avoue même spjntanement sou ignorance en la matière. Mais il sait que toujours l’effort demeurera nécessaire, qu’il est inutile, immoral aussi, de lever un âge d’or d’universelle quiétude, que l’homme, loin d’être diminué par son labeur, n’acquiert sa physionomie véritable qu’encadré dans son métier. La civilisation ascendante ne comporte pas l’élargissement indélini des loisirs, la multiplication d’un type d’intellectuel dédaigneux du travail physique. E le est marquée seulement par une meilleure adaptation du producteur à sa tâche, la transformation progressive du manœuvre en artiste. Et, de même, la iberté vraie ne consiste pas à briser la férule patronale pour retomber sous celle de l’Etat socialiste. Elle réside dans la discipline consentie, volontaire, de l’atelier sans maître. L’égalité véritable n’est pas le nivellement qui maintiendrait les valeurs au rang des incapacités, elle laisse libre le jeu des compétences et respecte leur hiérarchie.

On peut s’apercevoir que le portrait, ainsi tracé, est tl Uteur pour le syndicalisme révolutionnaire et vient de peintres complaisants. Il met en relief les qualités de compétence, de travail, et laisse de côté a peu près complètement les ombres. Il en est une pourtant qui se prolile et suffit à gâter les autres traits, l’ombre du marxisme avec ses outrances, ses déformations, ses prétentions collectivistes, son obstination à pousser la lutle des classes. En sorte que nous aurions, dans le dessin ci-dessus, plutôt la physionomie du syndicalisme de bon aloi et authentique. la>s il s’agit du syndicalisme révolutionnaire, et celui-là porte des signes distinctifs qui ne ressortant pas suflisamment ici. Nous les retrouverons tout à l’heure.

Les métho tes. — Les moyens propres au socialismeet au syndicalisme, pour renouveler la société, apparaissent divers ou parfois s’opposent. Quelle était, quelle est encore la tactique du socialisme politique ? Elle n’est pas unique, et l’accord n’est pas fait, dans le parti, sur la manœuvre eflicace. Les uns pensent que, pour s’emparer de l’Etat bourgeois et le transformer en « Etat prolétarien », il sullira de persévérer et d’avancer assez loin dans la voie du socialisme parlementaire. Un jour viendra où la majorité sera définitivement acquise et le bulletin de vote amènera, sans secousse, le bulletin de victoire. Jusque là, en concentrant les moyens de production et de transport dans les mains du pouvoir, on ne fait pas encore du socialisme, puisque ce pou j voir appartient à la classe bourgeoise, mais on prépare l’héritage du collectivisme. D’autres adhérents au parti trouvent que la méthode électorale est trop

ne, qu’elle reste inégale à la tâche, si elle pré-’tend s’i n charger seule. Ils estiment qu’une heure j sonnera où L’insurrection violente devra achever la victoire du scrutin.

Quelle que soit l’arme employée pour le prendre, lorsque le pouvoir est, par hypothèse, passé à la classe ouvrière, que convient-il d’en faire ? Presque tous les socialistes prévoient une période d’organisation par contrainte, où l’on achèverait la conquête de tous les moyens de production. Ce serait, suivant le terme consacré, « la dictature impersonnelle du prolétariat ».

Cette période n’aura, dans leur pensée, qu’une durée toute transitoire. Une fois l’étape franchie, voici venir l’entrée du séjour où, à l’inverse de l’enfer du Dante, vous accueillent tou’es les espéran-- pontanément, la dictature abdiquera, le pouvoir de l’Etat perdia tout caractère d’autorité vexatoire et, dans l’union des peuples, une administration bienveillante distribuera à tous des tâches f iciles et brèves, des charges légères, équivalentes entre elles, et largement rétribuées !

Le. syndicalisme révolutionnaire ne goûte pas beaucoup cette stratégie et raillerait volontiers ces espoirs idylliques.

L’instrument des rénovations, qu’il escompte, n’est pas le l’arlï politique réunissant, dans une même idée, des citoyens de tout rang : c’est la classe ouvrière où le lien est formé par des intérêts identiques . La vraie méthode est dans « l’action directe » qui cesse de faire appel aux intermédiaires, aux in ellectuels, mais charge immédiatement les intéressés de leurs propres affaires. Et vraiment il ne conviendrait guère d’emporter la citadelle de l’Etat bourgeois, s’il fallait ensuite gouverner à sa place, mais avec ses méthodes ou même une autorité renforcée jusqu’à la dictature. Non, mieux valait économiser cette période de transition pénible. Il s’agissait, dès lors, de démanteler pièce à pièce l’Etat, de se charger progressivement de toutes ses fonctions utiles. Les syndicats joueraient ce double rôle, tout à la fois bataillons d’attaque et cadres d’instruction. Et, quand la préparation serait suffisante, il conviendrait d’instaurer tout de suite le régime nouveau, celui de la discipline consentie dans l’atelier sans maîtres. Les armes offensives pour cette campagne, c’étaient les grèvesoù.de plus en plus, les prolétaires prenaient conscience de leur force et de leur solidarité. C étaient les grèves, partielles d’abord et localisées, puis générale quand il s’agirait de porter au vieux monde le coup suprême.

Ces deux thèses, à propos de la méthode à suivre, ont été exposées jadis au Congrès de Nancy (1907), dans un débat contradictoire. M. Jules Guesde soutenait le point de vue socialiste politique, M. Hubert Lagardelle se faisait l’avocat du syndicalisme révolutionnaire et de ses procédés. Il peut y avoir intérêt à écouter, un moment, cette argumentation, elle nous aidera à mieux saisir les positions respectives.

A l’avis de M. Lagardelle, le parti, le groupement d’hommes de toutes conditions, réunis seulement par une idée commune, était destiné — son histoire le prouvait d’ailleurs — à s’enliser dans des combinaisons parlementaires, à se prendre dans les filets gouvernementaux, bref à s’embourgeoiser : n’était-il point d’avance partiellement composé de bourgeois ? Il avait pu avoir son heure et sa nécessité, il pouvait conserver une utilité s’il comprenait son rôle. Mais le premier plan devrait revenir aux syndicats assez organisés maintenant pour ne plus