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SOCIALISME

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qualité entre aussi en ligne de compte et souvent importe davantage pour le rendement iinal. Il en résulte que l’effort d’organisation, de direction, mérite une rétribution proportionnée à son ellicacité.

La Classe prolétarienne et I Internationale. — Si arbitraires que soient les idées, dont nous venons d’esquisser l’analyse, elles ont eu et possèdent encore une énorme influence. Tous les soeialismes actuels, avec leurs notes distiuctives, n’ont fait qu'évoluer dans le rayonnement du marxisme, dont ils restent très largement tributaires.

C’est au marxisme, en particulier, que l’on doit l’idée, tout à fait élucidée, de la classe ou de la collectivité réunie par le sentiment explicite des intérêts semblables. C’est encore lui qui a fait prévaloir cette vue simplifiée et déformante d’une société divisée en deux classes, demeurées seules en présence pour un antagonisme irréductible et fatal. Ainsi se trouvent négligés, tandis que s’accusent davantage cette opposition et ce conllit, tous les groupements intermédiaires que leur situation et leurs ressources disposent le long de l'échelle sociale.

Le nombre des propriétaires petits ou moyens reste considérable et s’augmente, la voie est ouverte aux ascensions, mais la théorie marxiste ne veut eonoallre que l’armée prolétarienne opposée au bataillon capitaliste.

Cette classe ouvrière a pris conscience de son unité pardessus les frontières nationales. « Les prolétaires n’ont pas de patrie. » Et c’est encore un trait que le marxisme aura plus ou moins gravé sur tous les mouvements socialistes de l’heure présente. Les peuples idéalistes ou rêveurs sont spécialement exposés à pousser jusque là leurs aspirations égalitaires. Les autres, sous ce rapport, se défendent mieux contre la chimère. Bien que Karl Marx ait surtout vécu à Londres, son influence reste contestée, réduite sur le monde anglo-saxon. L’esprit anglais strictement insulaire, ennemi des théories abstraites, goûte peu ces importations d’une philosophieconfuse. Mais les races latines ou slaves se laissent plus facilement séduire. Nous le savons, pour notre malheur, en France.

C’est ainsi que le socialisme, fidèle à la pensée marxiste, substitue, de plus en plus, à l’idée de patrie, à l’idée nationale, celle d’une classe ouvrière dont les intérêts seraient identiques sur toute la surface du globe et dont l’unité doit se réaliser pour combattre l’ennemi cosmopolite qui se nomme le capitalisme.

Marx, dans cette perspective, avait fondé, en 1864, la première Internationale. Elle n’eut qu’une brève existence. Mais, très vite, elle fut remplacée. Et si la guerre mondiale amena dans ces associations le trouble et le désarroi que l’on peut imaginer, elles se reformèrent ou se multiplièrent, sitôt la fin des hostilités, dans des conditions que nous aurons à dire.

Marx et Proudhon. — Les idées marxistes et proudhoniennes entrèrent en conflit vers 1860. Proudhon, nous l’avons noté, attendait beaucoup de l’effort, du travail, mettait au premier rang l’organisation économique : banques d'échange, groupements corporatifs. La politique l’intéressait peu, l’atelier, à l’entendre, devait remplacer l’Etat, ses plans visaient moins le gouvernement des personnes que l’administration des choses. Le but final était un socialisme mitigé, un « matuellisme » national.

Marx, peu soucieux de principes et d’idées, prétendait s’en tenir aux faits. L’engrenage du a matérialisme historique », rendant fatale la lutte desclasses, amènerait enfin la réalisation du collectivisme international.

Ce 3 quelques traits suffisent à marquer le parallèle et à établir les principales oppositions des deux chefs

Tome IV.

d'écoles. Ce fut le marxisme qui prévalut, après bien des épisodes et des vicissitudes. Même aujourd’hui, lorsque certains syndicalistes révolutionnaires retrouvent et revendiquent Proudhon comme l’un de leurs devanciers et de leurs chefs, ils restent néanmoins lidèles au collectivisme international et à la lutte des classes. Par là, ils montrent qu’en dépit île certains rapprochements avec le socialiste franccomtois, ils restent, pour l’essentiel, des marxistes impénitents.

d) L'évolution du socialisme à la fin du siècle dernier. — A la (in du siècle dernier, on trouvait, en France, plusieurs partis socialistes, tous imbus des idées marxistes, mais séparés par des questions de méthodes, de personnes. Les diverses tendances devaient d’ailleurs se réunir, par la suite, pour donner, en kjoô, le Parti socialiste unifié, qui subsista quelques années, avant de se scinder, à nouveau, dans les discussions récentes qu’a suscitées le bolchevisme.

A l'époque dont nous parlons, l’un des groupes socialistes les plus inarquants était le Parti ouvrierfrançais, dont le chef était Jules Guesde.

Cependant, à côté de ces divers mouvements politiques, d’autres formations se dessinaient. C'étaient des associations ouvrières encore illégales, puisque la Révolution, le 14 juin 1791 (loi Le Chapelier) interdit les réunions que pourraient former les travailleurs au nom « de leurs prétendus intérêts communs ». En dépit et en marge de la législation, des groupements existaient. Ils purent se développer davantage après la loi de 1 884 sur les syndicats. Cette liberté rendue fut d’abord accueillie avec quelque méfiance par le monde ouvrier. Puis, les éléments révolutionnaires se prirent à utiliser, comme une arme à leur taille, cette faculté dont d’autres sauraient faire un instrument de paix sociale. Ils ne la laissèrent pas sur le terrain strictement professionnel, et les syndicats nouveaux se mirent souvent à la remorque des partis socialistes politiques dont ils se faisaient les satellites. Le Parti ouvrier français de Guesde gardait une spéciale influence sur l’organisation et les démarches de ces associations, qui n’avaient pas conquis leur autonomie et ne vivaient encore que d’une existence dépendante.

Mais, parallèlement à cette incomplète Fédération des Syndicats, se fondaient les premières Bourses du Travail, qui devaient connaître, très vite, grâce à leurs vues pratiques, grâce à certains dévouements, une prospérité peut-être inespérée. En 1892, quatorze Bourses fonctionnaient déjà. Leur promoieur, Fernand Pelloutier, qui devait mourir prématurément en 1001, expliquait ainsi le secret de leur fortune : « Outre le service fondamental du placement ouvrier, toutes ces Bourses du Travail possédaient bibliothèque, cours professionnels, conférences écomiques, scientifiques ettechniques, services d’hospitalisation des compagnons de passage ; elles avaient, dès leur ouverture, permis la suppression, dans chaque syndicat, de services qui, nécessaires tant que les syndicats avaient vécu isolés, devenaient inulilesdès qu’une idministration commune est en mesure d’y pourvoir ; elles avaient déjà coordonné les revendications le plus souvent incohérentes, parfois même contradictoires, établies par les groupes corporatifs sur des données économiques insuffisantes ; en un mot, elles avaient, en moins de six années, accompli chacune dans sa sphère une tâche dont laFédération des syndicats n’avait même pas soupçonne l’importance et l’utilité. » (Cité par L. Jouiiaux, Le Syndicalisme et la C.G.T. Paris.Editions de la Sirène, 1920, pp. ^4e t 7~>)

Ces derniers mots laissent voir que l’entente alors

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