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commun qu’à niveler les fortunes. Souvent encore la société affirmera ses intentions en multipliant ou en élargissant les monopoles d’État dans l’industrie, les transports…

Nous le redisons, sur cette route il y a bien des étapes. À la limite et au terme, ce serait la confiscation totale de tous les moyens de production. Il semble alors que ce socialisme, au moins dans ses dernières conséquences pratiques, rejoint le collectivisme, dont nous aurons à parler plus loin, et se confond avec lui. Mais une distinction les sépare encore. Car le socialisme d’État peut se réaliser total sous la férule d’un gouvernement bourgeois, au besoin monarchique. Nous dirons que le collectivisme conçoit la société future sous des perspectives différentes. Insistons un peu sur ce point.

Le socialisme d’État pourrait croire ses ambitions ultimes satisfaites si l’État actuel centralisait tous les services du pays, se faisait le grand ou peut-être l’unique entrepreneur de l’industrie et du commerce.

Mais le collectivisme ne saurait oublier que cet Etal est, pour lui, le représentant et L’instrument de la classe privilégiée. Impossible donc de rien réaliser de définitif avant d’avoir brisé ce pouvoir. Engels, l’un des principaux disciples de Karl Marx, l’a dit explicitement :

« La société qui organisera de nouveau la production

sur les bases d’une association libre et égalitaire des producteurs, transportera toute la machine de l’fctat là où elle sera dès lors à sa place, dans le musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze. »

Mais, en attendant cette heure décisive, convient-il d’user decet instrument, les monopoles centralisateurs sont-ils un progrès vers ;e but ? C’est là une question de détail, sur laquelle les avis socialistes se partagent. Plusieurs se félicitent de l’extension de ces monopoles, estimant que, malgré les influences bourgeoises, ils ont eux-mêmes assez de prise sur le pouvoir actuel pour intervenir utilement dans ses administrations centralisées, voyant là un moyen de limiter et d’énerver la propriété privée. D’autres seraient plutôt tentés d’estimer que c’est une déviation, ils veillent, en tout cas, à éviter toute confusion entre ce régime de centralisation actuelle et celui qu’ils espèrent.

C’est ainsi que le socialiste belge, M. Vandervelde, a voulu prévenir ce malentendu. Pendant les hostilités récentes, les divers gouvernements belligérants ont été conduits, pour faire face rapidement aux exigences de la lutte, à disposer de toutes les ressources naturelles, à contrôler industrie et commerce. M. Vandervelde constate ces faits, mais il n’en marque que plus nettement l’opposition entre ces pratiques et son idéal.

« La guerre aura eu pour conséquence fatale d’accroitre

démesurémentle domaine de 1 Etatisme. Mais ce développement même rendra plus facile, à la fois, et plus nécessaire, le développement de son contraire : le socialisme. » (VandbRVELDB, Le Socialisme contre l’Etat. Paris, Uerger-Levrault. Avant-Propos).

b) Socialisme agraire. — Il se borne à condamner la propriété privée en ce qui concerne la terre. Le sol lui paraît le patrimoine commun à tous les hommes, sans que nul d’entre eux puisse faire valoir des titres spéciaux à sa possession. Tou efois les partisans île ce système admettraient assez facilement que le cultivateur gardât un certain droit de stabilité sur les champs qu’il laboure et ensemence. Mais il devrait remettre à l’Etat la rente foncière.

Quelle est cette rente ? A la prendre au sens absolu, elle serait constituée parle produit de la terre, i

ce serait la part de bénéfice résultant de la fécondité naturelle du sol. Si, dans une exploitation, on défalque, en Un d’année, du gain brut, les frais généraux, l’intérêt du capital engagé, les salaires versés, on obtient une somme qui exprime la rente foncière absolue.

Ce n’est pas exactement d’elle qu’il s’agit dans le socialisme agraire, mais plutôt d’une rente foncière relative. Celle-ci s’évalue parconiparaison. Certaines terres, ont, de par leur fertilité plus grande, de par leur situation plus commode, une valeur plus considérable, un rapport augmenté. La différence entre le revenu de ces champs elle bénéfice des terres les moins bonnes parmi toutes celles qui sont encore cultivées, figure larente foncière relative, acquise de droit à l’État. Car ces avantages naturels, d’après la théorie, ne sauraient, en aucune façon, être concédés au propriétaire qui n’a point contribué à leur existence. Les socialistes agraires soutiennent, comme tous leurs congénères, que seul le travail peut fonder des droits et des titres sur les choses. D’où leurcon clusion pour le versement à l’Etat d’une rente qui n’a point le travail à son origine.

Ce système a surtout été en faveur chez les Anglo-Saxons. C’est l’économiste américain Henry George qui lui a donné sa forme définitive. En France, la théorie n’a guère cours avec cet appareil d’arguments. Le socialisme agraire, à l’état isolé, est inconnu. Seulement la terre se trouve comprise parmi tous les biens qu’il s’agit de rendre à la collectivité.

Encore la situation économique française imposet-elle aux socialistes, quandil s’agit du sol, nombre de réserves et d’atermoiements. La petite propriété se trouve, chez nous, extrêmement répandue. Par ailleurs, les meneurs savent qu’ils ne pourront réussir sans l’appui des paysans. « Aucune révolution décisive, dit Engels, n’est possible contre les propriétaires ruraux. Avec eux, on peut tout, sans eux rien. »

Celte situation amène des fluctuations dans les déclarations, sinon dans les pensées, socialistes. Le souci de ménager les paysans oblige parfois à des réserves et à des compromissions pour atténuer, en ce qui concerne les applications rurales, la pure doctrine collectiviste, dont il nous reste à parler. (V. sur ces tiraillements, Maurice Lxir, Le socialisme et l’Agriculture Française, Paris, Pion ; Louis Barde, L’Agitation agraire, dans les Etudes, 20 novembre 1919 et 5 janvier 1920).

c) Collectivisme. — C’est la forme la plus absolue du socialisme. On pourrait dire qu’elle a aujourd’hui absorbé toutes les autres en les dépassant. Mais c’est ici que se rencontrent surtout les variétés multiples déjà signalées. Il nous faudra les distinguer.

Dans son ensemble, le collectivisme remet à la société tous les moyens de production et de transport (sol, matières premières, mines, outillage industriel, chemins de fer…) et ne permet pas que désormais aucun titre particulier autorise une reprise quelconque. Les individus ne sauraient plus disposer que de certains biens de consommation, sans qu’un capital financier puisse se reconstituer et se transmettre par héritage.

Le travail seul procurera le moyen de vivre. Pour le rémunérer, l’on tiendra compte encore des capacités et des efforts divers.La formule serait alors : à chacun suivant ses mérites ». A moins que, poussant jusqu’à ses dernières conclusions le principe égalitaire, l’on refuse même cette hiérarchie des services, pour ne plus reconnaître que la prise au tas commun suivant les exigences vitales ; « à chacun suivant s » -s besoins ». Le collectivisme serait alors devenu le communisme.