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SLAVES DISSIDENTI S (ÉGLISES)

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a pris naissance dans cette partie de la Russie qu’on appelle l’Ukraine, vaste et riche contrée de plus de trente millions d’habitants. Les Ukrainiens ou Russes méridionaux ont une langue à eux, qui diffère sensiblement de la langue russe proprement dite. Plus civilisés et plus développés que les Moscovites, ils n’ont subi qu’à contre-cœur, depuis le xvne siècle, la domination politique et religieuse de ces derniers. Dès que les Soviets arrivèrent au pouvoir, les Ukrainiens essayèrent de conquérir leur liberté. Un premier concile panukrainien, réuni par l’Hetmanat, en 1918, ne satislit pas à leurs premières demandes d’autonomie, et refusa notamment de sanctionner l’usage de l’ukrainien dans les ollices liturgiques. Ayant obtenu pour un instant leur indépendance politique, ils se hâtèrent, dès le a janvier 1919. de proclamer l’autocéphalie de l’Eglise orthodoxe ukrainienne. Retombés sous la domination des Soviets, ils ne tardèrent pas à réaliser leur plan séparatiste dans le domaine religieux. Un concile panukrainien se réunit à Kiev, le ! octobre 1921, et siégea jusqu’en lévrier 1922. Pas un évêque n’y parut. Il était uniquement composée de prêtres et de laïques. Comme il fallait absolument jeter les bases d’une organisation hiérarchique, et qu’on n’avait pu trouver un seul évêque pour conférer l’ordination épiscopale, on décida de s’en passer, et le 23 octobre 1921, l’archiprètre Vassili Lipkivsky fut sacré évêque par l’imposition des mains de 30 prêtres et de tous les autres membres du concile. Un Statut organique de l’Eglise panukrainienne, à base presbytérienne et démocratique, fut rédigé et promulgué. Aux termes de ce règlement, la nouvelle autocéphalie reconnaît les sept premiers conciles œcuméniques, mais dit respectueusement adieu à leur législation. L’organe directeur suprême est un Conseil ou Rada ecclésiastique panukrainien, composé du métropolite de Kiev et des évêques et de représentants élus pour trois ans. Les membres du clergé, quels qu’ils soient, peuvent se marier quand ils veulent et auiant de fois que le permet la morale chrétienne, t Dans son organisation intérieure. l’Eglise est fondée sur le droit collectif et conciliaire de tout le peuple ; le peuple ukrainien croyant est lelibreadministrateur de son Eglise. C’estlui quiélit tous les ministres pour tous les postes ecclésisastiques. C’est lui qui est maître dans l’Eglise et qui, par la voix de son concile, décide toutes les questions ecclcsiatiques. » (Extrait de la Lettre du concile aux fidèles). La langue liturgique est la langue ukrainienne. "La Rada ecclésiastique est entrée sans retard en relations avec les Ukrainiens et les Ruthènes d’Amérique. En 1923, l’Eglise orthodoxe ukrainienne autocéphale — tel est le nom qu’elle se donne — se flattait d’avoir 25 évêques et 3. 000 paroisses. Cette curieuse association a été vue de mauvais œil par les Soviets, à cause du péril qu’elle fait courir à l’unité nationale. Ils ont vainement essayé de la ralliera l’une des Eglises rouges, dont nous allons bientôt parler, et l’ont persécutée.Son avenir nous paraît précaire, parce qu’elle manque d’épiscopat valide. Il est vrai qu’en octobre iga5, une scission s’est produite dans son sein. Un évêque véritable, du nom de Tarnovsky a groupé autour de lui un certain nombre de fidèles. Par ailleurs, à la même date, le concile de V Eglise synodale — nous allons dire ce qu’est cette Eglise —, réuni à Moscou, a reconnu, l’autocéphalie de l’Eglise d’Ukraine sous la juridiction de véritables évêques en communion avec elle. Cette autocéphalie comptait, en janvier 1926. 2 métropolites, 9 archevêques, a^ éèques. Les partisans de Tikhon avaient également leur hiérarchie organisée dans la même

région, avec une trentaine d’évêques. L’avenir dira ce qui sortira de cet enchevêtrement de juridictions dans la Russie méridionale.

Il était inévitable que les Soviets profilassent de toute occasion qui se présenterait pour opposer à l’Eglise dirigée par le patriarche Tikhon une ou plusieurs contre-Eglises à leur dévotion. L’occasion favorable surgit en niai 1922, au moment où le patriarche dut démissionner temporairement. Un évêque mal famé, du nom d’Antonin, et quelques prêtres de Pétrograd et de Moscou, rédigèrent un manifeste adressé aux fidèles, dans lequel on décernait des éloges au gouvernement soviétique, et l’on réclamait la cor. vocation immédiate du concile, qui aurait dû se tenir régulièrement en 1921. Ce manifeste fut bientôt suivi de la publication d’un programme de réformes à allure révolutionnaire. Ce qu’on a appelé l’Eglise vivante était né. On y découvrait l’influence de la partie la plus avancée du clergé blanc. Dès le 18 juillet 1922, Agathange de Yaroslav, « gardien du trône patriarcal » désigné par Tikhon, condamnait les novateurs. Mais bientôt on vit surgir d’autres Eglises rouges : Confédération des Communautés de l’Eglise primitive apostolique, Confédération de la renaissance ecclésiastique, Eglise libre des travailleurs. L’Eglise vivante elle-même ne tarda pas à perdre l’un de ses membres les plus influents, l’archiprètre Wiédensky. Elle garda cette étiquette sous la direction du prêtre Krasnitski, tandis que l’évêque Antonin se mettait à la tête du groupe de la Renaissance ecclésiastique. En mai 1923, se tint un grand concile de toutes ces

« orthorloxies » plus ou moins rouges. Il ne complu

pas moins de 430 membres. Les partisans de Tikhon et Tikhon lui-même refusèrent d’y comparaître. On les condamna et les déposa. Au cours des délibérations, qui furent parfois orageuses, une majorité se dégagea de cette masse informe de groupes dissidents. Elle se rangea autour de l’archiprètre Wiédensky, et constitua bientôt [’Eglise de la Rénovation ecclésiastique, dite aussi Eglise synodale. On l’appelle synodale, parce qu’elle a renoncé à l’institution du patriarcal et est revenue purement et simplement à la forme synodale ancienne. On l’appelle Eglise de la Rénovation, parce qu’elle veut des reformes et des innovations. Elle accepte celles qui furent décidées au concile de 1917-1918, et en ajoute d’autres, notamment celle-ci, qui fut approuvée parle concile de 1923, sur la motion des représentants de l’Eglise de Sibérie : que l’épiscopat peut être conféré à des prêtres mariés. Cette décision, tant souhaitée du clergé blanc, a été aussitôt mise en pratique en la personne de l’archiprètre Wiédensky, qui a été promu à l’épiscopat, et se trouve être le membre le plus actif de la nouvelle Eglise. On voit par là que ce groupe, qui a rallié les vieux évêques hostiles au rétablissement du patriarcat, représente les tendances du clergé blanc. Il a eu la bonne fortune d’obtenir l’approbation du patriarche œcuménique Grégoire VII, et aussi, en 1926, celle du patriarche de Jérusalem Damien. L’Eglise synodale est, à l’heure actuelle, la principale rivale de l’Eglise conservatrice représentée par les partisans de Tikhon. Outre le mariage des évêques, elle a accepté le nouveau cal ndrier, et permet à son clergé de renoncer à la barbe et à la longue chevelure : chose plus importante en Russie qu’on ne pourrait le croire. Elle a tenu, du 1" au 10 octobre « 9^5, un concile qui s’est intitulé le troisième concile national de l’orthodoxie, le premier étant celui de 1917-1918, le second, celui de 1923. Elle comptait à ce moment 200 évêques, 17.000 prêtres, 16.000 églises. En décembre 1920, elle accusait pour la seule Russie,