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SLAVES DISSIDENTES EGLISES)

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i « Que l’article du symbole de Nicée-Constantinople relatif au Saint-Esprit est ainsi conçu : « Et in Spiritum Sanctum vbkitm et vivificantem Dominum ». Nicon a supprimé l’adjectif verum, qui se trouvait dans les vieilles éditions russes ;

a* Qu’à la messe, il ne faut que doubler, et non pas tripler l’Alleluia ; puis ajouter : « Gloire à vous, ô Dieu » ;

3° Que dans les processions liturgiques, il faut marcher selon le cours du soleil, et non pas dans le sens contraire ;

4° Que le signe de la croix doit être formé avec deux doigts, et non avec trois (Un des points capitaux de la controverse) ;

5° Que seule la croix à huit branches doit être vénérée ;

6° Que le nom du Sauveur doit être écrit et prononcé Issus, et non pas lissus ;

7° Que seules les vieilles icônes, ou leurs reproductions, doivent être objet de culte ;

8" Que l’invocation à Jésus est formulée en ces termes : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, ayez pitié de nous », et non pas : « Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, ayez pitié de nous ;

9° Qu’il faut offrir à la messe, non pas sept, mais cinq prospliores ou /l’pt’Sti (— parcelles détachées du pain d’autel dans le rit byzantin] ;

io* Qu’il ne faut se raser ni les lèvres ni le menton, ni user de café ou de tabac ;

no Que pour les ollices liturgiques il faut suivre les anciens livres russes, et se garder des innovations grecques.

Sans doute, en ces derniers temps, les partisans des vieux rites ont élevé contre l’Eglise officielle des griefs à portée dogmatique : ils lui ont reproché de rejeter la doctrine de la conception immaculée delà Mère de Dieu, consignée dans les livres antérieurs à Nicon, et surtout son servilisme à l’égard de l’Etat ; mais les vraies causes du schisme sont celles que nous venons d’indiquer.

Au formalisme rituel s’est ajouté, surtout pendant la période synodale, ce qu’on peut appeler le culte de la façade. On remarque, durant cette époque, un vrai souci de faire bonne figure à l’extérieur, surtout eu face de l’Eglise catholique, et de dissimuler aux yeux des étrangers les plaies secrètes de l’Eglise officielle. « Nulle part ailleurs, a écrit Vladimir Soloviep, L’Idée russe, p. 35, le décor extérieur ne joue un si grand rôle dans les choses religieuses ; nulle part ailleurs, on ne court plus après lesupparences ; nulle partailleurs, la dévotion n’aun caractère plus hypocrite, ou du moins plus irréfléchi que dans l’Eglise russe. » Le gouvernement autocratique veillait soigneusement aux relations des prélats russes avec les étrangers, pour éviter des contidences indiscrètes. Lorsque William Palmer visita la Russie en 1840-184 i, il ne put jamais entretenir seul à seul le métropolite Philarète de Moscou.

II. L’orthodoxie russe et l’orthodoxie grecque. — D’après la théorie de la dogmatique « orthodoxe », il devrait y avoir unité de doctrine entre les diverses Eglises autocéphales, et l’on a généralement cru, en Occident, qu’il en était ainsi. Mais quand on y regarde d’un peu près, on s’aperçoit qu’entre l’Eglise grecque proprement dite (celle du Phanar, de Grèce et des patriarcats orientaux) et l’Eglise russe, il existe de sérieuses divergences dogmatiques, si bien qu’on se demande pourquoi elles ne se sont point officiellement séparées et mutuellement anathématisées. Déjà nous avons vu qu’après la prise de Constantinople par les Turcs, les

Grecs étaient devenus, aux yeux des Russes, suspects d’hérésie et traités comme tels. Au xvu’siècle, ils réussirent sans doute à rétablir en Moscovie leur réputation d’orthodoxie ; mais dans la Russie méridionale, il n’en fut pas tout à fait de même. On en trouve la preuve dans l’attitude de Pierre Moghila et des théologiens de Kiev à l’égard des corrections doctrinales opérées par le Grec Mélèce Syrigos dans la Confession de foi de l’Eglise orientale. Dans la rédaction primitive de ce catéchisme, dû à la plume de Moghila lui-même, la doctrine catholique sur la forme de l’Eucharistie et l’existence d’un état intermédiaire entre le ciel et l’enfer était clairement enseignée. Syrigos biffa tout cela, et introduisit, à la place, l’opinion de Marc d’Ephèse sur l’épiclèse et la négation radicale du purgatoire, quitte à enseigner la délivrance de certains damnés par les prières de l’Eglise. Moghila et les siens ne trouvèrent pas ces corrections de leur goût, même après que les quatre patriarches d’Orient les eurent sanctionnées de leur autorité (1643). Ils laissèrent là la Confession orthodoxe de l’Eglise orientale, qui pour eux ne représentait pas du tout l’orthodoxie, et ils continuèrent à enseigner la doctrine catholique sur les points indiqués. Moghila rédigea un nouveau catéchisme plus court que le premier, publié en 1645, où il maintient, contre la Confession orthodoxe, que la transsubstantiation s’opère par les seules paroles du Seigneur. Comme nous l’avons vu plus haut, les anathèines du concile moscovite de 1690, qui était d’inspiration grecque, ne réussirent pas à imposer silence aux Kiéviens.

Les Moscovites se montrèrent plus dociles, lors du grand concile de Moscou de 1666-1667. Les Grecs leur ayant fait des reproches sur la rebaptisation des Latins, officiellement sanctionnée par le concile de Moscou de 1620, ils renoncèrent à cette pratique, tout en continuant à rebaptiser les Protestants. En 1718, Pierre le Grand, qui avait un faible pour ce.-, derniers, soumit leur cas au patriarche œcuménique Jérémie III, qui proscrivit la rebaptisation. Les Russes obéirent encore, et l’unité sur ce point important de la validité du baptême administré par infusion et par des hétérodoxes semblait établie entre les deux fractions principales de l’Orthodoxie orientale. Mais l’accord ne dura pas longtemps. En juillet 1755, le patriarche œcuménique Cyrille V, voulant arrêter les progrès de la propagande catholique en Syrie, décréta brusquement dans un synode, auquel assistèrent les patriarches d’Alexandrie et de Jérusalem, la rebaptisation des Latins, des Protestants, et même des Arméniens. Quoique non revêtu de toutes les formalités canoniques, le décret a cependant, depuis cette époque, gardé force de loi dans les autocéphalies de langue grecque. On n’y déroge qu’en de rares occasions, par exemple, lorsqu’une princesse, comme Sophie de Hohenzollern en 1891, refuse de se prêter à la cérémonie de l’immersion totale. Les Russes, eux, sont restés fidoles à l’orthodoxie grecque première manière. Ils n’ont plus rebaptisé du tout. En 1724, Théophane Procopovitch publiait un opuscule en langue slavonne, intitulé : Véritable justification des chrétiens orthodoxes baptisés dans le Christ par le baptême d’infusion, pour démontrer contre les rascolniks la validité du baptême selon le mode latin. Une traduction latine de cette dissertation parut à Moscou, en 1779. Entre temps, en 1757, juste deux ans après le décret de Cyrille V, le Saint-Synode dirigeant avait adopté le rituel de Pierre Moghila pour la réception des Latins dans l’Eglise orthodoxe : non seulement on ne les rebaptisait pas, mais, contrairement à la pratique grecque officiellement