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SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES)

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Nicon soutint une doctrine à peu près identique à celle de la Bulle l’nam tanctum de Boniface VIII. Mais le tsar sut habilement tirer à lui les suffrages des patriarches orientaux, qui favorisèrent la thèse césaropapiste. Nicon, vaincu et déposé au concile de Moscou de 16(J6, eut l’audace d’en appeler au pape en vertu des canons de Sardique. Il mourut en prison, en 1681.

Une autre controverses’alluma en Moscovie sur la fin du xvir siècle, entre les théologiens de Kiev, tout pénétrés de la culture lutine, et les théologiens moscovites, soutenus par les Grecs Dositliée, patriarche de Jérusalem, et les deux frères Joannice et Sophrone Likhoudès. H s’agissait de l’Immacr.IéeConception, de la consécration des parcelles ou, ue/s<<5î ; détachées de la grande hostie dans le rit byzantin, et surtout de la question de l’épiclèse, c’est-à-dire du moment précis ou s’opère la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Les Kiéviens soutenaient les thèses catholiques. Les Grecs et leurs disciples moscovites niaient l’Immaculée Conception, et prenaient à leur compte la doctrine de Nicolas Cabasilas et de Marc d’Bphèse sur l’épiclèse du Saint-Esprit. Il eurent gain de cause au concile de Moscou de 1690, réuni par le patriarche Joachim. Mais la querelle continua, et cenefutque peu à peu que les opinions grecques finirentpar passer dans la dogmatique russe officielle. Les théologiens de Kiev auraient sans doute gardé leurs positions, si leur métropole n’avait été définitivement incorporée au patriarcat moscovite en même temps qu’à l’empire des tsars, en 1686. L’année suivante, le patriarche oecuménique Denys IV reconnaissait le fait accompli, et la Grande Eglise perdait le dernier reste de sa juridiction en Russie.

Cinquième période ou période synodale (1700-1917). - A la mort du patriarche Adrien (1700), Pierre le Grand ne lui donna pas de successeur, mais il constitua une sorte de gouvernement ecclésiastique provisoire, qui fonctionna pendant vingt ans. Etienne lavorskii, métropolite de Riazan, fut nommé exarque patriarcal avec mission de s’occuper des affaires purement religieuses : dogme, discipline, lutte contre le rascol et les sectes, etc. La chancellerie patriarcale fut supprimée, et l’administration des biens de l’Eglise et des monastères confiée à un bureau spécial, présidé par un boïar.

Une série de réformes dans tous les domaines de la vie ecclésiastique furent décrétées pour préparer la réforme plus radicale que le tsar méditait et qui trouva son expression dans le fameux Règlement ecclésiastique, promulgué le 25 janvier 1721 et approuvé par les patriarches orientaux en 1723. Aux termes de ce Règlement, le patriarcat est supprimé et remplacé par un Collège ecclésiastique ou Synode, composé de cinq évêques, quatre archimandrites, deux higoumènes, un moine-prêtre ou kiéromoine, deux archiprêtres et deux autres clercs’. Le juge suprême du synode est le tsar lui-même 2, qui se fait représenter par un fonctionnaire laïque nommé

1. Telle fut la composition du Synode, à son origine. Elle a varié bien des fois dans la suite. En IT’î :  ! , Catherine II fixa le nombre des membres à six : trois archevêque-, deux archimandrites, un archipi être. A partir de 181 ! ». il y a toujours eu un minimum de sept membres e’est-à-dire quatre évêques et trois archimandrites ou archipré. tres, p ; n mi lesquels 1 aumônier de l’empereu elle grand aumônier de l’aii), ée et de la marine. Sou » Alexandre III le Synode n eut que des évêques.

2. Cette expression de Juge-tupréme de ce collège disparut, en 1901, du serment que devaient prêter les membres du Synode, à leur entrée en fonction. Cette suppression ne changea rien a la réalité.

Ober-procouror’. Celui-ci assiste à toutes les séances, suggère ou indique la matière des délibérations, fait, au besoin, des admonestations, présente les décisions à l’approbation impériale, et veille à leur exécution. Comme le dit le liecueil des Lois de l’empire, c’eut par le Synode que le tsar exerce son autorité sur l’Eglise. Toute décision qui ne serait pas approuvée par lui et promulguée en son nom, serait invalide ipso facto. C’est par oukase impérial, par exemple, que se fait la canonisation d’un nouveau saint ; que sont nommés tous les évêques et titulaires des charges ecclésiastiques ; que sont promulgués tous les règlements concernant l’organisation et l’administration de l’Eglise. C’est par rescrit impérial que sont données les dispenses pour les jeûnes, les causes matrimoniales, les permissions aux évêques de s’absenter de l ?urs diocèses ou de voyager à l’étranger. Lé recours direct au tsar constitue la suprême instance permise non seulement quand il s’agit des sentences portées par les tribunaux civils, mais aussi quand il s’agit des jugements ecclésiastiques. Le Synode ne peut de lui-même entrer en correspondance, non seulement avec les représentants des confessions hétérodoxes, mais pas même avec les autres autocéphalies orthodoxes. Pour ces sortes de relations, il doit recourir à l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères et de ses représentants à l’étranger. « Bref, dit le canoniste russe Souvorov, Manuel de Droit ecclésiastique, 4’édit., Moscou, 1912, p. 216, le pouvoir du tsar sur l’Eglise russe s’étend à tout ce qui, dans le’droit ecclésiastique catholique, s’appelle pouvoir de juridiction. » C’est bien l’application du césaropapisme dans toute sa rigueur. L’Eglise n’est plus qu’un des rouages administratifs de l’Etat, organisé sur le même plan que les autres. Il ne se peut rien concevoir de plus contraire à la législation canonique des anciens conciles. Cependant les théologiens russes avaient l’habitude de crier à la calomnie, quand les écrivains catholiques affirmaient que le tsar était le pape de leur Eglise. Concédons-leur que le tsar ne disait pas la messe 2, et n’administrait pas les sacrements. Mais pour tout le reste, il jouait bien le rôle du pape, et le dépassait même en changeant la constitution de l’Eglise, c’est-à-dire en mettant à sa tête un synode, où les évêques n’eurent pas toujours la majorité et jamais la moindre indépendance. Bien plus, son influence s’est exercée sur le dogme lui-même, et a imprimé à la théologie russe des directions opposées, au cours des deux derniers siècles.

Pierre le Grand avait un penchant prononcé pour le protestantisme, et le Collège ecclésiastique qu’il mit à la tête de l’Eglise russe rappelle les consistoires des Réformés. I ! trouva dans le Kiévien Théophane Procopovitch (1681-1736), un théologien de son goût, et c’est à lui qu’il confia la rédaction du Règlement ecclésiastique. Pendant qu’il était professeur à l’Académie de Kiev (1712-1716), Théophane avait enseigné audacieusement les thèses de la théologie luthérienne sur les sources de la Révélation (l’Ecriture seule, à l’exclusion des deutérocanoniques de l’Ancien Testament), l’autorité relative du magistère ecclésiastique, la justification par la foi seule, etc. Les évêques russes attaquèrent vainement son orthodoxie auprès du tsar, qui pour toute réponse nomma son favori à l’évèché de Pskov.

1. L’Ober-procouror a été, la plupart du temps, un militaire. C était bien lui qui dirigeait le Synode que, par antiphrase sans doute, on appelait le Saint-Synode dirigeant.

2. Paul I er (1776-1801) voulut pourtant, un jour, la dire, et l’on eut beaucoup de peine à l’en empêcher.