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SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES)

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ment. Ce qui est sur, c’est qu’elle fut éphémère. Oleg, frère de Hourik, premier prince de Novgorod, descendit sur Kiev, s’en empara, et mit à mort Askold, qui fut sans doute le premier prince russe chrétien. Avec lui périrent peut-être l’évêque byzantin et ses prosélytes.

En 907, les Russes qu’Oleg conduit sous les mars de Constantinople sont tous païens ; et lors du traité conclu avec Léon VI, ils jurent par leurs épées, par Voloss et par Péroun. En 9, 4 1, au contraire, lorsque Igor, successeur d’Oleg, fait la paix avec les envoyés de Romain Lécapène à Kiev, il y a, dans cette ville une communauté chrétienne. La Chronique de Nestor raconte, en effet, que lorsde ce traité, certains Russes prêtèrent serment sur la colline de Péroun, tandis que les autres se rendirent à l’église Saint-Elie. Que ces Varègues chrétiens fussent de rite latin

— ce qui nous semble plus probable, — ou de rite byzantin, ils étaient catholiques ; car à ce moment le schisme n’existait pas.

C’est par un prêtre de cette communauté chrétienne que la veuve d’Igor, Olga, fut baptisée vers 954. Les deux premiers chroniqueurs russes : le moine Jacques et Nestor, et les deux historiens byzantins : Cédrénus et Zonaras, affirment bien qu’elle fut baptisée à Constantinople en 957 par le patriarphe Polyeucte ; qu’elle reçut le nom d’Hélène et que Constantin Porphyrogénète fut son parrain. Mais ce récit, quia fait fortune et que l’on trouve partout, ne tient pas devant le témoignage de Constantin Purchyrogénète lui-même. En nous racontant avec détail la visite que lui fit Olga, ce dernier, loin de nous parler de son baptême, laisse clairement entendre que la princesse était déjà chrétienne ; et il donne le nom du chapelain qui l’accompagnait : le prêtre Grégoire, i TT’s.nxi Tpriyopivi. De cerimoniis aulæ in zantinae, 1. If, c. 15, P. G., t. CXII, col. 1107-n 12. C’est avec raison que le grand historien de l’Eglise russe, E. GoLOUBiNSKii, a rétabli sur ce point la vérité historique. Isioriia rousshoï Tserkvi, t. I, 1 re partie, 2e édition, Moscou, 1901, p. 74-84. H est clair qu’Olga fut catholique, et vraisemblablement catholique du rite latin ; car les chroniqueurs allemands nous apprennent qu’elleenvoya uneambassade à l’empereur Othonl er, en 959, pour lui demander un évêque et des prêtres. Le moine Adalbert de Trêves, qui devint plus tard archevêque de Magdebourg, fut consacré évêque des Russes. Mais sa mission auprès d’eux ne réussit pas, et il fut chassé par les idolâtres. Voir les textes des chroniques allemandes réunis par VE » DiÈRE, op. cit., p. 162-165. C’est en vain que certains critiques, comme Assemani et Karamsin, ont mis en doute cet te mission d’Adalbert. Goloubinskii, op. et loc. cit., la regarde comme un fait certain.

L’Hélène russe essaya inutilement de convertir son fils Sviatoslav (964-972) à la religion chrétienne : i Mes hommes se moqueraient de moi », répondait le prince aux supplications de sa mère. La gloire d’amener les Russes au Christ était réservée à son successeur, Vladimir (972-1015). S’il fallait ajouter foi au récit de Nestor, Vladimir, avant d’embrasser le christianisme sous sa forme byzantine, , aurait institué une enquête sur la meilleure des religions, puis il serait allé chercher le baptême, avec la main d’Anne, sœur des empereurs byzantins Basile et Constantin, dans une expédition contre la ville de Kherson, dont il s’empara. C’est à Kherson même qu’il aurait été baptisé par l’évêque Anastase ; puis il serait revenu à Kiev, où les prêtres grecs qu’il avait emmenés auraient baptisé la masse du peuple russe dans les eaux du Dnieper. Ce récit légendaire PSt résolument abandonné par Goloubinskii. qui lui préfère celui du moine Jacques, auteur d’un panégyrique de Vla dimir et d’Olga. Ce moine Jacques est le plus ancien écrivain russe connu. Son panégyrique de Vladimir a précédé d’une quarantaine d’années la chronique de Nestor, puisqu’il acte composé avant 1072. D’après ce document, Vladimir se fit baptiser, lui et toute sa maison, à Kiev par un prêtre varègue, et peu après il Ut baptiser la nation. Ce ne fut que dans la quatrième année après son baptême qu’il se rendità Kherson. En conséquence, Goloubinskii place le baptême du prince en 987, au lieu de 988, date officielle acceptée en Russie ; et l’expédition contre Kherson est reportée à la fin de 989, ou au début de 9go.GoLocBmskh, o^>. cit., p. 127-144 et 942-948. Si le récit du moine Jacques est resté jusqu’ici inconnu des écrivains occidentaux, c’est qu’il est pour les Russes eux-mêmes une nouveauté, découverte au cours du dernier siècle. Le résultat de l’expédition de Kherson, dont le but demeure obscur, fut pour Vladimir son mariageavec la princesse byzantine Anne, sœur des empereurs. Celle-ci dut emmener à Kiev des prêtres de son rite.

Ce que fut l’organisation de l’Eglise russe sous le règne de Vladimir (et même son rite et sa langue liturgique), nous est totalement inconnu, et le champ reste libre pour toutes les hypothèses. Le premier métropolite de Kiev dont parle la chronique de Nestor est le Grec Théopempte, mentionné comme tel en io3g. Il fut précédé d’un métropolite Jean, qui paraît dans les premières années du régne d Iaroslav (io16-io54), et fut sans doute un Bulgare ; car c’est sous Iaroslav que la littérature slavonne, pos ?édée par les Bulgares, pénètre en Russie. Quant aux deux métropolites Michel et Léon ou Léonce, qui se disputent l’honneur d’avoir gouverné l’Eglise russe sous Vladimir, ce sont des personnageslictifs. La chronique primitive de Kiev se tait sur leur compte. Michel a été inventé au x vi° siècle, et Goloubinskii l’abandonne. Léon, qu’il veutretenir à cause de son traité sur les azymes contre les Latins, est aussi à rejeter ; car un traité contre les azymes avant Michel Cérulaire est un anachronisme. L’absence de documents pour cette période est si complète que Goloubinskii va jusqu’à émettre l’hypothèse que l’Eglise russe, sous Vladimir, fut autocéphale.et constitua un archevêché autonome, indépendant de la juridiction de Constantinople. Il se base sur ce fait que le moine Jacques et Nestor donnent indifféremment le titre d’archevêque et de métropolite aux premiers évêques de Kiev. Mais ce titre d’archevêque pourrait tout aussi bien déceler une origine latine. La Russie d’alors était entourée de chrétiens de rite latin. Il y en avait en Russie même, où dès le début du xne siècle, foi varèpue, viéra varagkoi, était synonyme de foi latine. De la Gn du Xe siècle jusqu’au débutduxii’, les missionnaires latins ne manquèrent pas qui travaillèrent à la conversion des tribus slaves ou varègues. L’un do ces missionnaires, le camaldule Brunon (en religion, Boniface)fut l’apôtre des Petchénègues, et reçut de Vladimir la plus cordiale hospitalité, lorsqu’il se rendait chez ces sauvages. Après l’avoir retenu chez lui pendant un mois, le Kniaze l’accompagna pendant deux jours de marche. Brunon fut assez heureux pour convertir quelques Petchénègues et faire conclure un traité entre eux et les Russes. Il revit Vladimir, au retour de sa première mission. C’est Brunon lui-même qui donne tous ces détails dans une lettre adressée en 1007 au futur empereur Henri II et dont on conserve à Cassel une copie sur parchemin du xie siècle. Voir la traduction française de cette lettre dans Verdiùr ». op. cit., p. 199-202. Cf. aussi Piekmno, La Russie et le Saint- Siège, t. I.p.ixsq. Vladimir entretint donc les meilleures relations avec les catholiques