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m mille voix qui feraient entendre sans lin des prédictions sinistres ; son corps, devenu la pâture des oiseaux ou l’aliment des plantes qui avaient poussé sur sa tombe, communiquerait le don de prophétie aux personnes ainsi qu’aux animaux qui se nourriraient de ces herbages. D’après une autre croyance, 1 asile suprême de la Sibylle, après sa sortie de ce monde, c’est la lune, dont le disque pâlissant montre toujours la figure creuse et exsangue de la prophétesse décrépite.

Autres Sibylles. — En Asie Mineure, le dédoublement du personnage a produit un groupe qui ne comprend pas moins de quatre Sibylles.

L’annonce d’une catastropbe aussi lamentable que la chute de Troie paraissait exiger une prophétesse spéciale ; ce fut la Sibylle Paléo-troyenne, dont la création est attribuée par quelques-uns au poète alexandrin Lycophron.

La ville d’Ancyre, en Phrygie, eut une Sibylle ayant nom Cassandre ou Taraxandra (litt. : celle qui trouble l’homme.)

A Colophon, ce rôle est dévolu à Zampousa, fille du célèbre devin Calchas.

A Sardes, c’est moins une Sibylle particulière qui prophétise, qu’Hérophile elle-même. L’Erythréenne se trouvant à Ephèse, le roi de Perse, Cyrus, pendant son séjour à Sardes, l’envoya chercher, afin d’entendre ses enseignements. Cette rencontre du prince et de la prophétesse aurait coïncidé avec le moment où Crésus, dont les Perses voulaient arracher la condamnation à mort aux hésitations de leur souverain, allait subir le supplice du bûcher ; les flammes furent éteintes par une pluie qui tomba d’une façon inattendue.

Un séjour prolongé del’Erythréenne à Samos suggéra aux habitants de l’île la fiction d’une Sibylle Samïenne, dénommée Thylo ; elle serait contemporainede la fondation de Byzance par les Mégariens ; une bibliographie sommaire de cette Sibylle est attribuée à Eratosthène.

Délos était un centre religieux trop important et trop voisin du littoral asiatique pour n’avoir pas reçu la visite de la voyageuse d’Erythrée ; une Sibylle fut imaginée par les Déliens, qui ne citaient pas sans orgueil les hymmes qu’elle avait composés à leur usage en l’honneur d’Apollon, le grand patron de ces insulaires.

A Delphes, la prophétesse d’Erythrée vintfaire un séjour après avoir quitté l’Hélicon, où elle avait été l’élève des Muses ; on y montrait le rocher où elle s’était assise pour fulminer ses prédictions, non sans exciter la jalousie du dieu qui s’était approprié la sainte Pylho ; dans son dépit, Apollon la blessa d’une llèche, et il ne consentit à la délivrer du fardeau de son corps, devenu d’une décrépitude extrême, qu’après qu’elle eut vu la dixième génération. Les Delphiens s’arrogèrent une Sibylle propre, qu’ils distinguèrent de celle d’Erythrée par le nom de Daphné.

L’oracle de Zeus, à Dodone, ne voulut point être privé de l’honneur d’avoir sa Sibylle ; celle qu’il adopta fut confondue avec la nymphe Amalthée, nourrice du dieu sur le mont Ida, en Crète ; on lui érigea un sanctuaire sur les bords duThyomis, près de Dodone.

Une Sibylle de Macédoine est mentionnée par Clément d’Alexandrie, qui ne la caractérise pas autrement.

D’après Varron. une Sibylle de Libye était nommée dans le prologue de Lamia, tragédie perdue d’Euripide : fille de Lamia, qui avait elle-même pour père le dieu Poséidon, elle s’appelait Elissa ; on ne sait si la prophétesse avait pris naissance en

Libye, sous l’influence de l’oracle de Zeus Aminon, ou si c’était une invention du poète.

De la Sibylle Libyenne, il convient de distinguer la Sibylle d’Egypte, appelée Isis ou Phantasia ; elle avait chanté la colère d’Achille et le retour d’Ulysse dans sa patrie ; l’hiérophante Phnnitès donna à Homère une copie du manuscrit des deux poèmes, qui était conservée Memphis. Ce récit est l’écho d’une vieille légende, d’après laquellel’auteur de l’Iliade et de l’Odyssée n’aurait fait que copier les poèmes de la Sibylle ; nous y trouvons une allusion dans deux passages de notre recueil.

La fin déplorable du puissant empire des Perses, tombé sous les coups d’Alexandre le Grand, suggéra i’idée d’une Sibylle qui avait prédit à ses compatriotes ce terrible effet du courroux céleste.

En tête même de sa liste, Varron place la Sibylle Persique, qui lui a été indiquée par Nicanor, un des biographes d’Alexandre ; on l’identifie assez souvent avec la Sibylle Chaldéenne ou encore avec celle des Hébreux.

La Sibylle Chaldéenne ou Babylonienne a beaucoup embarrassé les savants ; elle s’appelle Sabbé, ou, sur les listes d’époque postérieure, Sambéthé, et possédait à Thyatira, en Lydie, un sanctuaire, le 2a^£a0£ ?ov, mentionné sur une inscription grecque du 11e siècle après J.-C. On l’identifie parfois avec celle de Libye ou celle des Hébreux, d’autant plus que, dans l’avant-propos de notre compilation, elle est issue delà famille « du bienheureux Noé » ; et le scholiasle de Platon observe qu’ayantvécu avant la séparation des langues, elle a énoncé ses oracles en hébreu. Le plus ordinairement, elle passe pour la fille de Bérose, ce prêtre de Baal qui, vers le temps d’Alexandre le Grand, aurait composé des Chroniques de Chaldée ; pour mère, on lui donne Erymanthe. A la Cn dume livre de notre recueil, la Sibylle, racontant son origine, déclare aussi qu’elle est venue « des hauts remparts de Babylone en Assyrie ». Bérose aurait écrit son ouvrage pour apprendre aux Grecs combien la civilisation chaldéenne l’emportait en ancienneté sur la culture hellénique, et pour les initier aux merveilles de sa patrie, qui leur était alors presque inconnue ; c’est sans doute pour cette raison que la Sibylle babylonienne se vantait aussi d’être la plus ancienne de toutes. Faut-il entendre les rapports de paternité qui unissent Bérose à la Sibylle, en ce sens que cette prophétesse ne serait qu’une invention de l’historien qui avait réussi à accréditer cette fable en Occident ? Il est plus probable qu’on mit à profit certains récits de Bérose sur le déluge, la tour de Babel, les règnes de Kronos, Titan, Japet, etc. pour composer une série d’oracles, qu’on mit sous le nom d’une Sibylle ; celle-ci passa naturellement pour une Babylonienne, fille de Bérose ; aussi bien cet écrivain avait acquis une grande réputation comme astrologue, et ses prédictions étaient si goûtées des Athéniens qu’ils lui élevèrent dans un gymnase une statue avec une langue d’or. Vers la fin du iue siècle, des Sémites hellénisés d’Asie Mineure paraissent avoir créé cette prophétesse, qui ne tarda pas à rivaliser d’influence et « le crédit avec ses sœurs aînées. Selon toute vraisemblance, cette Sibylle est bien d’origine païenne ; l’identification avec la Sibylle juive, dont émane une partie des oracles de notre recueil, n’a dû se produire qu’assez tard.

L’Ethiopie elle-même aurait eu sa Sibylle dans la célèbre reine de Saba, avec laquelle les Grecs l’ont confondue.

En Occident, la prophétesse d’Erythrée, dans ses pérégrinations, s’est avancée jusque sur la côte de