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SÉRAPHIQUE (ESPRIT)

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observe la position de S. François à l’endroit de l’Evangile et de l’Eglise, son attitude à l'égard de la science s'éclaire immédiatement. Personnellement, le Saint d’Assise ne désirait que le savoir de JésusCrucifié. II Ckl., n. io.">. Il appelait à sa suite ceux qui prenaient pour règle unique de leur vie « les paroles, la vie, la doctrine et le S. Evangile de Notre-Seigneur », Opuscules, ^3 ; car, selon lui, <r l’Ordre avait été planté pour accomplir le mystère du S. Evangile. » II Ckl., n. i.">6. En tous il voulait l’amour divin. E. Schldnd, O.P. M., Das religiôse Wollen des hl. Franziskus t éuna Zeitschrifl f. Aszese und Mrstik, Innsbruck 1927, II, 1^-33. Dans cette perspective, les préoccupations purement intellectuelles, la science pour la science, ne pouvaient être une lin ; dans l'échelle des valeurs spirituelles, l'étude devait être subordonnée à la pratique de l’Evangile, à la prédication par l’exemple et à la vie intérieure.

De cette altitude générale de S. François, il serait pourtant inexact de conclure, avec K. Mullbr et P. SabaTIBR, que l’esprit séraphique est résolument hostile à la science. En fait, le Saint d’Assise estime le savoir en lui-même, et dans une de ses Laudes salue la sagesse comme nue reine. Opuscules, 173 ; Il Ckl., n. 189. Et son attitude est logique. François en eifet n’est pas l’illettré que l’on imagine souvent de toutes pièces, mais un clerc qui connaît l’Ecriture par ses lectures personnelles, comme peutêtre pas un clerc de son temps, un écrivain spirituel délicieux et — gloire littéraire que peu de fondateurs d’Ordre possèdent avec lui — le premier grand poète de la littérature italienne. P. Jban db Dieu, O. M. C, 6'. François et la paix intellectuelle, dans Etudes franciscaines, Paris, 1926, vol. XXXVIII, 36. Appréciant ainsi le savoir, il l’aime encore dans les savants et les clercs qui viennent à lui et qu’il reçoit dans son Ordre avec honneur, ICbl.. n. 37, 56-57 ; Il Cbl., n. 19a. Déplus, écrit Thomas de Celano, Il Cbl., n. 163, « il enseignait qu’il faut révérer l’ollice « les prédicateurs et vénérer ceux qui en ont la charge Quant aux docteurs en sacrée théologie, il lesjugeait dignesd’lionneurs plusgrands encore. » Aussi, rien d'étonnant si dans son Testament, l’une des plus authentiques expressions de son idéal, il insère cette suprême recommandation :

« Tous les théologiens et ceux qui nous dispensent

les très saintes paroles divines, nous devons les honorer et les vénérer à l'égal de ceux qui nous communiquent l’esprit et la vie. » Opuscules, 95 ; HCbl., n. 163. Respectueux à ce degré envers les savants et les clercs, François d’Assise se montra aussi accueillantàla science théologique elle-même, lorsque, après les premières années de vie apostolique, aux environs de 1218, le problème des études se posa dans l’Ordre en formation. Suivant S Bonavbnti’rk, Legenda.S. Francisci, c. XI, n. 1, le Saint, interrogé à ce sujet, ne voulut point détourner des études théologiques les clercs qui étaient entrés dans 1 Ordre ; il déclara au contraire qu’il lui plaisait, mihi quidem placet, de les voir s’y appliquer ; mais à la condition de sauvegarder d’abord la vie d’oraison et d’ordonner leurs travaux au salut du prochain. Bien plus, écrit Thomas de Celano, II Cel., n. 163, « il voulait que les ministres de la parole de Dieu fussent à même de s’appliquer aux études spituelles sans en être empêchés par aucune charge. » Cette volonté, il la manifesta clairement en confirmant la nomination de Saint Antoine de Padoue comme lecteur de théologie à Bologne. Le billet qu’il écrivit en cette circonstance et dont l’authenticité est incontestable, P. Salvadori, op. cit., 2^1, nous révèle L’idéal scientifique de S. François et date aussi les origines de l'école franciscaine : Fratri An tonio, episcopo meo, fr. Francisais salutcm. Placet mihi tjuod sacram theologiam Irgas fratribus, dummodo nter hujusmodi studium sanctæ orationis et devotionib spiritum non extinguant, sicut in régula continetur. Cf. V. Facc.iiinetti, O.F. M., 5. Antonio di Padova, Milan, 192 ; "), 189 ; L. db Carvalhoe CasTRo, O. F. M., S, Bonaventure, le docteur franciscain, Paris. 1923, 20-36. A bon droit, Thomas de Celano, II Ckl., n. 190, pouvait observer qu'à S. François « ne déplaisaient point les études scripturaires ». Les Spirituels eux-mêmes, comme Ubbrtin db Casai. k dans sa Besponsio à Clément V (1310), le reconnurent pleinement. D’après eux. « > François ne méprisait pas l'étude et la science des saintes lettres ; bien au contraire, il révérait et ordonna de vénérer les théologiens, tout en voyant en esprit les abus qui allaient suivre des études. » Cf. F. EHRLB.dans YArchiv f. Litteratur und Kirchengesch. des Mittelalters, Berlin, 1887, III, 75.

Ce fut précisément pour éviter les dangers qu’offrait la science pour son idéal de vie évangélique et de pauvreté, que François d’Assise appuya fortement sur les conditions morales selon lesquelles l'étude devait être faite. Il est vrai, comme G. Salvadorî, op. cit., 246, l’a observé justement, le Saint d’Assise n’a pas soumis l'étude à une discipline, spéciale. La lettre à S. Antoine porte seulement : dummodo inter hujusmodi studium sanctæ orationis ot devotionis spiritum non exstinguant. Or, telle est la formule inaltérable qui se lit dans la Règle de 1223 et dans la Règle de Ste Claire, là où il est question « de la grâce du travail » en général et spécialement du travail manuel. Mais si S. François n’impose pas d’autre réserve, il tient à inculquer fortement la méthode à suivre, et à signaler sans pitié tous les dangers de la science stérile ou sans amour. D’après son idéal, l'étude doit céder le pas à l’oraison, car le Christ a prié avant tout. Cf. S. Bonavbntdrk, Legenda S. Francisci, c. xi, n. 1. En d’autres termes, comme l’exprime si judicieusement Ubertin de Casale dans le document cité plus haut, F. Ehrle, art. cit., 75, fuit sua intentio… quod magis esset principalis intentio et occupatio orationis quant studii et studium oralionem dirigeret et oratio studium illustraret. François désirait encore que le savoir informât la vie et l’action et ne servît point à la vaine ostentation ; aussi disait-il souvent « qu’il faut plaindre les prédicateurs qui vendent leur ministère pour une obole de vaine gloire ». II Cbl., n. 164-Voyait-il des frères cultiver le savoir aux dépens de la vertu, il le déplorait amèrement : « Ceux, disait-il, qui sont poussés par un vain désir d’apprendre, se présenteront les mains vides, au jour de la rémunération. Je les voudrais mieux affermis dans la vertu, afin qu’au temps de la tribulation ils aient avec eux le Seigneur dans leur angoisse. » Il CEL..n. ig5. En définitive, François d’Assise sait et fait comprendre que la charité édifie, alors que la science enfle l’esprit ; il ne trouve en dehors de la croix du Seigneur aucun motif de se glorifier, pas plus dans la science que dans les richesses, comme il le rappelle longuement dans la 5e Admonition, Opuscules, 108. Cette attitude n’est pas neuve dans l’Eglise : elle est celle même de S. Paul. François d’Assise n’a pas voulu autre chose : l’Evangile détermine sa conception de la science, tout comme sa forme de vie.

Les directions du Séraphique Père ont été généralement suivies dans son Ordre. Si la science y prit, peu après sa mort, un développement tel que la formation et le progrès de la pensée franciscaine au xme siècle est un des faits les plus considérables de l’histoire intellectuelle de l’Eglise, les docteurs et