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SÉRAPHIQUE ESPRIT)

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vreté et l’abnégation. La « forme » de vie fransciscalne, la modalité distinctive de l’esprit séraphique étaient définitivement trouvées. Ce niessageduChrist impressionna si vivement le Saint d’Assise quïl identilie presque constamment la vie évangélique à la vie pauvre, ainsi qu’il appert des deux bdiets qu’il écrivit à Sainte Claire, Opuscules, 101-a. A sa lumière, il lit de la pauvreté absolue, en particulier » t en commun, le fondement de l’institut séraphique, Legendu nntiqui, n. 8, 13-16, 102 ; L’expropriation totale fut de rigueur à l’entrée dans l’ordre. La Règle de laaS interdit tout recours à l’argent, même pour les malades el les lépreux, ce que la Règle de 1221 avait d’abord autorisé. Opuscules, 01-2. En définitive, le Saint « ne voulut rien avoir en propre, aliu île pouvoir tout posséder dans le Seigneur plus pleinement. » ICel., ii. 44- l>ans la poursuite de cet idéal, il ne prit d’autre règle que la vie el l’exemple de Jésus Christ, le culte de la pauvreté ne fut cbez lui qu’un aspect de son amour pour Jésus. « Quand e est nécessaire, écrit-il dans la Règle de 1221, Opuscules, 53, que les frères aillent demander l’aumône. Et qu’ils n’en rougissent pas, mais qu’ils songent plutôt que Notre Seigneur Jésus-Cbrist, Fils du Dieu vivant et tout-puissant, a joué le rôle d’une pierre dure et qu’il n’en a pas eu honte ; il a vécu d’aumôues, lui, la Bienheureuse Vierge et ses disciples. » Le Fils de l’homme n’avait pas eu une pierre pour reposer sa tête : c’est cet idéal divin que François d Assise méditait lui-même et mettait constamment sous les yeux de ses disciples, comme l’atteste, d’un ton ému la Legenda anliqua, n. 13, etavecelle Thomas de Celano.llCEL., n. 56, et S. Bonavenlure, Ltgenda S. Francisci, c. vii, n. 2. Ainsi considérée dans le Christ, la pauvreté devint pour le Saint d’Assise la dame qu’il aima éperdùment, comme le révèle entre autres le délicieux opuscule, Des noces mystiques du B. François usée madame la Pauvreté, trad. U. d’Alençon, Paris, 1913. Sans cette pratique de la pauvreté aimée en Jésus, l’esprit séraphique n’existe pas.

Malgré ce culte intense de la pauvreté, l'àme franeiscaine n’est pourtant pas exclusiviste. François l’Assise accepte en effet tout l’Evangile et ne néglige aucun de ses enseignements. Dans la Salutation des ertus, il reconnaît lui-même que les perfections chrétiennes sont sœurs. « Celui, dit-il, qui en possède une, s’il ne blesse aucune des autres, les possède toutes ; celui qui en blesse une, n’en possède aucune et les offense toutes ». Opuscules, i~'i. Dès lors, il ne déprécie aucunement les vertus dites passives, la paix, l’humilité, la patience, la mortification corporelle et l’obéissance ; il y voyait au contraire le signe de Dieu dans l'àme, « car, écrit-il dans la Elégie de 1221, Opuscules, 65, l’esprit du Seigneur veut que la chair soit mortifiée, méprisée, vile, abjecte et injuriée, il recherche l’humilité et la patience, la pure simplicité, la véritable paix de l’esprit, et avant tout il désire la crainte divine, la sagesse divine et l’amour divin ». Elle est aussi de S. François, cette conception traditionnelle de l’obéissance parfaite, qui représente le véritable religieux sous la forme d’un cadavre qui se laisse mouvoir, dès lors qu’il n’y point matière à faute. II Cbl., n. 102. Ainsi, chez le Saint d’Assise, doctrine et vie sont la plus belle apologie des vertus passives que le christianisme puisse opposer à l’américanisme moderne II. Frldkr, O. M. C, L’idéal de S. François d’Assise, Paris 192/1, I, ^17-882.

Si l’esprit franciscain convie de la sorte à l’acceptation totale de l’Evangile, il est bien entendu cependant que François d’Assise veut cet effort tout pénétré de spontanéité. L’abnégation ne doit pas

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éteindre sur les lèvres l’allégresse des alléluias qui jaillissent du bonheur de servir Dieu et de l’intuition constante de la beauté incréée dans l’univers. Paupertas el lætitht, telle était une des admonitions préférées du Saint d’Assise. Opuscules, 18. La tristesse était pour lui « le mal babylonien qui, s’il n’est chassé par les larmes, produit dans le cœur une rouille tenace », II Cbl., n. 125. Aussi, dans la Règle de 1221, crut-il devoir écrire, conformément au conseil de l’Evangile, Matth., vi, 16. « Que les frères aient soin de ne pas paraître tristes et sombres comme des hypocrites, mais qu’ils se montrent joyeux dans le Seigneur, avec un visage gai et rempli d’une avenante amabilité. » Opuscules, 50. Lui-mftme donnait l’exemple d’une joie spirituelle intarissable. Sa vie, surtout après l’impression des Stigmates, ne fut qu’une laude du Seigneur, H. Fbldbu, op. cit., Il 30a-8, dont le Cantique du Soleil et les Laudes Dei, malgré leur sublime lyrisme, ne traduisent qu’imparfaitement la mélodie intérieure.

Universelle et spontanée, l’imitation franciscaine du Christ tend aussi à la réalisation la plus fidèle et la plus littérale possible de l’Evangile. Ce littéralisme est certainement l’un des traits les plus caractéristiques de l’esprit séraphique, auquel S. François tenait suprêmement, suivant la Legenda antiqua, n. 4 : Ab Ma kora qua Dominas ei revelavit ut deberei vivere secunduni formant sancti Evangelii, ad lilteram voluit illud et studuit observare loto tetnpore vitæsuae. Déjà S. Bernard avait fortement orienté la piété catholique en ce sens ; Christus, 1185. Non seulement il donne à l’Humanité Sainte du Sauveur une place importante dans sa mj’stique, mais il comprend encore que « chacune des circonstances de la vie du Christ cache un enseignement et nous mérite une grâce ». P. Pourrat, La spiritualité chrétienne. Le Moyen-Age, Paris, 1921, 60. Aussi inculque-t-il l’imitation parfaite du Christ, comme le code de la perfection. Serm. in feria IV Ilebdom. Sanctae, n. 12, P. L., CLXXX1II, 269. Peu d'écrivains proposent autant que lui la voie de la pauvreté évangélique et l’identifient avec la vie parfaite. Serm. in festo om. Sanct., 1, n. 8, P. L., CLXXXUI, 456 ; Epist., xxiii, n. 1, P. L-, CLXXXII, 127 ; Serin, de Adventu, n. 4, P. L., CLXXXUI, 50. Chez lui, se trouve l’idée franciscaine qui voit dans l’Incarnation l’union mystique du Verbe avec la pauvreté. Serm. Il in vig. Nativ. domini, n. 5, P. L., CXXXIII, 89. Le Saint d’Assise est certainement dans le sens profond de cette mystique. Mais il n’est pas moins sûr que chez lui l’observance des conseils évangéliques et particulièrement de la pauvreté s’allie à une prudence et une sagesse surnaturelle qui maintiennent la primauté de l’esprit sur la lettre. En effet, S. François veut intérioriser la vie religieuse : « Gardons-nous écrit-il dans la Règle de 1221, Opuscules, 64, de la sagesse de ce monde et de la prudence de la chair : l’esprit de la chair cherche plutôt des paroles et se soucie peu des actes, il ne s’occupe pas d’une religion et d’une sainteté intérieure de l’esprit ; il désire et il veut une religion et une sainteté d’apparence extérieure. » Pour ce motif, le P. Ubald d’Alençon, L'âme franciscaine 3, Paris 1926, 60, dit à bon droit : « S’il y a un saint qui se soit imprégné de l’esprit évangélique, c’est S. François. » Précisément, une de ses admonitions a pour titre : « Que la bonne action soit faite avec intelligence. » Sut ce thème, Opuscules, 110, le Poverello écrit : « L’apôtre dit : La lettre tae, mais l’esprit vivifie. Ceux là sont tués par la lettre qui ne veulent connaître que le texte, pour paraître plus sages au milieu des autres, acquérir de grandes richesses et les donner à leurs proches et à leurs amis. Ces religieux aussi sont

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