Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/662

Cette page n’a pas encore été corrigée

1311

SÉRAPHIQUE (ESPRIT)

131'2

gile », Opuscules, 101. Thomas de Celano — elS.Bonaventure après lui — expose avec une telle précision l’idéal il u l’overello que l’histoire n’a rien à ajoutera ses déclarations. « Son intention la plus arrêtée, écrit-il, son désir le plus ardent, son but suprême était d’observer en tout et toujours le S. Evangile et de suivre parfaitement, en y mettant teinte sa vigilance, tout son zèle, toute l’application de son esprit et toute la ferveur de son cœur, la doctrine et les vestiges de Jésus-Christ. » 1 Gkl., n. 84. D’une façon non moins explicite, les Opuscules de S. François, surtout les Règles qu’il rédigea successivement, révèlent l’esprit qui l’anime. La Règle de 1221, en effet, débute en ces termes : « Ceci est la vie selon l’Evangile de Jésus-Christ, que Frère François pria le Seigneur pape Innocent de lui concéder. » Opuscules, 39. Elle est entièrement ornée de textes scripturaires qui viennent appuyer les préceptes et les exhortations ; plusieurs chapitres ne sont même, en grande partie, que des extraits de l’Evangile. La Règle de 1223, moins spontanée et de style plus juridique, n’est pas jaillie d’une inspiration diffère ite. D’après elle, « la vie et la règle des FrèresMineurs est celle-ci : observer le S. Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. » Si elle s’achève par une exhortation à la soumission envers L’Eglise, c’est afin que nous observions «. la pauvreté, l’humilité et le S. Evangile de Notre Seigneur JésusChrist. » Opuscules, 81, g3. Ainsi, rien n’est plus légitime que de considérer l’esprit séraphique comme la fleur de l Evangile. H. Tilkmann, Studien zut Individualitàt des Franziskus von Assisi, Berlin, 191/1, 167-170.

Puisque l’idéal de S. François est l’Evangile, il est clair que l’esprit séraphique implique une adhérence totale et amoureuse au Christ : la vie évangélique est la vie en Jésus. Le « Verbe abrégé » est en elfet l’Evangile vivant ; et comme le Saint d’Assise n’aime guère les formules abstraites, mais se complaît dans les intuitions concrètes et les représentations plastiques, il voit sa forme de vie dans les gestes eux-mêmes du Sauveur et interprète l’Evangile écrit à leur lumière. « François, écrit M. Lu Monnier, Hist, de S. François d’Assise, Paris, 1889, I, 222, avait beaucoup lu l’Evangile. Il l’avait lu avec les yeux illuminés du cœur. Sa délicate imagination découvrait, dans les actions du Sauveur, une foule de particularités aimables qui échappent à ceux dont la tendresse est moins éveillée. Toute la vie de Jésus s'était ainsi peu à peu dessinée et animée sous son regard. » Dans cette vision intérieure, il comprit qu’en présence du divin Maître, l’adoration respectueuse et l’admiration ne sullisent point sans l’action qui transforme ; aussi, parmi les mystiques du Moyenâge, fut-il le premier à composer une exhortation sous ce titre : De l’imitation du Seigneur ». Opuscules, 110. Suivre les vestiges du Christ, voilà pour lui et pour ses frères l’unique devoir, ainsi que la Règle de 1221 le déclare dans l’admirable cha utre 22. Opuscules, 68. En tout il se conforme au Verbe Incarné et, suivant le conseil de S. Paul, le porte et le glorifle parfaitement dans sa personnalité. Thomas de Celano l’atteste I Cbl., n. 1 15, dans une page qui est l’un des plus beaux joyaux de la littérature franciscaine. « Ceux des frères qui ont vécu dans sa compagnie, écrit-il, savent que chaque jour, à chaque instant, il méditait Jésu-. ils se rappellent avec quelle douceur et suavité il s’en entretenait, de quelle bénignité ei amour ses discours étaient remplis. Sa bouche parlait de l’abondance de son cœur et la source du radieux amour qui remplissait son âme. s’en échappait en bouillonnant. Vivant avec Jésus, il portait Jésus dans >on cœur, Jésus flans sa

bouche, Jésus dans ses oreilles, Jésus dans ses yeux, Jésus dans ses mains, Jésus dans tous ses membres… Dans ses courses, méditant et chantant Jésus, il ne pensait plus à son voyage et invitait tous les éléments à louer Jésus avec lui. » Avant tout, ajoute Thomas de Celano, « il portait et conservait dans son cœur Jésus Crucilié ». A l’encontre de S. Paul, qui se tourne de préférence vers le Christ céleste, cf.

« Chris lus », Paris, 1923, 101 1, l'émotion mystique, 

chez François d’Assise, s’attache plutôt à la vie terrestre de Jésus, particulièrement à la crèche et à la Passion, et à l’Eucharistie, qu’il aima à l'égal de la pauvreté et dont il est l’un des plus grands témoins. C’est cette adhérence totale au Christ souffrant qui se traduit par une imitation littérale et parfaite de ses moindres-estes, c’est cette vie en Jésus, élevée au degré sublime décrit par S. Paul en ces termes :

« Je vis, non pas moi, mais le Christ vit en moi », 

qui est l'élément premier de l’esprit séraphique et en explique tous les aspects Le grand interprète mystique du Poverello, S. Bonaventure, l’a justement observé dans sa Légende, qu’on pourrait appeler l'épopée de l’imitation du Christ par S. François. P. Symphoribn, O. M.C., /.'influence spirituelle de S. Bonaventure et V Imitation de Jésus-Christ ', Paris, 1923, 58-64.

Puisque le Saint d’Assise se proposait ainsi comme idéal la vie selon Jésus Crucilié et l’observance du Saint-Evangile, il devait logiquement « s'étudier à suivre d’abord la pauvreté et l’humilité de Notre Seigneur », ainsi qu’il le recommande luimême dans la Règle de 1221. Opuscules, 53. Vu aussi l’accroissement extraordinaire du capitalisme à la suite des croisades et l’enrichissement progressif de l’Eglise, toute réforme salutaire, à la lin du xne siècle et au début du XIIIe siècle, devait tendre à la pratique de la pauvreté évangélique. T. Soihon, O. M., Franziskus der Mann dettes, dans Franzishanisciie Studien, Munster i. W., 1926, XIII, a^-aôa. F ançbis d’Assise le comprit dans la lumière du Christ. L’idée d’expropriation totale ne lui vint pas en efTet du mouvement populaire d’Assise, car l’organisation communale y était entièrement mercantile, et dans les classes inférieures, les minori, la cupidité de l’or n'était pas moindre que dans la bourgeoisie bancaire. M. Fortini, Novavita di S. Franceseo d' Assis i, Milan 1926, 76-8, 189-19^, a fortement nus ce point en lumière, et ses conclusions confirment en définitive les témoignages de S. Bonaventure elde Thomas de Celano. D’après le Docteur Séraphique, Legenda s. Francisa, C. 1, n 6, « le Christ souffrant apparut au Poverello au début de sa conversion, n Dès lors, ajoute S. Bonaventure, le Saint se revêtit de l’esprit de pauvreté, de l’intelligence de l’humilité et du sentiment Intérieur de la piété. Il s’appliqua aussi avec une attention plus vigilante à la mortification de sa chair, car la croix du Christ, qu’il portait à l’intérieur dans son cœur, il voulait la faire resplendir à l’extérieur dans son corps. » Après cette première apparition, suivant Thomas de Celano, I GbL., n. 22. François entendit lire, le a/| février 1209, à la messe du jour, le texte le S. Mathieu, x, 9-11, qui narre comment Notre Seigneur envoya prêcher ses disciples sans or ni monnaie. Lorsque le prêtre lui eut donné l’explication de ce qu’il venait d’entendre, François d’Assise y reconnut immédiatement la finire de sa vie et mit en pratique ; littéralement tout le cO’tenu des conseils qu’il venait d’ente dre. Ouelque temps après, le 16 avril, voulant confirmer la voca ion de ses premiers disciples, il se rendit avec eux à l'église de S -Nico as. Trois fois, il se lit ouvrir le S. Evangile au hasard, et chaque fois le Chrisl leur donna les mêmes indications sur la pau-