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SÉMITIQUES (LES RELIGIONS)

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est encore adoré sous son nom commun : Scliamascli, devenu nom propre comme en Babylonie. Baal ligure dansles inscriptions minéennes et sabéennes avec toutes les nuances de l’usage cananéen : il est donc proto-sémitique ; mais chez ces Arabes du Sud, jamais il n’est devenu un synonyme pur et simple de la divinité.

En pays cananéen et araméen, Baal vaut comme nom commun, et la Bible parle très justement des Baalim ; ce sont des êtres complètement distincts, ayant chacun sa nature propre et son nom particulier, mais qui est rarement connu ; si nous savons que le baal d’Arvad est Dagon, celui de Kharran le iiou Lune ; le nom du baal de Tyr, qui est Melqart, ne signifie pas autre chose que « roi de la cité ».

Cependant les noms propres phéniciens nous indiquent que ce nom est unnompropre ; les Egyptiens parlent simplement du Baal qu’ils nomment Soutkou et qu’ils assimilent à leur dieu Set, le Typhon des Grecs, et pour la Bible, Baal est bien une personnalité particulière. Or, aux lettres d’El-Amarna, cet’dément n’est jamais écrit dans les noms de personnes, il est toujours remplacé par celui de Hadad et chacun sait que la divinité suprême des Syriens Damascèues est Hadad, qui reçoit d’écrivains tardifs le titre de roi des dieux. Il tient en mains la hache et la foudre, il porte la couronne royale ornée de cornes, ou bien il est représenté comme un jeune vi>au surmonté du symbole de l’éclair. Hadad, qui parait dans des documents bien antérieurs à l’invasion araméenne et à l’influence qu’elle exerça, est un dieu cananéen. Les Assyriens le désignent par l’idiogramme IM qui est celui du dieu Rammàn, le Tonitruant, et son nom pourrait être de la même racine que l’arabe had da=zmugir. C’est donc un dieu du ciel, représenté et adoré sous la forme d’un taureau, seigneur de l’orage et seigneur du ciel, Baal Chamem, Baal descieux, ou Baal par excellence. Si d’après certaines inscriptions il est le Baal propre d’une cité particulière, aux derniers temps il semble absorber tous les autres. Ce grand Baal, qui est pour les philosophes aussi le dieu-soleil, serait le pendant du Bel babylonien.

Aux derniers jours, ce Baal « Seigneur du ciel » de Palmyre ressemble bien à l’Allah des Arabes, avant Mahomet. Ne serait-ce pas que les antiques baals, maitres des cités, des endroits particuliers, des montagnes, n’étaient pas seulement des génies du sol, de simples forces de la nature, mais qu’ils marquaient déjàles influences d’en haut, que c’était en leur qualité de maîtres de l’air ou du ciel qu’ils protégeaient ces lieux ?

3 « MLK. — Les Massorètesont ponctué ce nom sur le thème « bochetli, objet infâme » et les Septante l’ont transformé en Moloch. La prononciation du nom commun « roi » est méleck ; les Phéniciens prononçaient Milk. Melek apparaît souvent comme un nom appellatif et il n’y a pasd’a-guments valables pour le prendre dans un sens diirérent, quand il est appliqué à lahvé ; c’est ce que permettent de constater les noms théophores portés par des Hébreux anciens (Buchanan Ghay, Studies in hebrew prnprr names). Au xvin » siècle il figure bien dans ces noms comme une divinité particulière ; mais c’est une divinité étrangère, à qui est inséparablement liée l’idée de sacrifices humains ignés.

C’est un dieu adoré parles Cananéens (plusieurs personnages des lettres d’El-Amarna lui sont dévots, Milkuru, Abmilki), par les Ammonites (la Bible nomme leur dieu Milkom, avec la nounation Bnale), par les Paltnyréniens, par les Phéniciens. Il règne à Byblos, à Tyr où il est Melqart, que les Crées assimilent à Héraclès, tandis que les inscriptionscyprio tes et puniques l’assimilent à Baal-Khammôn. Melek est identifié par les auteurs classiques au dieu des Grecs Kronos (xptfruv, dominer, régner), qui sacrilie son fils. Les sacrifices humains, que les Phéniciens et lesCarthaginoisofïrirent à ce dieu jusque sous notre ère, nous donnent à penser qu’ilest le roi du monde infernal, dont la mort remplit le domaine. Toutefois, on a pu aussi vouloir, dans des circonstances graves, offrir au dieu de la ville des victimes de choix, les premiers-nés ou les fils des grands. Il faut encore signaler que ce nom, api>ellatif à l’origine, l’est demeuré assez tardivement et a pu marquer seulement qu’on reconnaissait à la divinité les attributs de la royauté.

/i" A r oms appellatifs. — A côté de ces trois grands noms, tantôt appellatifset tantôt personnels, certains noms donnés à la divinité sont purement appellatifs et impliquent des relations de parenté, « père, frère, oncle ou parent ». Un peuple est désigné sous le nom de fils et filles de tel dieu, ou un homme se nomme : « fils de X. (dieu) » ou « X. (dieu) est père », ou encore un de ces termes de parenté suppose pour un nom divin dans un nom théophore.

Ces termes de parents sont-ils de simples titres honorifiques, ou impliquent-ils une parenté considérée comme réelle, et dans ce cas ab « père » signifie-t-il la lignée des ancêtres divinisés, ou faut-il recourir à une explication par le totémisme, ou enfin ces noms impliquent-ils simplement une parenté métaphorique ? Il semble à la véritéque cette explication suffit et qu’elle est même le mieux en harmonie avec le génie sémitique. Si, à la vérité, nous lisons des expressions comme fils et filles de Camos, pour indiquer tout un peuple, c’est une relation du dieu à l’individuqu’exprimentles nombreux noms théophores. Dieu, qui est maître et roi, est aussi père ou oncle, c’est-à-dire protecteur.

5" Astarté. — Très ancienne et la plus grande parmi les déesses sémitiques, Astarté, que les Massorètes ponctuent achtoveth et dont les Grecs ont fait Aphrodite, nous apparaît comme la déesse de la fécondité. Les bosquets sacrés lui appartiennent, son culte s’accompagne de prostitutions ; un grand nombre de figurineset de terres cuites la représentent nue et se tenant les seins. Elle est nommée tantôt Astarté de tel lieu, tantôt Astarté Chem Baal ou Pen Baal « du nom ou de la face de Baal », et est alors considérée comme déesse parèdre. Son nom a fini par devenir un nom commun et la Bible parle des Achtoreth comme des Baalim. Quoi qu’il en soit des temps de syncréti.-me et quelle que soit l’opinion la plus répandue, Astarté n’est pas une déesse lunaire, — la lune étant un dieu pour les Sémites,

— mais la planète Vénus.

Cette déesse, qui reçoit le surnom de « la grande » ou de « la dame » ou de « la reine des cieux », les Araméens l’ont connue sous le nom d’Atar, que Strabon identifie avec Atargatis ou Dercélo, déessepoisson d’Ascalon : une Aphrodite-Uranie, nous dit Hérodote. — C’est elle la « déesse syrienne », rendue célèbre par le traité de Lucien qui porte ce nom.

Pour les Arabes, celle divinité, la première de toutes, est un dieu qui porte le nom d’Athtar. C’est l’astre du matin, non plus 1 enfant de Sin, comme l’Ichtar babylonienne, mais son père, adoré encore au temps de Julien l’Apostat dans le monde grécoromain sous le dédoublement d’Azizos et de Munimos. Il semble que cette forme masculine du nom soit primitive, et c’est ce qui expliquerait le caractère guerrier tout autant que voluptueux qu’Icutar possède en Babylonie, et qu’elle a conservé de son origine arabe.