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SCOLAIKE (QUESTION)

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3. Xous irons même plus loin ; car il y a, en pareille matière, un point de vue auquel il semble qu’on ne se place pas assez souvent. Une des obligations essentielles de l’Etat, c’est aussi d’administrer avec sagesse les finances nationales ; pas plus qu'à un particulier, il ne lui est permis de faire des dettes — d’où nous concluons aussitôt que, si l’initiative privé* a résolu pour sa partie problème scolaire, c’est, de la part de l’Elat, folie autant qu’injustice de prétendre le résoudre de nouveau. L'économie politique et la loi naturelle se donnent ici la main pour le lui interdire, pour lui défendre, si l’on aime mieux, d’enfoncer tout d’abord une porte.ouverte, puis, ce qui est bien plus grave, de violer des droits auxquels il n’a pas, lui, le droit de toucher, qu’il a au contraire le devoir de respecter, et de faire respecter. Sur ce point encore, on nous dispensera de nous appesantir. Nous demanderons seulement, tant que nous y sommes, à placer ici une simple réflexion.

Le moyen le plus efficace de concilier ces deux sortes d’exigences, celles du droit naturel, c’est-à-dire du droit familial, et en même temps celles du trésor public, ne serait-ce pas que l’Etat se dessaisit, au moins en ce qui concerne l’enseignement primaire ( « officiel », bien entendu), de toutes autres attributions ou prérogatives que celles, d’ordre très général, dont nous avons parlé tout à l’heure et qui se rapportent plutôt à sa fonction de police, pour s’en remettre au zèle des administrations communales — sauf à le stimuler discrètement, et de loin ? Les administrations communales, en tout cas, sont bien mieux placées pour se rendre un compte exact des besoins de la population, dont elles émanent directement, et d’autre part, et par là même, pour satisfaire aux vœux des familles et ménager entre cellesci et l'école le contact immédiat et permanent qui garantirait plus sûrement leurs droits. Tels ou tels politiciens d’Italie réclamaient à grand cri, il y a une quinzaine d’années, ce qu’ils appelaient Vavocazione, traduisez qu’ils voulaient que la réglementation et la gestion des écoles publiques fussent transférées des communes, qui en disposaient encore, à l’Etat. Eh bien I instruits, nous, par une trop longue expérience, nous demanderions plutôt, à l’inverse, qu’elles fussent transférées de l’Etat aux communes. Encore un coup, est-ce que, à tout point de vue, ce ne serait pas tout profit ?

Il ne s’agissait, dans cet exemple, que de l’enseignement primaire. Maison pourrait en dire autant de l’enseignement secondaire, après tout, et même supérieur, à la condition de faire intervenir, de concert avec les administrations communales, les administrations provinciales, enfin restaurées et réintégrées en leurs prérogatives naturelles et légitimes. Il y a là, semble-t-il, un magnifique plan de décentralisation, qui vaudrait d'être étudié de plus près, et dont la réalisation ferait singulièrement les affaires de la vraie et saine liberté Car si cette observation ne concerne que les écoles organisées par les pouvoirs publics, il faut convenir qu’un enseignement ainsi décentralisé serait déjà beaucoup moins loin de redevenir un enseignement libre.

I. L’Etat a secondement pour mission, disionsnous aussi, de suppléer, à l’insuffisance des initiatives privées. Lors donc que des parents négligent obstinément, en dépit de tous les rappels à l’ordre,

la pleine liberté de remplir cette obligation légale comme elles le jugeraient à propos, dans 1 » sens expliqué ci-des us ; § 11, n° 1. — Sur ce point particulier, cf. A. Michel, La yuctlion scolaire et les principes théotogiqurs (Lille, 'li-clée, 1921), p. 49 » q., et, clans ce Dictionnaire, V Instruction de la jeunette (t. II, col. 928).

leurs devoirs en matière d’enseignement et d'éducation ; ou lorsqu’ils sont notoirement incapables de les remplir (lorsque ce sont des parents indignes) ; ou lorsqu’il s’agit d’orphelins, et que toute autre intervention privée se trouve momentanément faire défaut, bref, lorsqu’on a affaire à des enfants tout de bon abandonnés, effectivement ou moralement, qui deviendraient, s’il n’y est pourvu, une charge et tout ensemble un danger pour la société, l’Elat a, là encore, c’est trop clair toujours, son mot à dire

— on voit que notre doctrine se suit avec la plus rigoureuse cohérence —. Il saute au yeux, en effet, qu’en intervenant alors lui-même, au nom de l’intérêt social (ou du bien commun), l’Etat ne commettrait aucune usurpation, puisque, par hypothèse, il n’y aurait alors personne sur qui il usurpât ; et l’on ne pourrait plus l’accuser de se substituer indûment à une initiative particulière qui, par hypothèse, serait absente.

Encore faudrait-il pourtant, redisons-le, c’est nécessaire, encore faudrait-il qu’absente, elle le fût au pied de la lettre, et que la preuve en fût faite pour chaque « espèce » déterminée. N’ayons garde non plus d’oublier que ce sont là des cas exceptionnels, qu’une théorie générale peut bien prévoir, qu’elle doit même prévoir pour les faire rentrer malgré tout dans la règle commune — et, si nous ne nous faisons illusion, noire théorie n’y manque pas,

— mais sur lesquels il serait déraisonnable de construire, de s’attacher à construire, une théorie générale.

Plus que jamais nous avons le droit de conclure qu'à mesure qu’on examine le problème et qu’on le retourne sous ses diverses faces, on se pénètre de plus en plus de cette conviction : la liberté d’enseignement n’est pas du tout, comme nous le disions en commençant, une concession que l’Etat nous fait, elle n’est ni plus ni moins qu’une de ci s libertés naturelles qui préexistent à l’organisation politique, dont l’Etat peut bien sans doute contrôler l’exercice diins les limites des exigences de l’ordre social, mais dont, en principe, lorsque cette organisation politique est ce qu’elle doit être, l’Etat a pour rôle primordial de garantir la jouissance à ceux qui la possèdent et qui, pour en user, n’ont que faire, tranchons le mot, de sa permission.

V. — Point de vue surnaturel. Le droit des parents chrétiens.

i. Jusqu'à présent nous n’avons considéré les droits respectifs de l’Etat et de la famille sur le terrain de l'éducation et de l’enseignement qu’en fonction du droit naturel. Nous avons pu nous rendre compte, en résumé, que le droit d’enseigner est, pour ainsi parler, né avec la famille elle-même, qui peut bien le déléguer, mais qui ne peut jamais s’en dessaisir, au profit de quelque puissance humaine que ce soit ; qu’il est tout uniment un attribut inaliénable et une dérivation nécessaire de l’autorité familiale, c’est-à-dire de l’autorité du père et de la mère. Mais ce n’est pas tout. Au-dessus de la paternité et de la maternité temporelle, toute orientée, de soi, vers les besoins de la vie présente, il en est une autre, incomparablement plus haute, parce qu’elle a pour champ d’action les intérêts de la vie future —, nous entendons la paternité, la maternité spirituelle et surnaturelle dont l’Eglise est investie de par Dieu sur toutes les âmes rachetées dans le sang deN.-S. J.-C.

Faut-il ajouter qu’ici plus que jamais le pouvoir civil rencontre une limite infranchissable à ses pré tentions et à ses empiétements ? Car enfin, ce pouvoir d’enseignement qui fait défaut à l’Etat comme