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autrement ilit, c’est seulement la féliché, la part île félicité qu’ils demeurent incapables d’acquérir soit par leurs propres forces,. « oit à i’aide de ces formes inférieures d’association, naturelles ou volontaires, qui précèdent, en droit comme en fait, l’Etat lui-même ; — c’est seulement donc la part de félicité temporelle que seule la société politique peut conséqueiuinent leur assurer ; car, il faut le redire, la société politique ne doit sa naissance et sa raison d’clre qu’à cette insuflisance même des individus et des sociétés intermédiaires.

Et c’est aussi tout ce qu’entendait Suarez, dans le texte précité, en se seivant des formules que le lecteur n’a pas été sans remarquer au passage. La fonction de la puissance civile en tant que législative, disait le célèbre théologien, n’est pas de pourvoirai ! bonheur naturel et temporel des individus comme individus, singulorum hominum, ni parliculares per sonæ sunt’ : ce qui appartient à l’Etat, c’est seulement de pourvoir à la félicité naturelle, pareillement, et temporelle de la Communauté humaine parfaite, dont il a la charge, et parlant des individus dont elle se compose, oui, à coup sûr, mais uniquement, cette fois, en qualité de membres d’une telle communauté, ut su/.t mem.br a talis communitatis. Cf. supra, n. 4.

5. Cette distinction est tout à fait capitale en l’espèce, et l’on en voit tout de suite la conséquence, extrêmement importante, elle aussi, à notre présent point de vue. Cette conséquence, c’est que, si l’Etat est fondé à réclamer et, au besoin, à imposer par la force le respect de toutes les mesures qu’il prend dans l’intérêt de l’ordre public, matériel ou moral, s’il peut exiger le concours de tous les associés en tout ce qui se rapporte au bien général, irréalisable parles seules ressources de l’initiative privée, individuelle ou collective, il n’a pus, il n’a plus le droit de se substituer A cette initiative privée, lorsque celle-ci se su/fit à elle-même, sur quelque champ au surplus qu’eiie déploie.

Mais non seulement ce serait, de la part de l’Etat, une usurpation criante, ce sérail aussi me contradiction flagrante : oui, il serait contradictoire à la propre nol ion de l’Etat, qu’institué par nature, exclusivement institué pour porter reine le à l’impuissance éveiii Uellè des individus et des sociétés inférieures, il prétendit les absorber dès le principe et, si j’ose dire, les tuer dans l’œuf. Car alors, lui do t. l’action se borne en pareil cas à compléter l’action des sociétés inférieures et des individus, il se trouverait n avoir plus rien du tout à compléter et se nier ainsi lui-même en tant que tel.

Et voilà, pour le dire en passant, la raison profonde, et en même temps très simple et irès claire, de cette loi de la science politique si souvent énoncée, qu’une centralisation excessive (e’est-à- iiie piécisément la tendance à absorber toute initiative prive dans l’Etat) est un des agents les plus efficaces de la dissolution sociale.

II. — Application de ces principes a la liberté d’enseignement.

i. Il est temps d’appliquer ces principes à la question de L’enseignement, des droits respectifs des particuliers et de l’Etat en matière d’enseignement. Ici encore, l’application se l’ail toute seule ; on peut même dire que c’est surtout en pareil cas qu’elle saute aux yeux : car, lorsqu’il s’agit de l’éducation

1. Et on en doit dire autant, nous l’avonH observé plusieurs foi » déjà, des groupement » l’indi » iHua inférieurs nu antérieur » à l’Elut même, ù commencer pur h » ilies.

des enfants, l’initiative privée se trouve être plus splendidement que jamais en possession, comme parlent les juristes, avant toute intervention possible des pouoirs publics.

C’est ici surtout que nous prions le lecteur d’être attentif, car c’est ici surtout que nous allons retrouver la famille, à laquelle on avait hâte d’en venir. Et l’on peut dire aussi qu’au point de vue auquel nous allons ainsi l’envisager, la question se pose dans des termes d’une merveilleuse simplicité, à telles enseignes qu’on se demanderait même comment l’hésitation a pu parfois se produire sur ce point, si l’on ne savait quelle prestigieuse puissance le sophisme habilement dissimulé et systématiquement entretenu finit par acquérir à la longue sur les meilleurs esprits.

Il s’agit, en somme, de savoir, et il ne s’agit que de savoir à qui incombe, de par la nature des choses, la mission d’assurer à l’enfant la formation intellectuelle et morale dont il a besoin. Poser la question, c’est la résoudre : le tuteur, l’éducateur, l’instituteur naturel de l’enfant, c’est le père et la mère de famille, et eux seuls. C’est à ceux qui lui ont donné la vie, et à eux seuls, qu’il appartient de lui procurer tout ce qui pour l’homme, créature intelligente et libre, capable de connaître le.vrai et de s’attacher au bien, fait la dignité, l’honneur et le prix de la vie. Il n’y a pas de subtilité de raisonnement, il n’y a pas de raffinement de dialectique, qui puisse tenir en face de celle vérité élémentaire et de cette évidence irrésistible.

Que les parents ne soient pas toujours, qu ils ne soient même pas souvent i n mesure de pourvoir par eux-mêmes à pareille lâche — au moins sur ton’e la lij ; ne, — nous en tombons d’accord : mais aussi bien ont-ils alors la ressource de s’adresser à d’autres, à des maîtres de leur choix, et de ce choix nous ajjirmons r/u’ils restent, naturellement parlant, les seuls juges, comme ils eu a&sument seuls, devant Dieu, louie la responsabilité.

Eo d’autres termes, le droit d’enseignement et d’éducation n’est autre chose, dans l’ordre naturel, te) que Dieu l’a établi, que le prolongement nécessaire et le corollaire indéclinable de cette sublime fonction qui s’appebe la paternité. Que dis je ? Mais c’est (dus qu’un droit, à ce conque, c’est avant toute chose un devoir, devoir essentiel, s’il en est, devoir impérieux par excellence — ou plutôt, ce n’est un droit que parce que c’est premièrement un devoir : or, si l’on peut, à l’occasion, aliéner un droit ou renoncer à un droit ou n’aller jusqu’au -bout de son droit, se soustraire à un devoir, rester en deçà de son devoir n’est jamais permis. Le droit demeura toujours chose infiniment respectable, à coup sûr ; mais quand il est l’autre face d’un devoir, il devient de ce chef doublement intangible et sacré.

a. La voilà, la vraie raison de l’inhabileté foncière de l’Etat comme tel à revendiquer l’enseigi emenj ou l’éducation comme une de ses attributions normales et l’une de ses prérogatives essentielles ! Le 1, pour nous en tenir toujours au seul ordre naturel, le vrai et inébranlable fondement des droits, et des droits exclusifs de la famille sur ce terrain ! L’initiative privée, disions nous tout à l’heure, est ici représentée avant toute chose par la famille, jnstemenl. Or la famdle est le fondement même de l’Etat, la véritable « cellule sociale », connue on a dit ; elle existe, avec tous ses droits el prérogatives, avant l’Etat ; elle est plus nécessaire que l’Etat, car enfin elle est une nécessité d’existence pour le fjenre humain, qui périrait sans elle, au lieu que la société poliliime ou l’Etal ne représente, après tout, qu’une i uéci ssite de développement pour le même genre hu-