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SCOLAIRE (QUESTION)

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nés ; et ils les entretiennent et les fortifient de manière à repousser opiniâtrement tout ce qui pouvait servir à leur correction. Et comme personne ne les a élevés dans une véritable affection, ils ne peuvent plus regarder personne que le sourcil baissé et avec des yeux de travers. » — « Oui, c’est vrai, gémit l’abbé ; nous nous sommes trompés ; la lumière et la discrétion ne nous ont pas éclairés. » Et se prosternant aux pieds de saint Anselme, il confessa qu’il avait péché (Eadmbr, Vita Anselmi P. L., CLV11I, col. 4<j)- Quatre siècles s’écoulent, et pour arrêter le bras de certains magisters, trop cruellement levé sur de pauvres enfants, voici retentir une autre voix d’homme d’Église, la voix de Gerson. Il insiste dans sa Doctrine pour les enfants de l’Église de Paris, il s’interrompt, au cours d’un panégyrique de saint Louis, pour dissuader les maîtres d’user trop inconsidérément des châtiments corporels ; il veut que les enfants aient l’impression d’être aimés, plutôt que d’être bafoués, et qu’ils soient conduits au bien par la mansuétude, plutôt que par la sévérité, car à force de sévérité, on pourrait, dit-il, les rendre pusillanimes (Lafontainb, De Joanne Gersonio puer or um adulescentiumque instilutore, p. 28-39. ^a Chapelle-Montligeon, iyo-j).

La culture physique, que, si j’en crois certains historiens de la pédagogie, la pensée chrétienne aurait systématiquement proscrite, je la trouve prévue, recommandée, dès l’aurore de celle pensée, par le premier en date de tous les pédagogues chrétiens, Clément d’Alexandrie. « Veillez, disait-il, à cette beauté corporelle que donnent une juste proportion des membres et la fraîcheur du coloris. Cette beauté naturelle, c’est la santé qui la fournit, la beauté esl la floraison d’une santé généreuse ; la santé est un agent intérieur, mais la beauté en est le rayonnement coloré. C’est pourquoi les actions de la vie les plus salubres, et les plus belles, en exerçant les énergies physiques, produisent une beauté naturelle et durable. » Au second siècle, en pleine civilisation hellénique, voilà donc la culture gymnastique adoptée et, si j’ose dire, baplisée par la pensée chrétienne, par une pensée qui, tout en souriant à la beauté du corps, maintient d’ailleurs les droits souverains d’un autre idéal, et qui se hâte d’ajouler : « La meilleure beauté est celle de l’âme, celle que donne l’Esprit Saint lorsqu’il communique à une âme ses beaux rayons : la justice, la prudence, la force, la tempérance, l’amour du bien, et surtout la pudeur, plus brillante que les plus pures couleurs. » (Pierre Lhandk, Jeunesse : l’âge tendre, l’âge critique, l’âge viril ; petit code d’éducation au foyer d’après Clément d’Alexandrie, p. 2931. Paris, Beauchesne, 1912.)

Les jeux des chevaliers ne permettent guère de conclure que le moyen âge se désintéressât de la culture physique aussi pleinement qu’on l’a prétendu, et voici paraître à l’aube de l’âme moderne, en 1551, un traiié sur l’éducation des enfants, où il y a tout un article sur le soin des corps ; ce traité, il es^ l’œuvre d’un pape, Pie II ; puis en 1584. au surlendemain du Concile de Trente, voici que, dans un traité similaire, le cardinal Silvio Antoniano, ami de saint Charles Borromée, discute avec une paternelle gravité sur les mérites respectifs du jeu de balle et du jeu de boule, sur la surveillance dont ces jeux doivent être l’objet, et exprime le vœu que les enfants soient conduits hors de l’enceinte des villes pour s’abandonner sans contrainte, dans la solitude des prairies, à toute la fougue de leurs jeux (Silvio Antoniano, Traité de l’éducation chrétienne des enfants, trad. Guignard, p. 463-46’|.

Troyes, Guignard, 1856). A l’époque même où Antoniano écrivait ces lignes, vivait un théologien jésuite nommé Lessius, qui s’illustrait par ses spéculations profondes sur les problèmes de la grâce ; ce théologien, bientôt, allait écrire tout un petit livre, V Hygiasticon, pour la santé physique de ses frères humains, et proclamer, dans ce livre, que les exercices physiques sont utiles, et nécessaires pour beaucoup.

L’instruction des femmes, j’ose dire que l’Eglise l’a tenue sur les fonts baptismaux. Le traité de Vives sur l’éducation féminine est antérieur d’un an aux écrits pédagogiques de Luther (Voir Francisque Thibaut, Quid de puellis instituendis senserit Vives. Paris, Leroux, 1888.) ; Fénelon, Mme de Maintenon, ont trouvé justice — et cette justice était un hommage — auprès de nos pédagogues les plus laïcs, et la France des trois derniers siècles s’est véritablement illustrée par le nombre des congrégations féminines vouées à l’enseignement.

L’institution des écoles normales primaires, — ces écoles qui, passant outre à tous les efforts de l’esprit nouveau, demeurent, en leur ensemble, le conservatoire d’un laïcisme hostile, — à qui remontet-elle ? quels en furent les premiers auteurs ? Un saint, Jean-Baptiste de la Salle ; un prochain bienheureux, le P. Chauiinade, fondateur des Marianistes. Ce séminaire de Reims, où dès 1864 le chanoine de la Salle groupait vi.igt-cinq laïcs et les exerçait, dans une école gratuite, à l’instruction des petits enfants, il fut à proprement parler, près d’un sièele et demi avant qu’un règlement signé Guizot n’eût institué nos écoles normales d’Etat, la première de nos écoles normales primaires, complétée par une école d’application. (Voir, d’autre part, sur l’œuvre du P. Chiminade, notre livre : Portraits catholiques Précurseurs. Paris, Perrin).

L’enseignement moderne, on sait combien sont impérieuses les voix qui le réclament aujourd’hui, les voix qui demandent une éducation pratique. J’avoue que parfois leur insistance m’inquiète un peu, qu’elles me paraissent trop portées à méconnaître ce je ne sais quoi de désintéressé qui donne du prix au travail et ajoute un charme à la culture, qu’elles font peut-être trop bon marché de ce vieil idéal humaniste qui attendait d’un certain genre d’instruction une efficace discipline de l’âme. Mais quelles que soient mes timidités en présence d’une certaine pétulance d’utilitarisme, il faut convenir cependant que les urgents besoins sociaux auxquels nous avons à faire face requièrent une instruction qui, de bonne heure, grave dans l’esprit de l’enfautles notions utiles, pratiquement utiles, pour le rôle qui dans la vie l’attend. Or le premier pédagogue qui en France eut l’audace d’émettre de pareilles idées, ce fut, en 1686, le sous-précepteur des enfants royaux, l’abbé Claude Fleury.dans son Traité du choix et de la méthode des études. Ce prêtre, qui par son œuvre historique fait ligure de gallican suranné, le voilà qui prend, dans ce Traité, rerais récemment en lumière par une thèse de M. l’abbé l)artigues, la physionomie d’un novateur pédagogue. Ce sous-précepteur à la cour du Grand Roi se préoccupait activement de l’instruction pratique et technique de la masse des Français. Qui donc a osé prétendre que la pédagogie catholique serait mal propre ; ’i développer chez le j écoliers l’esprit civique ? Cetabbé Fleury, dans son programme d’enseignement moderne, demande, c’est en 1686, que l’éducation politique qu’on donne aux enfants leur inculque

« l’horreur d’un système qui n’a pour but que de rendre

puissant le prince ou le corps qui gouverne, aux dépens de tout le reste du peuple, et qui met toute la vertu du souverain à maintenir et à augmenter sa