Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

113

POUVOIK INDIRECT

114

Vatican, cette consigne s’imposait à la conscience des catholiques italiens en vertu du pouvoir i< indirect » de l’Eglise sur le temporel. Celait un contrecoup de l’attentat commis en permanence contre la liberté et l’autorité légitimes du Saint-Siège.

Au vingtième siècle, des considérations de défense religieuseetsocbile parurent réclamer d’une manière plus impérieuse, contre le socialisme révolutionnaire grandissant, la participation des catholiques italiens aux élections législatives. Sous Pie X, le.Von expedit fut l’objet de dérogations purement locales, dont l’opportunité devait être appréciée par l'évêque de chaque diocèse. Sous Benoit XV, quand fut inauguré un nouveau mode de scrutin, au milieu des angoissantes préoccupations morales, sociales et nationales d’après-guerre, le Non expedit fut délinitivement abrogé par l’autorité pontificale elle-même, en raison du changement des circonstances, La participation des catholiques italiens aux élections législatives perdait le caractère d’un acquiescement à l’injuste spoliation de la Papauté, dès lors que le Saint-Siège lui même était consentant, pour de graves motifs tirés du plus grand bien, et renonçait à faire usage, en cette matière, de son pouvoir « indirect » sur le temporel.

VI. Prolongement du pouvoir « indirect » : le pouvoir de « direction ». — Il est arrivé parfois que la Papauté contemporaine recommandât aux catholiques de tel pays de suivre telle tactique politique plutôt que telle autre. Non pas que la tactique contraire fût considérée comme opposée à la justice et à la morale, au droit de Dieu ou de l’Eglise ; mais parce que cette ligne de conduite était regardée par le Souverain Pontife comme nuisible aux intérêts de la religion et des âmes. Ainsi Léon XIII invita (en 1887) les députés catholiques du Centre allemand à ne pas repousser les crédits militaires (Septennat) demandés au Reichstag par le prince de Bismarck. Le Pape espérait, en donnant quelque satisfaction au chancelier dans cette affaire politique, faciliter la disparition progressive des lois antireligieuses du Kulturkamf. De même, Léon XIII invita (en 1892) les catholiques français à ne plus prendre pour objectif la substitution, même légale, du régime monarchique au régime républicain, mais à unir leurs efforts pour faire prévaloir, dans la République, une politique de liberté religieuse. C’est cequ’on nomma la politique du ralliement, conseillée pareillement ailleurs, notamment en Espagne, où Léon XIII invita les carlistes à reconnaître Alphonse XII et Alphonse XIII. Quel degré d’autorité peuvent posséder, en pareille matière, les recommandations pontificales (en les supposant catégoriques et insistantes)? Quelle espèce de devoir peuvent-elles imposer à la conscience des fidèles ?

Ici, la réponse est moins claire et moins unanime qu'à propos des questions mixtes, où le Pape exerce son autorité en matière temporelle, son pouvoir

« indirect », ratione peccati. Dansla nouvelle hypothèse que nous envisageons, la doctrine présente une

difficulté plus spéciale et plus délicate, et la réponse n’est plus dictée par des textes absolument concluants. Néanmoins, de l'étude intrinsèque du pro blême et du sentiment commun des théologiens compétents, il est permis de conclure que semblables recommandations pontificales se rattachent au pouvoir dirpctif du Saint-Siège et peuvent engendrer dans les consciences un devoir de prudence.

Nous ne nous croyons pas en droit d’alfirmor que ce soit l’application pure et simple du pouvoir « indirect ». D’une part, les textes authentiques qui fondent théologiquement la doctrine du pouvoir « indi rect » se rapportent à des questions mixtes, où une violation delà morale et du droit (sous couleur de politique (est prohibée ratione peccati. Dans la présente hypothèse, il s’agit de simple tactique politique, honnête et licite en soi, mais considérée par le Pape comme dommageable aux intérêts du catholicisme en tel pays et en telles circonstances. Le cas devient différent. D’autre part, l’affirmation d’un pouvoir de strict commandement reconnu au SaintSiège, dans un problème de ce genre, paraît se heurter à une grave objection théologique.

En effet, l’indépendance de l’Etat et des citoyens chrétiens dans le domaine purement politique est une doctrine certaine, proclamée notamment par l’Encyclique Immortale l)ei, et qui doit être loyalement sauvegardée. Or, cette doctrine deviendrait irréelle et illusoire si l’on allait jusqu'à reconnaître à l’Eglise le droit d’imposer aux fidèles un précepte de stricte obéissance à propos de toute affaire politique où le Pontife romain jugerait que le bien de la religion et des âmes se trouverait intéressé. Il n’est pas une affaire politique de quelque importance qui, surtout dansun régime démocratique, n’ait son contre-coup sur l’intérêt de la religion et des âmes, grâce à l’attitude que prendraient les catholiques et grâce à la défaveur qu’ils s’attireraient de la part des gouvernants ou de l’opinion populaire. Donc, on aboutirait à subordonner « indirectement » à l’autorité pontificale l’attitudepolitique des catholiques à propos de chaque litige concernant l’organisation gouvernementale, financière, économique, sociale, militaire, qui passionnerait et diviserait un pays. Etendre ainsi le pouvoir « indirect » équivaudrait à supprimer, pour les catholiques, l’indépendance légitime de leur conduite dans le domaine spécilîquementtemporel et politique. Ce serait attribuer aux Pontifes romains une prétention énorme, qu’ils ont toujours répudiée. Ce serait, par voie de conséquence, faire retomber sur le Pape, armé d’un tel pouvoir, la responsabilité delà politique, adroite ou maladroite, heureuse ou malheureuse, suivie, dans chacun des pays du monde entier, par les citoyens catholiques ou les partis composés surtout de catholiques.

Mais, à côté du pouvoir « indirect », il y a raisonnablement place pour un pouvoir « directif ». Lorsque le Pape intervient pour recommander aux catholiques telle lactique politique, de préférence à telle autre, il considère cette affaire, non pas en tant qu’elle est d’ordre temporel et politique, mais en tant que touchant à l’intérêt de la religion et des âmes, pour procurer un certain bien ou éviter un certain mal en matière religieuse. Si le Pape juge opportun d’adresser aux. fidèles une recommandation publique à propos d’une affaire de ce genre, son intervention aura, tout au moins, l’autorité d’un conseil paternel, qui mérite d'être pris en considération de la manière la plus sérieuse et la plus respectueuse, sous peine de commettre une faute morale contre la vertu de prudence. Voilà ce qu’on peut appeler le pouvoir « directif », de même que l’expression consacrée pour désigner l’intervention du Pape en semblables conjonctures est celle de « directions » pontificales.

Que l’on ne prenne pas.de telles « directions » pour des suggestions de caractère purement facultatif. Dans le cas dont nous parlons, le Souverain Pontife, qui est le plus autorisé des juges, comme le plus qualifié des conseillers, déclare publiquement qu’il voit un grave dommage, pour l’Eglise et pour les âmes, dans l’adoption, par les catholiques, de telle attitude politique plutôt quede telle autre. Négliger pareil avertissement, risquer par caprice, par pas-