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SCHISME D’OCCIDENT

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évoque, élu dans une obédience, passait dans une autre ?). Le clergé et le peuple agissent de même dans les suppliques qu’ils leur adressent. Dans les Archi fur katholiken Kirchenreclit, le savant docteur Kirsch se rallie pleinement à cette manière^voir (année 1900, n° 2. p. £18. Inspruck), et M. NWl Valois, dans son magnifique ouvrage, constate les même* faits (cf. fa France et le grand Schisme, t. IV, p. 502, note. M. Valois renvoie aux archives du Vatican, Supplicationes Martini V, 102, f. 81, lit,

m4, iO).

Il nous semble qu’on peut aller plus encore au fond des clioses et répondre à d’autres ditlicultés :

I* Tout d’abord, il ne s’agit pas de l’unité de foi. Tout le monde l’avoue, aucun des papes dissidents n’a donné d’enseignement contraire ni à la doctrine révélée, ni même au virgineum fidei decus. Il n’y a point d’erreur, encore moins d’hérésie dans leur symbole, point de lacune dans le Credo qu’ils transmettent aux fidèles, point de défaillance dans la morale qu’ils leur imposent au nom de Jésus-Christ : leur magistère est irrépréhensible ; les deux obédiences condamnent Jean Hus. De Maistre a écrit en parlant du moins édifiant des pontifes suprêmes :

« Son bullaire est irréprochable » (f)u Pape, conclusion). On peut en dire autant de tous les papes du

schisme. I.'una fides est donc en dehors de toute discussion.

2° En est-il de même du culte et des sacrements, du pouvoir sanctificateur, de l’unum baptisma ? On l’a contesté au xiv* et au xv* siècles, à propos du sacrement de l’ordre. On trouve au sein du Concile de Paris de 1^06 1 et dans les œuvres de Gerson des échos de ces controverses qui ont troublé la chrétienté.

En effat, la situation était très tendue, en Flandre et ailleurs, à cause de certaines exagérations théologiques, de certaines prédications outrées, de certains aaathèmes peu justifiés. Ici on déclarait que tout clémentin était par le fait même excommunié, que son ordination était nulle, et que le culte devait être interrompu partout où un adversaire d’Urbain paraissait. Là on brûlait sur la place publique le saint chrême bénit par un compétiteur, on réconciliait les églises prétendument polluées par eux ; on regardait comme nul le baptême conféré par les prétendus schismatiques et les autres sacrements. Mais les esprits modérés protestèrent un peu partout contre ces excès de doctrine, et la vérité théologique ne resta pas sans témoignage.

Donc, malgré les misères du schisme, le monde chrétien dans les deux obédiences garde intact le pouvoir d’ordre, la puissance sanctificatrice La moitié de l’Eglise ne se livre pas à la parodie des saints mystères. Les prêtres et les évêques du parti qui est dans l’erreur, quel qu’il soit, sont investis de ce que le droit canonique appelle un litre coloré et il est suffisant, dans ce temps de méprise commune, pour administrer légitimement les sacrements.

Quand il s’agit de ceux où la juridiction ecclésiastique est nécessaire pour la validité, comme la pénitence par exemple, ce que nous dirons plus loin du pouvoir de juridiction peut et doit s’appliquer.

Donc, l’Eglise, dans les deux branches créées par le schisme, fait circuler à profusion toute la sève rédemptrice et sanctificatrice. Chaque pontife a entre les mains toulce qui est nécessaire pour conserver et augmenter la vie spirituelle dans toutes lésâmes de benne foi et de bonne volonté. Elledis 1. Ces discour ?, qui sont plusieurs fois en manuscrits à t « Bibl. Nationale ' » " ?.141, 17.220, 17^21, 23. 428) ont été reproduit- par B’il’H'.eois du GhastkHST, Xouvelle histoire du concile de Co' starter, pp. 120 et 175.

tribue partout à pleines mains tout ce qui peut guérir, vivifier, édifier et unir dans les liens d’une même charité l’humanité chrétienne extérieurement si divisée.

3° C’est aussi on vertu du même titre coloré que les théologiens modernes expliquent l’efficacité pratique de l’action du faux pape, quel qu’il soit, dans l’ordre législatif, judiciaire etadministratif. Le pouvoir de juridiction donné par le Chef invisible au chef visible reste universel, et la moitié de l’Eglise n’en esl pas frustrée.

Il ne peut y avoir qu’une seule tête dans la société fondé* par Jésus-Christ. Objectivement, nous ne saurions mettre sur le même pied le pape légitime et celui qui ne l’est pas. Comment donc les actes juridictionnels du pontife illégitime peuvent-ils produire leurs effets ? Par une communication du primat us qui existe dans l’autre obédience, c’est-à-dire dans celle du vrai pape. Cette communication se fera pour tous ceux qui sont dans une erreur invincible en obéissant à un pontife qui a en sa faveur toutes les apparences d’une élection régulière, bien qu’elle ait été radicalement viciée. C’est la loi universelle de l’Eglise, et elle ne pourrait être révoquée raisonnablement par le véritable pape. Il ne saurait être rationabiliter Invitus, comme on dit en théologie et en jurisprudence. Ce dernier seul est principe d’unité et de juridiction ; l’autre n’a qu’un pouvoir dérivé, participé et pour ainsi dire emprunté, mais pourtant suffisant à cause de la méprise commune et invisible. Cette erreur de bonne foi est regrettable, mais non point coupable. Elle ne saurait être un obstacle aux effets de la juridiction papale, épiscopale ou inférieure.

Donc le pape qui est cru véritable dans son obédience en vertu d’une ignorance invincible, jouit sur ses ouailles d’une puissance semblable à celle qu’ont exercée saint Léon, saint Grégoire I er, saint Grégoire VII, ou tout autre pontife légitime. Il a le droit d’instituer et de déposer les évêques ; il a le pouvoir de juger toutes les causes sans appel et de recevoir tous les appels d’où qu’ils viennent : il peut ulcisci omnem inohe iientiatn, comme dit saint Paul. De son côté, levêque nommé par celui qui est intrus, possède les mêmes droits que celui qui est envoyé par le véritable pasteur souverain.

Le pape, illégitime sans qu’on le sache, est vrai roi dans son royaume spirituel ; l'évêque qui a reçu de lui le bâton pastoral est vrai pasteur dans sa bergerie ; chacun est la vraie tête du corps ecclésiastique ou diocésain, et singuli alter alterins mentira.

Chacun dans sa sphère a le droit de lier et de délier, de faire des lois et d’en dispenser, d’accorder des faveurs spirituelles et de les retirer, de frapper de peines ecclésiastiques et d’en relever, d'étendre ou de restreindre les limites de telle ou telle juridiction particulière ou locale. Tous les fidèles, en pratique, leur reconnaissent tous ces droits ; c’est l’unum corpus et l’unum ovile, quoi qu’il en paraisse à l’extérieur. Et tout cela à cause du bien spirituel de l’Eglise universelle, qui ne saurait être compromis par une méprise involontaire ; tout cela en vertu de ce litre coloré dont le droit ecclésiastique, appuyé sur le droit romain, a toujours reconnu la valeur ; tout cela aussi à cause du pouvoir nécessairement un qu’a donné et que conserve l’Epoux invisible à son épouse visible. Le Christ n’est pas divisé.

Au point de vue historique et canonique, une dernière question se présente qui intéresse l’apologétique : quel était alors le vrai pape ?