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SCHISME D’OCCIDENT

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tructions données par le synode national tenu à Paris en 1 3g5. « Dans les grands schismes précédents, il estoit cler et évident que l’un estoit instrus, combien qu’il fût soutenu de fait par aucuns seigneurs. Mais à présent, combien que la partie de l’instrus (du pape de Rome) soit faulse, toutes fois est-elle grandement colourée et fondée pur diverses escriptures et raisons… Si est certain que au commencement du scisme, les deux esleuz furent esleuz par tout le collège des cardinaulx. » (Archives nationales, n° 5.518, f. 84, verso).

Plus précises et plus pratiques encore sont les instructions que donne Jean Gerson, ancien chancelier de l’Université de Paris, en ce moment doyen du chapitre de Saint-Donatien à Bruges. Nul plus que lui n’est compétent dans cette question délicate qu’il a étudiée ab ovo depuis vingt ans sur les bancs et dans les chaires de l’Aima Mater. De plus, il a été témoin en Flandre des pires excès et il a pu entendre prêcher les plus singulières doctrines. Vers 13y8, il donne son sentiment sur toutes les questions qui divisent les esprits. « Dans le présent schisme, dit-il en une matière si douteuse, il est téméraire, injurieux et scandaleux d’affirmer que tous ceux qui sont attaches à tel ou tel pari i, ou tous ceux qui prétendent rester neutres, sont hors delà voie du salut, ou excommuniés, ou suspects de schisme. Il est licite et même prudent de ne prêter obéissance à tel ou tel pape que sous condition tacite ou expresse… Il importe avant tout de rechercher l’unité de l’Eglise, soit en employant la voie de cession ou de soustraction, soit en se servant de tout autre moyen légitimé de coaction. » (Senlentia de modo habendise tempore Schismatis (édit. Ellies-Dupin), t. II, col 3. Item, De Unitate ecclesiastica. — Cf. Schwab, Johannes Gerson, pp. 97 et 152. Valois,

t. iv, p. 497) Pierre d’Ailly, alors évcijue de Cambrai, se faisait dans ses synodes diocésains l’écho des mêmes pensées modérées et pacificatrices. (Tractatus et sermones, sermo II US, Argentinrc, 1^90). Eni/Jo5, il disait aux Génois : « Je ne connais d’autres schismatiques que ceux qui refusent obstinément de se laisser instruire de la vérité, ou qui, après l’avoir découverte, refusent de s’y soumettre, ou qui encore déclarent formellement ne pas vouloir suivre le mouvement d’union ». (Bourgeois du Chastbnet, Nouvelle histoire du concile de Constance, Preuves, 159. — Tsciiackkut, Peter von Ailli, App. p 31>). « Le schisme el l’hérésie en tant que péchés et vices, ajoute-t-il en 1412, ne peuvent résulter que d’une opposition obstinée, soit à l’unité de l’Église, soit à un article de foi ». (Ibid., p. 33). C’est la pure doctrine du docteur angélique.

Vingt ans après la fin du schisme, le grand théologien qui s’appelle saint Antonin donnait aussi son avis sur l’état d’anie des fidèles par rapport à cette malheureuse division de l’Église. Le saint archevêque de Florence est d’autant plus compétent qu’il a vécu dans l’intimité d’un homme aussi saint qu’illustre, longtemps mêlé à toutes ces questions, le bienheureux Jean Dominici, cardinal-archevêque de Raguse. Voici son appréciation, qui résumera tout ce que nous avons dit jusqu’ici sur le caractère spécial de ce qu’on appelle le grand schisme.

« Il faut croire sans doute qu’il n’y a qu’une seule

Église et un seul vicaire de Jésus-Christ. Mais s’il arrive que, par un schisme, on élise plusieurs papes, il n’est pas nécessaire au salut de savoir si c’est celui-ci ou celui-là qui est le vrai pontife. Il suffit, en général, d’être dans la disposition d’obéir à celui qui est élu canoniquement. Le peuple fidèle n’est pas obligé de savoir le droit canon : il peut et doit

s’en rapporter au sentiment de ses supérieurs et de ses prélats. Le chrétien qui se trompe est alors excusé par une ignorance presque invincible. » (S. Antonini Summa historialis, p. III, t. XXII, c. 11. /bid., t. XVIII, c. vin).

Dans ces conditions, le nombre des vrais schismatiques semble donc singulièrement restreint. Y eut-il plus de cent schismatiques formels et endurcis durant toute la durée du grand schisme ? Je nie prends parfois à en douter.

III. Déductions modernes. — Beaucoup d’écrivains de ces derniers siècles se sont occupés de ce fait historique si intéressant et si didicile, ainsi que des conclusions théologiques qu’on peut en tirer. Malheureusement un certain nombre d’entre eux étaient gallicans, et ils ont été empêchés par leurs préjugés antipapaux ou leurs erreurs régalistes de voir parfaitement clair dans cette question d’ailleurs complexe. Nos contemporains ne sont plus empêtrés dans ces erreurs De plus, beaucoup de documents ont été récemment mis au jour et ont fait tirer des conclusions plus sures. Parmi les docteurs modernes, qu’on nous permette de citer notre vénéré maître, M. le chanoine J. Didiot : t Si, après l’élection d’un pape, avant son décès ou sa renonciation, une nouvelle élection se pioduit, elle est nulle ou schismatique ; l’élu n’est point dans la série apostolique. Cela s’est vu au début de ce que l’on appelle, un peu à tort, le grand schisme d’Occident, qui n’était qu’une apparence de schisme, au point de vue théologique. Si deux élections se faisaient simultanément ou à peu près, l’une selon les lois précédemment portées, et l’autre contre elles, l’apostolicité appartiendrait au papelégalement choisi et non à l’autre ; et, y eùt-ilmême des obscurités, des doutes, des discussions et desdéchircments cruels à ce sujet, comme à l’époquedece prétendu schisme d’Occident, il n’en serait pas moins vrai, pas moins réel que l’apostolicilé existerait objectivement dans le véritable pape. Qu’importe, sous ce rapport objectif, qu’elle ne soit pas manifeste pour tous et qu’elle ne soit reconnue de tous que longtemps après ? Je sais qu’un trésor m’a été légué, mais j’ignore s’il est renfermé dans la caisse A ou clans le coffret B : en suisje moins possesseur de ce trésor ? » Logique surnaturelle objective, n° 820 (Lille, 1892).

Après le théologien, écoutons le canoniste. Voici les paroles de Bouix, si compétent dans toutes ces questions. En parlant des événements de cette triste époque, il dit : « Cette dissension fut appelée schisme, mais à tort. On ne se retirait pas du vrai pontife romain considéré comme tel, mais on obéissait à celui <|ue l’on tenait pour véritable pape. On lui était soumis, non pas d’une façon absolue, mais à condition qu’il fût légitime. Quoiqu’il existât plusieurs obédiences, cependant il n’y eut jamais schisme proprement dit. » (Tractatus de Papa, ubi et de Concilio œcumenico, t. I, p. ! fù).

Dans la préface d’un ouvrage plus récent, le l’ère Conrad Eubei. fait justement remarquer que les actes de gouvernement et de grâce de tous les souverains pontifes des trois obédiences out été également respectés par le pape Martin V et par ses premiers successeurs. En effet, dans les écrits officiels de ces pontifes, les papes du schisme, ceux de Rome, ceux d’Avignon et ceux de Pise, ne sont jamais appelés simplement papes ou antipapes, mais ils sont toujours désignés sous cette formule : nommés paj eê dans leur obédience (les Ordres mendiants de l’obéi dience d’Avignon (Paderborn, 1900). Voir aussi son article de la RojmiMche Quarlulschnft, en 1906, sur cette question : Quelle conduite tenait-on quand un