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SCHISME D’OCCIDENT

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théologique à la fois, des événements accomplis, ensuite un résumé de ce qu’en ont pensé les tidèles et les théologiens du moyen âge, et enlin les déductions qu’en tirent les modernes défenseurs de l’Eglise.

I. Les faite. — Le pape Grégoire XI avaitquitté Avignon pour revenir en Italie et avait rétabli le siège pontifical dans la Ville Éternelle. Le 37 mars

« 378, il y rendait le dernier soupir. Immédiatement

on se préoccupa du choix de son successeur. La question était des plus graves. Cardinaux, prêtres, nobles, et tout les Romains y étaient intéressés, car de l’élection qu’allait faire le conclave dépendait le séjour du futur pape à Rome ou en Avignon. Depuis le commencement du siècle, les pontifes avaient fixé leur résidence au delà des Alpes : les Romains, lésés si longtemps dans leurs intérètsetdans leurs prétentions, voulaient un pape romain ou tout au moins italien. Le nom de Barthélémy Prignano, archevêque de Bari, fut prononcé dès ïe premier moment. Ce prélat avait été vice-chancelier de l’Eglise romaine. On le considérait comme ennemi du vice, de la simonie et du faste : il était de mœurs exemplaires et d’une intégrité rigide ; aux yeux de tous, il était regardé comme papable.

Les seize cardinaux présents dans ! a capitale se réunirent en conclave le 7 avril, et, dès le lendemain, ils choisirent Prignano. Pendant les quelques heures que dura l’élection, un certain trouble avait régné dans la ville. La population de Rome et des environs, turbulente et facilement inflammable par nature, avait, sous l’empire des circonstances, manifesté très bruyamment ses préférences et ses antipathies, s’était livrée à des excès et avait essayé de peser sur la décision des cardinaux. Ces faits, regrettables en eux-mêmes, avaient-ils suffi pour faire perdre aux membres du conclave la liberté d’esprit nécessaire et pour empêcher l’élection d’être valable ? Telle est la question qu’on se pose depuis la fin du xive siècle. De la solution que l’on donne, dépend l’opinion que l’on adopte sur la légitimité des pontifes de Rome ou d’Avignon.

Il semble bien pourtant que les cardinaux prirent alors toutes les précautions pour répondre à des doutes toujours possibles. Le soir de ce même jour, treize d’entre eux procèdent à une nouvelle élection, ils choisissent à nouveau l’archevêque de Bari avec l’intention formellement exprimée d’en faire un pape’légitime. Pendant les jours suivants, tous les membres du Sacré-Collège présentent leurs respeciueux hommages au nouveau pontife qui avait pris le nom d’Urbain VI, et lui demandent mille faveurs. Ils l’intronisent d’abord dam le palais du Vatican, puis à Saint-Jean-de-Latran ; enfin, le 18 avril, ils le couronnent solennellement à Saint-Pierre.

Dès le lendemain, le Sacré-Collège notifie officiellement l’avènement d’Urbain aux six cardinaux français restés en Avignon ; ceux-ci reconnaissent et félicitent l’élu de leurs collègues. Les cardinaux romains écrivent ensuite au chef de l’Empire et aux autres souverains catholiques. Le cardinal Robert de Genève, le futur Clément VII d’Avignon, envoie une lettre dans le même sens au roi de France, son parent, et au comte de Flandre. L’Aragonais Pierre de Lune, le futur Benoit XIII, écrit de même à plu sieurs évêques d’Espagne.

Donc, jusqu’ici, il ne se produit au sujet du choix de Barthélémy Prignano aucune objection, aucun mécontentement ; nulle protestation, nulle hésitation, nulle crainte manifestée pour l’avenir.

Malheureusement, le pape Urbain ne réalisa point les espérances que son élection avait fait naître. Il se montra fantasque, hautain, soupçonneux et par fois colère dans ses rapports avec les cardinaux qui l’avaient élu. Des faits trop prouves de brusquerie, des extravagances blâmables sembleraient démontrer que son élévation inattendue avait modifié son caractère. Sainte Catherine de Sienne, avec un surnaturel courage, n’hésita point à lui en faire des observations très motivées. Elle ne tremblera pas davantage d’ailleurs lorsqu’il s’agira de blâmer la ligne de conduite des cardinaux, révoltés contre le pontife qu’ils avaient précédemmtn t élu. Certains historiens nous apprennent en outre que le pape Urbain attaqua ouvertement les écarts, vrais ou supposés, des membres du Sacré-Collège, et se refusa énergiquement à replacer en Avignon le siège du pontificat. Inde irae, ajoutent-ils.

Quoi qu’il en soit, tous ces dissentiments fâcheux, survenus postérieurement à l’élection, ne sauraient en bonne logique infirmer la validité du choix l’ait le 8 avril. Les cardinaux ont élu Prignano dans la errinte peut-être, mais non par l’effet de la crainte. Or, la théologie morales’unit au bon sens pour proclamer que, quand un homme fait sous 1 influence d’une certaine peur ce qu’il serait tenu de faire par raison et par justice, son acte est valide. Urbain était pape avantses torts ; il l’était encore après ses torts. Est-ce que les passions d’Henri IV et les vices de Louis XV empêchent ces souverains d’avoir été et de demeurer la véritable descendance de saint Louis et les rois légitimes de France ?

Par malheur, tel ne fut pas, en 1878, le raisonnement des cardinaux romains. Leur mécontentement allait croissant : sous prétexte d’échapper aux chaleurs malsaines de Rome, ils se retirent en mai à Anagni, puis en juillet à Fondi, sous la protection de Jeanne, reine de Naples, et des deux cents lances gasconnes de Bernardon de la Salle. C’est alorsqu’ils commencent une campagne sourde contre leur élu d’avril et qu’ils préparent les esprits à apprendre la nouvelle d’une seconde élection. Le ao septembre, treize membres du Sacré-Collège brusquent les événements, entrent en conclave à Fondi, et choisissent comme pape Robert de Genève, qui prend le nom de Clément VII. Quelques mois plus tard, le nouveau pontife, chassé du royaume de Naples, s’établit en Avignon : le schisme est consommé.

Clément VII est apparenté ou allié aux principales familles royales d’Europe ; il est influent, intelligent, habile politique. La chrétienté se divise très vite en deux parties à peu près égales. Partout les âmes fidèles se posent cet anxieux problème : Où est le vrai pape ?

Les saints eux-mêmes sont divisés. Sainte Catherine de Sienne, sainte Catherine de Suède, le bienheureux Pierre d’Aragon, la bienheureuse Ursuline de Parme, Philippe d’Alençon, Gérard de Groote sont dans le camp d’Urbain. Saini Vincent Ferrier, le bienheureux Pierre de Luxembourg, sainte Colette appartiennent au parti de Clément. Les docteurs en droit les plus fameux du siècle sont consultés et la plupart se décident pour Rome. Les théologiens sont partagés : les Allemands, comme Henri delles-se et Conrad de Gelnhausen penchent pour Urbain ; Pierre d’Ailly, Philippe de Maizières, son ami, Jean Gerson et Nicolas de Clémangis, ses élèves, et, avec eux, toute l’école de Paris défendent les intérêts de Clément. Le conflit des passions rivales, la nouveauté de la situation rendaient lentenle difficile et l’unanimité impossible. Les savants épousaient, en général, les opinions de leur pays.

Les puissances prennent position. La plus grande partie des étals italiens et allemands, l’Angleterre, la Flandre sont du parti du pape de Rome. Au con-