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SAPIENTIAUX (LIVRES)

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sagesse et son origine, je vais l’exposer » vi, y. i i. 12), il prend la place de Sulonion et s’attribue des faits exclusivement propres à ce roi, tels que, « vous m’avez choisi [il parle directement à Dieu | pour régner sur votre peuple… vous m avez dit de bâtir un temple sur votre montagne sainte » (ix, 7. 8 ; comparer I Roisv, 1 7-1 9 ; vi-vm ; II Sam. vii, 12. 1 3). Mais ce n’est là qu’une mise en scène, très usitée dans les anciennes littératures, pour donner plus d’ellicacité à la leçon ; l’expérience du plus sage des hommes est la plus éclatante conlîrmation de la théorie, et rien ne frappe autant, que de l’entendre lui-même nous contier ce qu’il a éprouvé, ce qu’il a fait. Aussi les Pères de l’Eglise, tels que Saint Jérôme et Saint Augustin, nous ont-ils avertis de ne pas prendre à la lettre cette présentation de Salomon, et que l’auteur de la Sagesse doit être cherché ailleurs.

De fait, on a mis en avant d’autres noms illustres, sous lesquels placer ce noble produit du génie d’Israël. Nous ne ferons que mentionner Aristobule, juif alexandrin du 111* siècle av. J.-C., proposé par quelques-uns, et le chrétien Apollo (Actes, XVIII, 2’, ) avancé par d’autres. Ce sont là assertions trop isolées et trop dénuées de preuves, pour que nous nous y arrêtions. Il est plus étrange que des savants, même catholiques, aient pensé à Philon. Ils ont été sans doute inlluencés par ce que rapporte Saint Jérôme : D’anciens écrivains (dit-il, sans nommer personne), affirment que ce livre est de Philon le Juif ». Il est vrai que les catholiques ont imaginé un Philon juif durèrent du célèbre philosophe platonicien, et vivant aux environs de l’an 160 av. J.-C. (voirie commentaire du P.Jean Lorin, Lyon 1607, p. 3). Pure supposition bien inutile ! Ce n’est pas par là qu’on pourrait sauver le nom de Philon Plus de faveur a possédé, et garde encore de rares adeptes, l’attribution au philosophe contemporain de Jésus. Mais la substantielle réfutation qu’en a faite Grimm, l’excellent connaisseur de la Sagesse et de Philon à la fois, montre eu même temps combien cette attribution est mal étayée, et que ce ne sont pas seulement des raisons d’ordre dogmatique, comme on l’a prétendu, qui s’y opposent. Voir à présent les récents commentaires catholiques de Cobnely (Paris 1910), Heinisch (Munster, 1912) et I’eld.mann (Bonn, 1926).

7. Baruch- — Sous le nom de Baruch, flls de Nérie, secrétaire du prophète Jérémie, se trouvent réunies dans nos Bibles plusieurs pièces assez disparates. Il faut d’abord en séparer la dernière partie qui forme, dans les éditions de la Vulgate, le chapitre vi ; car, dans la Bible grecque, elle constitue un petit livre à part avec son titre : Lettre de Jérémie. Les cinq chapitres précédents se divisent en trois parties : la première (1, i-iii, 8) est une sorte de confession publique, à réciter dans le temple de Jérusalem pour les Juifs exilés à Babylone. La deuxième (m, g-iv, 4) est un reproche à la nation d’Israël pour avoir méprisé la Loi, que Dieu lui avait donnée, trésor inestimable et source de bonheur. La dernière (iv, 5-v, 9) dans le style prophétique, surtout d’Isaïe xl-lxvi, s’adresse aux Juifs exilés, pour les consoler en leur promettant un heureux retour dans la patrie. La pensée de l’exil, en châtiment des péchés d’Israël, est le lit qui relie entre elles les trois pièces. Pour notre sujet, c’est seulement la seconde, la pièce centrale, qui nous intéresse. Car l’auteur nous présente la Sagesse, dont il nous fait un splendide éloge digne d’être mis à côté de ceux qu’on lit dans les Proverbes et dans Job, et nous la présente sous un aspect particulier et particulièrement intéressant, c’est-à-dire comme idenliliée à la Loi de Moïse, ou mieux dit, à la révélation mosaïque dans son ensemble. Nous étudierons ce point plus tard.

Pour ce qui est de l’auteur et de la date, qu’il nous sullise de remarquer que l’arrière-plan historique des trois pièces apporte une excellente continuation de la donnée du titre. Les Juifs sont dans un exil forcé et eux-mêmes reconnaissent que c’est en punition de leurs péchés (11, 13 ; 111, 10 ; iv, 6-10), ce qui ne pourrait pas se dire de la diaspora de l’époque grécoromaine. Quoique la ville sainte et le temple aient été détruits, brûlés (11, 20-26 ; iv, 3 1 -33), néanmoins on continue à offrir des sacrilices à Dieu sur l’autel légitime (1, io), comme au temps de Jérémie (xi.i, r >). Les Juifs ont envers les rois dominateurs des sentiments de soumission et de bienveillance ; ils prient même pour la prospérité de leur état (1, Il suiv.), comme leur avait conseillé Jérémie (xxix, 7). Ce n’est que par une espèce d’aveuglement, que beaucoup d’auteurs protestants prennent ici Nabuchodonosor, Baltassar et Babylone comme des pseudonjmes pour Vespasien, Titus et Rome, et reportent la composition du livre après la chute de Jérusalem en 70 après J.-C. Ils écartent a priori l’année 586 avant J.-C, qu’ils avouent être la seule circonstance historique à laquelle on pourrait penser avant Vespasien. Mais il est impossible de reconnaître les sentiments des Juifs envers les Romains après 70 de J.-C, dans l’attitude du livre de Baruch envers les suzerains étrangers, que nous venons de décrire. L’historien Josèphe, considéré par les siens comme un déserteur, est une exception qui confirme la règle. On ne peut, sans préjugé, reporter le livre de Baruch qu’au temf s de l’exil de Babylone, entre 586 et 5£o avant J.-C.

8. Canonicité — Ici serait le lieu de défendre, contre les Protestants, la canonicité des trois derniers livres, dont nous venons de parler : Ecclésiastique, Sagesse, baruch ; car ils appartiennent tous les trois à cette catégorie des saints livres, que les catholiques appellent deutérocanoiiiaues, parce qu’ils ne furent pas toujours reconnus par tout le monde comme inspirés par Dieu et faisant partie du canon des saintes Ecritures (voir tome I, col. 440 ss.). Mais inutile de s’y attarder. A ce qui en a été dit plus haut en général (1. c), ici nous ajouterons en particulier pour nos trois livres, que les Protestants eux-mêmes nous ont actuellement beaucoup facilité la lâche. Cr si la vieille doctrine « lu Protestantisme ne reconnaît d’autre critère de canonicité que la qualité de la doctrine enseignée dans chaque livre, la critique moderne en faveur chez les Protestants reconnaît que la doctrine de la Sagesse et de lEcclésiasiique est de beaucoup supérieure à celle de maint livre rangé parmi les canoniques reconnus par tous, par exemple de PEcclésiaste.

D’un autre côté, en niant toute inspiration surnaturelle, lesprit rationaliste du Protestantisme moderne supprime toute différence essentielle entre les livres canoniques et les autre ». A l’heure qu’il est, on a beaucoup plus de peine à défendre contre les attaques des Protestants la véracité des livres canoniques, qu’à prouver les droits de nos livres deutérocanoniqnes à la même autorité que les autres. Qu’il nous suffise de citer un auteur protes tant moderne des plus estimés : Lucien Gautieh (-j-1925) dans son Introduction à l’Ancien Testament (2e éd., Lausanne, 1914) écrit ainsi de l’Ecclésiastique : « De tous les écrits issus du judaïsme et non admis dans le recueil officiel de la synagogue, c’est le plus remarquable, celui qu’on s’étonne le plus de ne pas voir rangé parmi les livres canoniques. Il méritait d’y figurer, au jugement de Luther et d’autres chrétiens éniinents [ ! _], autant et mieux que tels ouvrages qui s’y trouvent classés. Vainement quelques zélateurs ont-ils cherché à discerner dans les paroles du Si 1 acide cei tains traits qui, selon eux, disqualifieraient cet ouvrage et le rendraient indigne d’être compté au nombre des livres saints ; il est facile de montrer quels résultats on obtiendrait en faisant passer au même crible tel ou tel des livres canoniques » (tome II, p. 375). Et plus bas il dit de la Sagesse : « Pour nous, renouvelant ici une remarque faite à propos du Siracide, nous devons reconnaître ouvertement l’incontestable valeur de la Sapience, et regretter qu’elle soit si peu connue dans les milieux protestants » (p. 480).