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SAPIliNTlAUX (LIVRES)

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En eiret, appliquant à l’Ecclésiaste la méthode critique employée à chercher les sources et à déterminer la composition d’autres livres de la Bible, on a cru pouvoir y distinguer plusieurs couches : d’abord un tond, qui prêche la vanité « le toute chose, l’inutilité de la vie et de l’effort, l’égalité du sort des bons et des méchants : c’est l’œuvre de Qohéleth : puis nombre d’additions introduites postérieurement çà et là, pour corriger ou atténuer ce que les idées de Qohéleth paraissent avoir d’outré on de fautif ; ou bien pour agrémenter par des sentences envers la sombre prose du premier auteur ; enfin l’épilogue (xii, 8-lin) qui parle de l’activité de Qohéleth, serait l’œuvre d’un rédacteur distinct. Ainsi, entre autres, encore récemment, E. Pudkciiahu, L’Ecclrsiaste (Paris 1912), chez qui l’on trouvera ce système exposé et soutenu avec force et talent.

Mais il est une objection futaie à cette dissection : c’est que la langue et le style des prétendues additions (excepté en partie l’épilogue) ont absolument les mêmes caractères, tout à l’ait uniques dans la Bible (nous l’avons dit), que le fond du livre, l’œuvre authentique de Qohéleth. Seules certaines parties poétiques, en sentences ou mavkals semblables aux recueils salomoniens des Proverbes (voir ci-dessus), tranchent, par leur concision et rigueur, sur ta prose terne et prolixe du fond. Mais parmi cps îlots en vers, il y en a plusieurs, que les critiques eux-mêmes ne songent pas à contester à Qohéleth : voir, par ex., 1, 8, 15, 18 ; 1 1, 2 ; iv, 6, etc.

Aussi l’argument philologique est-il nettement favorable à l’unité d’auteur. Pour les idées, les divergences de doctrine, voire les contradictions, qu’on prétend y découvrir et qu’on exagère pour les besoins de la cause, tout peut s’expliquer par les différences de point de vue et de l’impression du moment. Voir A. Co.NDAMiN, Eludes sur V Eidésiaste, dans Revue biblique, 1899, p. 503-&og. Songerait-on à répartir entre deux auteurs différents ces deux versets qui se suivent ? Prov., xxvt, 4-5 :

Ne réponds pas à l’insensé selon su folie, de peur de lui ressembler toi-même. Réponds à l’insensé selon sa folie. de peur qu’il ne se regarde comme sage.

A coup >ùr, les contradictions de l’Ecclésiaste ne sont pas plus crues que cela, ni d’un genre bien différent.

L’Ecclésiaste est donc d’un seul auteur ; c’est la thèse, qui rallie encore aujourd’hui la grande majorité des critiques, même protestants. Mais qui est-il, cet auteur ? Des premiers mois ou titre du livre, Paio’ts de l’Ecclésiaste, ’fils de David, roi dans Jérusalem, on a conclu dans l’antiquité et au moyenàge, que l auteur n’est autre que Salomon. Il y avait dilliculté à trouver place, dans la vie de ce roi, pour un tel livre, et on ne s’entendait plus sur le motif ou l’occasion qu’aurait eu Salomon de l’écrire. Dans les temps modernes, à cause surtout des qualités littéraires, que nous avons esquissées plus haut, l’opinion d’une origine beaucoup plus récente, disons du 111e siècle avant J. C, avancée de par Grolius, a gagné terrain de plus en plus parmi les savants. Aujourd’hui encore des catholiques, même conservateurs, s’y sont ralliés, tels (pour ne nommer que les plus récents) E. Podbchard (L’Ecclésiaste, Paris 1912, p. 119), P. JoiioN (Le Cantique des cantiques, Paris 1909, >), E. Tobac (Les cinq livres de Salomon, Bruxelles 1926, p. 50-54)> Kaulux-IIobkrg (Einleitung in die Heilige Schrift, Fribourg ij13, 2, p. 1-/.1 suiv.), J. Calks (dans Recherches de se. rel., v, 1914, p. 281),

A. IIudal (Kurtgefasste Einleitung in die lied, Burcher des.1. T., Graz igaô, p. 1 55), A. Allgbibr (Das Huch des Predigers, Bonn njiâ, p. 2), II. Hobpfl (/ « troductioiùs in s. utriusque Testant, libros Compendium, a*, éd. 1930, vol. 2, p. 22-.’. suiv.). Ce dernier, Consulteur de la Commission biblique et Qualilicateur du Saint Ollice, après avoir brièvement réfuté les explications données encore récemment par des catholiques en faveur de l’origine salomonienne de l’Ecclésiaste, conclut très justement : « Timeo ne talia argumenta ansam præbeant scientiam eatholicam deridendi » (p. 22$). Le moins qu’on puisse faire, c’est d’admettre, avec le P. Hbtzbnaubr (Theologia liiblien, Friburgi 1908, p. 218) par exemple, que le livre, eomposé par Salomon, a été plus tard complètement refondu, au moins pour la langue et le style ; ce serait, dans la Bible, un cas unique d’une retouche si profonde ; mais en somme cela serait possible, et cette hypothèse (car ce n’est rien de plus) expliquerait en partie les difficultés soulevées par la critique.

Dans la thèse contraire (que Salomon ne soit pas auteur de l’Ecclésiaste) on se heurte au témoignage de l’auteur lui-même : t Moi l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël à Jérusalem… j’ai accumulé et amassé de la sagesse plus que tous ceux qui ont été avant moi à Jérusalem… j’exécutai de grands ouvrages, je me bâtis des maisons… je m’amassai aussi de l’argent et de l’or et les richesses des rois et des provinces… je devins grand et je l’emportai sur tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem » (Ecclé., 1, 12. 16 ; ir, 4-8. 9.). A qui pourrait-on rapporter ces traits, si ce n’est à Salomon, dont le règne et les travaux sont décrits dans le i’r livre des Bois, presque dans les mêmes termes ? A cette difficulté, on répond assez ordinairement, qu’ici l’auteur, par une fiction littéraire qui n’est nullement un faux, revêt la personne de Salomon et parle, pour ainsi dire, en son nom. C est une réponse probable, qui ferait de l’Ecclésiaste le pendant exact de la Sagesse ; car il est bien certain, que dans ce dernier livre, au moins aux chapitres vi-ix, l’auteur (du iK-i Cr siècle av. J.-C) fait parler Salomon en personne par un pur artifice littéraire. Pour l’Ecclésiaste, cependant, on n’a pas la même évidence que l’auteur ail eu cette intention, et on peut dire que le passage tantôt rapporté ne fait que dramatiser ce qui se passe ou peut se passeï, en le rapportant comme expérience propre à l’écrivain. En effet, dans tout ce qu’on y lit, aucun trait n’est individuel et propre à Salomon exclusivement. Sans prétendre aucunement parler au nom de Salomon, Qohéleth a pu dire : « J’ai été roi », etc., comme saint Paul, « Hébreu, fils d’Hébreux » (Pltil., iii, 5), a écrit : « Pour moi, je vivais autrefois sans la Loi » (Rom., vii, 9). A tout le moins, comme l’a bien dit récemment le P. J. Calés, se ralliant à un autre exégète catholique : « Si Salomon est mis en scène, ce n’est pas à titre d’auteur, mais comme « type littéraire », comme le roi sage par excellence. » (Recherches de Se. rel., XVI, 1926, p. 54g). Par là, toute ombre de dilliculté disparaît.

5. Ecclésiastique. — L’usage de l’Eglise latine à rapproché, par leurs noms, le livre de Qohéleth, dont nous venons de parler, et celui de Jésus fils de Sirach. En effet il y a avantage à rapprocher, dans une étude littéraire, l’Ecclésiastique et l’Ecclésiaste, qui dans nos Bibles sont sépares par la Sagesse dite de Salomon (et aussi par le Cantique des Cantiques, ordinairement) Tous deux écrits en hébreu, à Jérusalem, par des auteurs qui sont nés et ont vécu dans la ville sainte, probablement écrits presque à la même époque, d’après ce que nous avons dit, Ec-