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SALUT DES INFIDELES

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Divers essais de synthèse apparaissent. L’ouvrage de Fr. Collins, De animabus Paganorum libri V, Mediolani, 1622-1623, est surtout une fantaisie littéraire, où l’auteur prononce librement des sentences de béatification et de damnation. Dans l’ensemble, il se montre dur aux païens. La Mothb lk r AYKR, dans son ouvrage dédié au cardinal de Richelieu, De la vertu des Parais, Paris, 1 G r i 2, montre beaucoup plus d’indulgence ; il ose croire que la « plupart » des païens eurent une foi su (lisante pour le salut. Ces deux auteurs s’accordent à rejeter la doctrine de Seyssel sur les limbes pour adultes. La Mothe excite l’indignation d’ARNAULD, qui le réfute dans son écrit (posthume), De la nécessité de la foy en Jésus-Christ pour être sauvé, Paris, 1701, 2 in-8. Contre La Mothe, théologien d’occasion, Arnauld avait la partie belle ; d’ailleurs il poussa les choses à l’extrême, en damnant sans rémission les inûdèles en général et les Américains en particulier.

Dès lors, la thèse de la foi implicite au Rédempteur suffisante pour le salut — selon la pensée de Soto et de Vega, — avait en somme cause gagnée. Les idées de Baïis De virtutibus impiorum étaient classées, depuis la Bulle de saint Pie V (i er oct. 156^) ; — proposition condamnée sous le n. 25 : Omnia opéra infidelium suntpeccatæt philosophorumvirtutes sunt vitia ;

— 35 : Omne qitod agit peccator vel servus peccati, pr.ccatumest. D.B., io25(go5) ; io35(g15). Elles reparaissaient encore sous des plumes jansénistes, et Alexandre VIII condamnait (7 déc. 1690) cette proposition, n. 8 : Necesse est infidelem in omni opère peccare. D. B., 1298 (n65). Mais cet esprit allait s’utténuant, malgré des explosions passagères, comme celle provoquée en 1700 par l’affaire des

« Mémoires de la Chine ».

Les missionnaires d’Extrême-Orient s’étaient trouvés, dès le temps de saint François-Xavier, en face de questions délicates, relatives au culte national et aux honneurs rendus aux ancêtres. En 1674, des doutes furent soumis au Saint-Siège, qui ordonna une enquête. L’ouvrage du P. Lb Comte, S. I, Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine, qui présentait sous un jour favorable les traditions religieuses des Chinois, fournit à la Sorbonne l’occasion d’intervenir. Le 18 oct. 1700, parut une Censure de la Faculté de Théologie de Paris, conçue en termes fort sévères. Le sorbonniste Coujlau prit sur lui de faire paraître un mémoire où il maintenait le point de vue des missionnaires : Judicium uniuse Socirlate Sorbonica doctoris, de propositionibus quibusdam circa antiquam Sinarum religionem ad sacrarn Facultatem Parisiensem delatis, in l’, 126 p. Ei.liks du Pin répliqua dans sa Défense de la censure de la Faillite de Théologie de Paris (1701). Bossubt, dans plusieurs Mémoires à M. de Brisacier, supérieur de » Missions étrangères, essaya de tenir la balance égale entre jésuites et jansénistes.

V Histoire du Peuple de Dieu depuis son origine jusqu’à la naissance du Messie, par le P. Bkrruybr. S. I. (Paris, 1728), qui renouvelait en termes fuyants l’enseignement de Ripalda sur la « foi large », fut censurée par l’Index.

A travers ces discussions et ces réprobations, se fait de plus en plus jour la parfaite légitimité, au regard de la tradition, de l’opinion qui tient la foi implicite au Rédempteur pour sullisante au salut. Nous citerons un seul auteur, parfaitement représentatif.

Le Cardinal Billot, étudiant l’objet de la foi nécessaire au salut, part naturellement du texte de Heb., xi, 6 et en dégage le » enseignements essentiels : il faut croire explicitement à l’existence de Dieu et à sa Providence surnaturelle. Dans cette

croyance, la Trinité divine et l’Incarnation sont impliquées en fait ; mais la croyance explicite à ces mystères n’a pas toujours été de nécessité de salut, et donc ne l’est pas encore aujourd’hui. Tract, de virtut. inf., t. I-, Romae, 1905, thés, xix, p. 336 :

« Nunc autem utrum duobus prædiclis annumeranda

eliam sint mysteria Trinitatis et Incarnationis, controversia est inter theologos, in verbis forte magisconsistens quam inre ipsa. Quidquid sit, non videtur admittenda nécessitas medii, cum ad conversionem in Deum ûnem supernaturalem absolute sulliciens sit nolitia explicita duorum articulorum fundamentalium. — Accedit quod média quæ non sunt positivæ institutionis, et per votum suppleri nequeunt, semper eadem fuerunt omni lempore et pro omnibus homhiihtis. Sed in v. t. non exigebatur ab omnibus explicita tides horum mj-steriorum quae nondum ernnt sat clare propalata ; unde communiter auctores dicunt quod a solismaioribusbabebatur.

— Denique non obstant textus Scripturæ in quibus sermo est de absoluta necessitate lidei Christi, seu Udei in Christnm, quia quacumque hypolhesi facla, supernaturalis lides in præsentiordineprovidentiae semper erit (ides Christi et fides in Christum, quatenus semper ex meritis Christi datur et seniper habet pro obiecto Christum ut principaliter inclusum in viis illis a Deo præparatis, quas utique crédit quisquis fide explicita tenet quod Deus inquirentibus se remunerator sit. »

Comment cette manière de voir ne constitue pas, au regard de la tradition catholique, une révolution, mais une légitime expansion, c’est ce qu’il nous reste à montrer.

Synthksb. — On n’a pas oublié que saint Augustin reconnaît la permanence de la religion chrétienne, identique à elle-même à travers les siècles. Civ. Dei, VII, xxxii, P.L., XLI, 221 : Hoc mysterium vitæ aeternæ iam inde ab exordio generis humani per quædam signa et sacramenta temporibus congrua, quibus oportuit, per angelos prædicatum est. Retr., I, xiii, 3, P. L., XXXII, 603 : Hes ipsa quae nunc christiana religio nuncuputur, erat apud antiqiu /s, nec defuit ab initio generis humani, nuousque ipse Chr’stus veniretin carne, unde vera religio, quae iam erat, coepit appellari christiana. Saint Thomas n’est pas moins net sur la permanence de l’unique foi et la diversité de ses exigences. Voir les textes, II a Il » e, q.2 a. 7 ; De Ver., q. xiv a. 11, analysés ou reproduits ci-dessus. L’objet de la foi est Dieu mémo, à posséder un jour par l’effet d’une gratuite disposition de la Providence ; objet immuable dans son fonds ; mais le programme du catéchiste est subordonné aux indications positives données d’en haut, selon les temps et selon les capacités respectives des personnes.

Saint Thomas a tracé le programme du catéchiste, Ha n »e q. 1 a. 6, en recberchant Utrum credibilia sint per certos articulos distinguenda, et a. 8, Utrum articuli fidei convenienter enumerentiir. A la première question il répond que l’objet de la science du salut, comme l’objet de toute autre science, a besoin d’êlre convenablement divisé pour être proposée l’esprit. A la seconde, il répond que la vision de Dieu, où l’homme doit trouver sa béatitude éternelle, détermine l’objet de sa croyance présente : Dieu d’abord ; puis l’humanitédu Médiateur divin : à ces deux chefs, se rapportent tous les articles du symbole. Plus loin, q. 2 a. 8, saint Thomas recherche utrum explicite credere Trinitatem sit de nveessitate salutis. La réponse est affirmative : la foi à la Tri nité est renfermée dans la foi à l’Incarnation ; or le| chrétien doit croire à l’Incarnation. Saint Thoma ne s’est point départi du point de vue eatéchétique