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SALUT DKS INFIDELES

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III" Réponse

Thadition dogmatique dk l Eglise catholiqur

Cette dernière réponse est fourniepar la tradition dogmatique de l’Eglise catholique, attentiveà maintenir l’universalité de l’appel à la béatitude surnaturelle, et demandant au principe du baptême de désir le secret de sa réalisation pour les infidèles adultes.

A. — L’universalité de l’appel à la béatitude surnaturelle a été longuement discutée à l’article I’ri-kkstin ation. Il sntlira de grouper ici quelques documents.

i) Documents scripturaires. — Les appels de la grâce divine dans l’.. T. ne comportent pas d’exception, /s., lv, i : Omnes sitientes.venite ad aquas,.., et beaucoup de textes semblables, montrent l’aspect positif de la doctrine. L’aspect négatif se rencontre prir exemple, Os., xiii, 9 : Perditio tua, Israël ; tantummodo in me auxiliunt tuitm. LeSeigneur donne à entendre qu’Israël est seul cause de sa perte ; en s’appuyant sur le Seigneur, il serait sauvé.

Le X.T. manifeste plus clairement le dessein miséricordieux réalisé par la venue du Christ. Les appels du Sauveur sont pressants et universels : Mt., xi, 27 : Venite ad me omnes qui laborati estis et onerati estis, et ego reficiam vos… ; xxviii, 19 : Euntes docete omnes gentes… — lo., vii, 37 : Si’quis sitit, reniât ad me et bibal… ; viii, 12 : Ego sum lux mundi ; qui sequitur me, non ambulat in tenebris, sed habebit lumen vitae. Etc. — Dans les Actes des Apôtres, x, l’épisode du centurion Corneille montre l’opération de la grâce dans une âme étrangère à la Loi de Moïse, et l’intention expresse de Dieu, qui ne fait point acception de personnes, mais dans toute nation agrée ceux qui le craignent et pratiquent la justice. Saint Pierre a eu besoin d’être converti par l’Esprit saint à cette vérité, mais il la proclame sans réticence, 34. 35 : In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui limet eum et operatur iustitiam, acceptus est illi.

Saint Paul a marqué en théorie l’universalité de la Rédemption du Christ et son parallélisme à l’universalité de la chute, Rom., v, 18 ; I Cor., xv, 22. Il ne s’en tient pasà cette vue théorique, mais poursuit en détail la réalisationdu plan divin, en invitant les Gdèles à prier, selon l’intention du Sauveur, pour le salut de tous les hommes, I Tim., ii, 3-7 :

Cela est bon et agréable devant notre Dieu Sauveur, qui veut que t*us les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, 1 homme Jésus Christ, qui s’est donné comme rançon pour tous. C’est la un fait attesté en son temps, en vue de quoi j ai été établi prédicateur et apôtre…, docteur des nations dans la foi et la vérité.

Déjà il écrivait aux Romains, iii, 29 ; x, 12 :

Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi le Dieu des Gentils ? Oui. certes, ilestaussi le Dieu des Gentils. .. Pas de distinction entre Juif et Gentil : le même ^ Christ] est Seigneur de tous, riche envers tous ceux qu i’iavoquent.

Beaucoup de Pères ont cru reconnaître dans Ap., vu, g, les inlidèles qui ont corresponduà la grâce et sont parvenus au ciel.

La conciliation de l’appel adressé à tous avec la restriction du salut à une élite (rntilti vocati, pauci electi, Mt., xx, 16) constitue le mystère de la prédestination (Rom., xi, 33). Proclamer le mystère est la grande préoccupation deaaint Augustin ; il distingue des appelés — vocati —, qui sont tous les hommes, les vocati secundum propositum, qui sont

les seuls prédestinés ; mais ne poussa pas plus loin l’analyse.

Sur son exégèse de 1 Tint*, 11, 4 » voir ci-dessus, art. Prédestination, col. a13. Tel de ses disciples soulignera davantage l’universalité de l’appel ; ainsi l’auteur anonyme du De vocmtione omnium grntium, I, 11, P.L., LI, 687 :.. Q110J de salalionc omnium hominiim ineodem tcripluraium corpore reperitur, nulla contraria argumentatione temerandum est, ut quanto hoc ipsiim dif/iciliore intellectu capilur, tanto fide laudabiliore credatur… ( Mt., xxviii, 18-ao ; itfe., XVI, l5-16)..Xumquid in hac præceptione tillarum nationum ullorumve hominum fucta discretio est i’Nerninem merito excepit, nerninem génère separavit, nerninem conditione distiaxil. Ad omnes prorsus h imines missum est Evangelium Chrisli… Mais il était réservé à saint Jean Damascène de projeter dans la région du mystère quelques clartés rationnelles, en vulgarisant la distinction entre la volonté antécédente ou conditionnelle, par laquelle Dieu propose le salut à tous les hommes, et la volonté conséquente ou absolue, par laquelle il prédestine ses élus. De Fid. ortk., II, xxix, xxx. P. G., XCIV, 968-976. — Voir ci-dessus, art. Prédestination, col. 200- 230.

Saint Thomas opère la fusion de la doctrine augustinienne sur la Prédestination avec la distinction damascénienne des deux volontés, antécédente et conséquente. Il affirme cette distinction à maintes reprises, v. g. In I Tim., 11, 4, lect. 1 ; In I d., 46 q. 1 a. 1 ; 4/ q. 1 » 1 ; De Verit., q. xxiii, art. 2 ; I a q. 19 a. 6 ; q. 23 a. 4 ad 3.

2) Documents patristiques. — Dans leur jugement sur cette élite du paganisme que représentent lesphilosophes, les premiers Pères de l’Eglise se partagent en deux camps. Les Grecs, à l’exception de Tatien et d’Hermias, estiment la sagesse humaine, comme un rayon d’en haut. Les Latins jugent moins favorablement les philosophes. Minucius Félix voit en eux surtout des plagiaires. Tertullien dresse contre eux un violent réquisitoire, et les accuse d’avoir exploité l’Ecriture sainte contre la vérité. Voir notre Théologie de Tertullien, p. 158. 202. 425-g. Paris, 1905.

Le personnage de Socrate a, plus que tout autre, retenu l’attention. Saint Justin voit en lui un témoin du Verbe et un martyr delà vérité. lvp., v, P. G., VI, 336 B : « Quand Socrate, jugeant selon la droite raison et à bon escient l’œuvre des démons, s’efforça de faire la lumière et de détourner les hommes des démons, ceux-ci excitèrent contre lui les hommes adonnés au mal ; ils le firent condamner à mort comme athée et impie, prétendant qu’il introduisait de nouveaux dieux. Ils en usent de même envers nous. » 1b., xlvi, 397 C : « Le Christ est Premier-né de Dieu : voilà ce qu’on nous a enseigné, ce que nous avons proclamé touchant le Verbe, à qui tout le genre humain eut part. Ceux qui vécurentavec le Verbe sont chrétiens, quand même ils passèrent pour athées, comme, parmi les Grecs, Socrate, Heraclite et leurs semblables ; chez les barbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misaël, Héli et bien d’autres, dont il serait trop long de citer les actes ou les noms…, » II Ap., vin, 4Ô7 : « Les stoïciens, professant une morale correcte, comme parfois aussi les poètes, grâce à la semence du Verbe innée à tout le genre humain, ont été poursuivis parlahaine etmisà mort. Nous savons qu’il en futdemême d’Heraclite, de Musonius en notre temps, d’autres encore. Je le répète, tous ceux qui jamais s’appliquèrent à vivr> selon le Verbe et à fuir le mal, ont été livrés à la haine par les démons. Rien d’étonnant si ceux qui non seulement participent au Verbe, mais connaissent et contemplent la plénitude du Verbe, qu’est le Christ, sont livrés à la haine par les démons qu’ils confondent… »