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SALUT DES INFIDELES

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supposerait que les âmes justes et las coupables sont sous une même condamnation, imputant une injustice à la Providence p L’Écriture ne dit-elle pas clairement que le Seigneur a évangëlisé les victimes du déluge, ou plutôt les captifs retenus en prison et dans la geôle ? On a déjà vu… que les Apôtres, à la suite du Seigneur, évangélisèrent même les habitants de l’Hadés : sans doute fallait-il que, là comme sur terre les meilleurs des disciples imitassent le Maître, afin que, comme il avait conerti les fils des Hébreux, eus convertissent’es Gentils : ceux-là ayant vécu dans la justice selon la Loi. ceux-ci dans la justice selon la philosophie, non point parfaitement, mais à travers bien des fautes. Ainsi le voulait le dessein divin : ceux qui s’étaient distingués par leur justice, qui avaient mené une- vie meilleure et fait pénitence de leurs fautes, bien qu’ayant confessé Dieu en un autre lieu, devaient appartenir au Dieu tout-puissant et être sauvés chacun selon ses lumières…

Origknb y revient à son lour, sans égard pour les railleries de Celse, C. Cels., II, xliii, P. G., XI, 864 G

— 883 A, éd. Koetschau, p. 168.

Vous ne vous aviserez pas, dit Celse, de direque, n’ayant puse faire croire ici-bas, [le Christ] son alla dans l’Hadés faire des croyants. — Malgré qu’en ait Celse. nous disons que, vivant dans son corps, [le Christ] sut faire bon nombre de croyants, assez pour qu on ait voulu l’en punir ; et que son âme, dépouillée de son corps, fréquenta les âmes dépouillées de leurs corps, convertissant celles qui voulaient se convertir à lui ou que, pour des raisons de lui connues, il savaitplus capables de conversion. — Voirencore In lo., II, xxx, /’. G., XV, iSi 13 ; In Reg., H., II, P. G., XII, 1020 1020.

Après quelques apocryphes — Evangile de Pierre, xli-xlii ; Actes de Paul, xxvii-xxix, éd. Vouaux, p. iqq-205, — on peut citer divers écrits des Pères, où se rencontre quelque trace de cette idée : saint Justin, niai., lxxii, 4, P. G-, VI, 645 B (d’après un prétendu oracle de Jérémie qu’on retrouve, sous le nom d’Isaïe ou de Jérémie, chez saint Irénée, //., III, xx, 4, P. C, VIII, 9 45 A ; IV, xxii, 1, io46 C ; IV xxvii, 2, io58 B ; IV, xxxiii, 12, 1081 B ; V, xxxi, 1, 1208 C) ; saint Hippolytb, De Ch-isto et Antichristo, xlv-xxvi, P. G., X, 764 B ; 748 D ; saint Grégoire d !  : Nazianzb, Or., xlv, 24, P. G., XXXVI, 65n A ; saint Maxime le Confesseur, Quæstion. ad Thalass., vii, P. G, XC, 283 AG ; Anasta.se lb Sinaïtb, Q. exi, P. G., LXXXIX, 764 C (conversion de Platon) ; Pseudo-Damascènb, De lis qui in fide dormierunt, xvi, P. G., XCV, 264 ; Œcumbnius, In I Pt., iii, 19, P. G, CXIX, 556 C ; Thkophylactb, In I Pt., iii, 19, P. G., CXXV, 1232 ; Nicbtas d’Héra-CLÉb, sur l’Or, xlv desaint Grégoire de Naz., P. G., CXXVII, 13gg D ; — parmi les Pères latins, saint Hilairb, In Ps., cxviii, 11, 3, P. L., IX, 572-3 ; Amh.iosiastbr, In Eph., iv, 8, 9, P. L., XVII, 386j ; ln Rom., x, 7, il>., îti’S B ; saint Jkrômh, In Eph., iv, 10, P. L., XXVI, 499 BCjJkan Diacrr, Vita S. Gregorii M a gni, xliv, P. £., LXXV, io5-6(délivrance de Trajan ; Cf. Gaston Paris, La légende de Trajan ; Bibl. des /Imites Etudes, fase. 35, 1878). Mais ce sont là traces sporadiques, non tradition ferme.

Cf. L.Capkran, Le problème du salut des in fidèles ; Essai Historique, p, 8’t -io3 ; 160-169 ; Essai théologique, p. 3-4 Paris, 1912.

c) Renaissance dans le protestantisme moderne. — Sauf des traces de plus en plus rares et fugitives, la réponse alexandrine à la question du salut des infidèles s’évanouit peu à peu ; elle a. depuis hien des siècles, disparu delà pensée catholique. Une renaissance lui était réservée, de nos jours, dans quelques cercles protestants.

En réaction décidée contre la dureté des premiers Réformateurs qui, avec Luther et Calvin, damnaient sans rémission tdus les infidèles, plusieurs, pour faire justice à la volonté salvifique de Dieu, ont repris, en l’élargissant, L’idée d’une évangelisation d’outre-tombe. Parmi les initiateurs de ce mouve ment, on peut nommer J. L. Kobnio, Die Lehre von Christi Ilocll<>nfahrt t Frank{irl am Mein, 1842 ; E.Gubdrr, Die Lehre von der Erscheinung Jesu Christi miter den Todten, Bern, 1853 ; et l’évêque danois Martensf.n, Dogmatique chrétienne (éd. danoise, iS|, j ; trad. fr. par G. Ducros, p.’, 8’|, Paris, 1879) ; E. Hruss, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, t. II. p. 590, Strasbourg-Paris, 185a. Cette idée obtint un large succès en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en France, en Amérique. Voir E. Petavel-Oli.h f. Le problème de l’immortalité, t. II, p. 366, Paris, 1892 ; J. Monnier, La descente aux enfers, p. 289, Paris, <)o’ ; P. Bonifas, Histoire des dogmes de l’Eglise chrétienne, t.I, p. 353, Paris, 1886 (posthume) ; A. Grktillat, Exposé de théologie systématique, t. IV, p. 549, Paris 1890 ; J. Bovon, Théologie du NT., t. II, p. J64~47>, Lausanne, 1894 ; Dogmatique chrétienne, t. II, p. 444, Lausanne, 1896 ; F. Godet, Comment, sur la 7e Ep. aux Cor., t. II, p. 363, Neuchâtel, 1887 ; Df.copfet, Les grands problèmes de l’au-delà 1, p. 21 4-5, Paris.

En même temps qu’elle s’oppose aux premiers Réformateurs, une telle idée offre un aspect positif ; aussi ne saurait-elle trouver grâce devant le protestantisme libéral, qui donne congé à tous les dogmes. Voir, à cet égard, A. Sabatibr, Esquisse d’une philosophie de la religion diaprés la psychologie et l’histoire, p. 56, Paris, 1897 ; E. Mknkgoz. Publications diverses sur le fidéisme, t. II, p. kj3, Paris, 1909. La croyance à une évangelisation d’outretombe représente, dans la dogmatique protestante, une via média, d’ailleurs très peu définie. — Voir L. Capéran, Essai Hist., p. 40, 2-503 ; Essai Théol, p. 5.

Critique de cette I" Réponse. — Nous reprendrons l’examen des textes scripturaires invoqués, de la tradition des Pères, enfin de l’enseignement catholique, en contraste avec la nouveauté protestante.

a) Les textes scripturaires. — Le texte évangélique, Mt., xii, 3a, ne renferme pas ce qu’on a voulu en tirer. En disant que le blasphème du Saint-Esprit ne sera remis ni dans le siècle présent ni dans le siècle à venir, le Christ, n’affirmait rien touchant la possibilité d’une rémission dans le siècle avenir, et les textes parallèles (Me, iii, 29 ; Le., xii, 10) présentent le blasphème du Saint-Esprit comme irrémissible, sans plus. Voir, le commentaire donné dans ce Dictionnaire, t. III, 17.58-1760. La seule perspective que ce texte laisse ouverte, pour le siècle à venir, est celle d’une liquidation de la peine temporelle due pour des fautes déjà pardonnées : c’est le Purgatoire (voir ce mot).

Les textes de saint Pierre, I Pet., 111. 18-20 ; iv. Ci, énoncent un dogme de notre foi, la descente de l’âme du Christ aux enfers, autrement dit aux limbes des justes, où lui-même porta le message de la Rédemption. Ils mentionnent, à titre d’exemple, une catégorie spéciale de détenus : ceux qui manquèrent de foi aux jours de Noé et expièrent leur incrédulité par une mort temporelle, mais ne semblent pas, pour autant, exclus du bienfait de la pénitence et du pardon. Ils ne font aucune allusion à une œuvre de conversion entreprise par le Christ aux enfers, mais supposent que ceux qui reçoivent son message ont atitfait selon la chair à la justice divine ; ensuite de quoi ils seront glorifiés selon l’esprit. Ces versets, d’ailleurs difficiles et obscurs, n’offrent pas de quoi fonder une théorie du salut, assez démentie par les enseignements les plus clairs du NT.

b) La tradition des Pères. — Cette tradition s’est, dans l’ensemble, détournée de la voie ouverte par Ilcrmas et les Alexandrins, en déclarant cette voie