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SAINTS

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sent de main en main le flambeau de L’hagiographie, comptent plus d’un nom illustre ; on n’y rencontre par de groupe mieux fondu, plus puissant, que celui de ces trois grands hommes : Bollandus (15g61 665) : Henschbnius (1601-1681) ; Papebroch (1628 La coopération entre Bollandus et Henschenius commença dès l’année 163J. Elle aboutit en 16/|3 à la publication des deux énormes in-folio comprenant les Acta Sanctorum de janvier. Ce fut un événement. Bonne part des éloges devaient, dans l’œuvre indistincte, aller au travail personnel d’Hensclienius ; Bollandus voulut qu’on lui rendit pleine justice, et décida qu’à l’avenir les articles seraient signés des initiales de leurs auteurs respectifs. La modestie d’Hensclienius se défendit, et l’anonymat fut gardé jusqu’à l’achèvement des volumes de mars.

En 1658, parurent les trois volumes de février. Le pape Alexandre VU qui, durant sa nonciature à Bruxelles, avait connu Bollandus, voulut le voir à Borne. Bollandus s’excusa sur l’état de sa santé, et lit partir à sa place Henschenius et Papebroch. Le voyage avait par ailleurs bien d’autres buts ; il durera 29 mois (22 juillet 1660-ai décembre 16<>2) et marque une date dans l’existence de la société bollandienne. C’est la première de ces expéditions mémorables entreprises par les hagiograpb.es pour la chasse aux manuscrits et la conquête d’utiles relations.

Expédition préparée de longue main. Quatre mois avaient été employés à dresser l’indexalphabétique des piècesdéjàreprésentées dans les collections bollandistes ; index dont les hagiographes ne se séparaient pas, le portant sur leur dos, avec bien d’autres colis, même au passage des montagnes. Bollandus accompagna les voyageurs jusqu’à Cologne, et leur ût promettre d’écrire souvent. Ils n’y manquèrent pas ; au cours de ces 29 mois, plus de 140 lettres furent adressées à Anvers.

Le journal de route, tenu à jour par l’apebroch, nous renseigne sur l’itinéraire suivi : Coblence. Mayence, "SYorms, Spire, Francfort, Asschaffenbourg, Wurzbourg, Bamberg, Nuremberg, Eichstiidt, Ingolstadt, Augsbourg, Munich, Inspruck, Trente jalonnent la route. Partout l’accueil empressé témoigna du prestige qui s’altachaitdès lors aunom de Bollandus. A Trente, on perdit huit jours, à cause d’une crue de l’Adige. Puis on traversa Vérone, Vicence, Padoue, Venise, Ferrare, Bologne, luiola, Fænza, Ravenne, Forli, Césène, Rimini, Pesaro, Fano, Sinigaglia, Ancône, Osimo, Lorette, Recanati, Macerata, Tolentino, Foligno, Assise, Pérouse, Spolète ; partout visitant les hommes de lettres, fouillant les bibliothèques. Rome les retint du 23 décembre 1660 au 3 octobre 1661. Durantcesneuf mois, lafaveurd’Alexandre VII les entoura ; toutes les excommunications qui attachaient à leurs rayons les volumes précieux des bibliothèques italiennes furent levées en leur faveur ; Uolstenius, préfet de la Vaticane, leur rendit toutes sortes de bons offices. Tout à coup ce protecteur et cet ami fut enlevé par la mort ; Allalius, qui lui succéda, crut devoir se montrer extrêmement méticuleux. Il fallut recourir au Pape pour vaincre ses scrupules. Papebroch souffrit de ces procédés ; mais en déplorant la tyrannie du bibliothécaire, ne laisse pas de rendre hommage au mérite du savant.

Après un riche butin non seulement à la Vaticane, mais à la Vallicellane, ouverte largement par les Pères de l’Oratoire, à la bibliothèque de la reine de Suède, puis à Grolta-Ferrata, au Mont-Cassin, à N’a pi es, il fallut repartir, laissant force ouvrage aux copistes. Le copiste grec travaillera plus de sept ans. Pour mener à bonne On leur tâche, les hagiographes

s’étaient interdit toutes visites aux monuments de Rome.

Le retour se fit par Viterbe, Sienne, Florence qui retint les voyageurs quatre mois entiers, Pistoie, Lucques, Gênes, Milan, où l’Ambrosienne faillit leur refuser le droit de copie, Xovare, Verceil, Turin. Et puis la France. Chambéry, Grenoble, la Grande Chartreuse, Tournon, Vienne, Lyon, Màcon, Cluny, Citeaux, Dijon, Auxerre, Pontigny, Sens, Paris, où le P. Labbe se constitua guide des Bollandistes, le- » PP. Cossart et Vavasseur tirent les honneurs de la bibliothèque du Collège de Clermont. La bibliothèque du chancelier Séguier s’ouvrit devant eux ; le dominicainCombéfis leur rendit de signalés services. Après trois mois à Paris, on regagnait la Belgique par Rouen, Jumièges, Fontenelle, Le Bec, Eu, Abbeville, Arras, Saint-Vaast.

Cet épisode nous a retenu longtemps : il nous semble caractéristique. Rentrant au musée bollandien, chargés de dépouilles opimes, les deux pèlerins de l’hagiographie avaient donné unexemple qui ne sera point perdu.

Pour une raison très différente, un autre de ces voyages mérite d’être rappelé. C’est celui que fit, de 16117 à 1700, le bollandiste Janninck, envoyé à Rome pour défendre l’honneur de sa Société. Voici à quelle occasion.

Le P. Daniel Papebroch, homme de critique incisive et de franc parler, avait publié, en tête du tome II des Acta Sanctorum d’avril, son célèbre Propylæum antiquarium circa veri et falsi discrimen ir : vêtus lis memùranis, qui est un magistral traité de critique diplomatique. L’ouvrage n’était pas parfait ; il provoqua sur quelques points la contradiction de Mabillon, à qui Papebroch, avec une bonne grâce empressée, rendit les armes. Ce fut alors, entre les deux illustres religieux, un assaut de courtoisie et d’humilité ; Mabillon déclarant qu’il tiendrait à plus grand honneur d’avoir écrit la rétractation de Papebroch que son propre traité De re diplomatica. Mai : d’autres juges, qui n’étaient pas Mabillon, intervinrent pour souligner, cette fois, dans le Propylæum maii, certaines propositions malsonnantes. Le livre fut mis à l’index par l’Inquisition espagnole, et arec lui toute la collection des Acta Sanctorum, de mars à mai. Tandis que Papebroch tentait vainement de savoir quelles hérésies lui étaient imputées en Espagne, ses ennemis travaillaient à faire confirmer la sentence par l’Inquisition romaine. Ils n’y parvinrentjamais ; toutefois le l’ro/nla eu m maii fut atteint le 22 décembre 1700 par une condamnation de l’Index. La censure ne devait être rapportée qu’après deux siècles, dans le nouveau catalogue de l’Index publié sous Léon XIII, en 1900. Quant à la sentence espagnole, elle fut retirée dès 1 7 1 Tj, six mois après la mort de Papebroch. Le P. Cassani. professeur à Madrid et qualiiicateur du Saint-Office, avait travaillé neuf ans à cette réhabilitation.

La publication des Acta Sanctorum avait été conduite jusqu’au mois d’octobre, quand la Compagnie de Jésus fut supprimée en 1773. L’œuvre des Bollandistes ne fut pas entraînée immédiatement dans cette ruine ; elle vécut encore vingt ans, d’une vie ralentie, pour achever de mourir dans les guerres de la Révolution française.

L’année 18 : 17 a vu sa résurrection, et au cours du dernier siècle ses fastes ont enregistré plus d’un glorieux souvenir, avec les noms des PP. Victor De Buck et Charles De Smedt, pour ne citer que des morts. L’œuvre s’est faite plus large, les enquêtes plus profondes, la méthode plus sévère ; l’esprit demeure ce qu’il fut dès le commencement. Quand on pénètre aujourd’hui dans cette bibliothèque du col-