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SAINTS

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d’illustres morts des honneurs qui rappellent ceux denotre canonisation. Cettehistoireestracontéedans le livre érudit et confus du professeur E. Gobolinskij, Histoire de la canonisation des saints dans F Eglise russe (Moscou, 1903, en russe). Nous le lisons à travers un article substantiel du R P. P. Pbbters, Analocta Bollandiana, t. XXXIII, p. 380-420 (191 4).

L’auteur divise les faits en quatre périodes. La première, depuis l’origine du christianisme russe jusqu’au premier synode de Macaire (1547) : c’est la période préhistorique. Deuxième période : les conciles tenus par le patriarche Macaire en 1 547 el ^^9> lesquels passent pour avoir régularisé lecultedes saints dans l’Eglise russe, par une sorte de canonisation en masse. Troisième période : depuis le concile de 1 5 1 9 jusqu’à l’institution du Saint Synode par Pierre le Grand, en 1721. Les saints de cette période sont répartis en deux groupes : les uns, pour qui la date de canonisation est connue, au nombre de 56 ; les autres, pour qui la date de canonisation estignorée, au nombre de 1 46. Quatrième période : après l’institution du Saint-Synode, 1721. Une section spéciale présente à part les saints de la région de Kiev.

La première conclusion qui ressort de cette loyale enquête, c’est l’extrême difficulté, ou plutôt l’impossibilitépratique, d’undépart exact entre les diverses catégories de « morts honorés », soit qu’il s’agisse de canonisations populaires et locales, soit qu’il s’agisse de ratifications officielles, plus ou moins dûment constatées. Pour les uns, on chante la pani-Lhida, qui est une sorte d’obit ; pour les autres, le molebny, qui équivaut à un Te Deum. Mais il serait illusoire d’introduire ici des catégories tranchées, comme seraient par exemple celles de « vénérables » et de « saints ».

Une deuxième conclusion, c’est l’anarchie profonde à laquelle, depuis des siècles, fut livrée la liturgie byzantine, en matière d’hagiographie. On en prendra quelque idée par les lignes suivantes, traduites de Gobulinskij (p. 227 ; Peeters.. p. 40a) :

La confection des listes des saints était abandonnée par le pouvoir ecclésiastique aux typographes chargés d’imprimor les livres, et à ceux qui avaient le soin de les corriger (aux rédacteurs qui les préparaient pour l’impression) : typographes et correcteurs, d’une part, ne savaient pas assez exactemenldansquelle classede saints, les universels ou los locaux, les dillérents saints étaient rangés par* leur canonisation ; d’autre part et surtout, ils donnaient beaucoup trop libre jeu à leur appréciation et à leur caprice personnel.

La Réforme de Pierre le Grand, en remettant au Saint-Synode l’administration des choses religieuses, endigua le mouvement des canonisations populaires et introduisit dans le culte un élément de régularité. Depuis deux siècles, on n’a enregistré que six canonisations :


i" Dimitri, évoque de Rostov, -|- 28 oct. 1709, canonisé 27 avril 1757.

2 Innocent, premier évêque d’Irkoutsk, -|- 26 nov. 1731, canonisé i cr déc. 1804.

3° Métrophane, évêque de Voronèze, -|- a3 nov. 1703, canonisé a5 juin 1832.

4° Tykhon, évêque de Voronèze, -’13 août 1783, canonisé aojuin 186i, à l’occasion du couronnement de l’empereur Alexandre.

5° Théodose Uglitsky, archevêque de Tchernigov, | 5 fév. 1696, canonisé par « définition » du Saint-Synode, les 26 juin et 5 Juillet 1896, lors du couronnement de l’empereur Nicolas II.

6° Le P. Séraphin, moine de Sarov dans le gouverment de Koursk (né 19 juillet i"^<j, y 2 janv 1833), canonisé, sur rapport du Saint Synode en date du a6 janvier 1903, par oukase du tsar Nicolas II, 39 jan vier igoii. — Surcedernierpersonnage.voir PEETKns, Analecta Bollandiana, t.XXXVIU (1920), p. 172-176. Les cinq premiers, tous évêques, jouissaient d’un renom de thaumaturges, et l’on assure que leurs restes mortels furent trouvés sans corruption. Le P. Séraphin passait, de son vivant, pour un guérisseur d’àmes. Après sa mort, on raconta l’histoire de nombreux malades guéris sur son tombeau. Mais son corps n’avait point échappé à la corruption, et ce fait, tardivement constaté, faillit entraver la procédure. Le Saint-Synode passa outre, et l’oukase impérial fixa à l’anniversaire du 19 juillet l’ostension solennelle des reliques du thaumaturge de Sarov.

L’intention d’imiter l’Eglise romaine, dans les enquêtes préliminaires à la canonisation et dans le décret qui la consomme, est visible, et constitue un hommage à la sagesse exemplaire du contrôle usité, depuis des siècles, dans cette Eglise.

Ailleurs, on procède avec plus de désinvolture. La Chambre du Clergé (House 0/ Clergy) de l’Eglise anglicane agita en juillet nja.’i la question de l’introduction de nouveaux saints au calendrier liturgique : rien de plus curieux que son éclectisme. Voici les principaux noms proposés : John Wesley (1703-1791) : John Keble (1792-1866) ; Florence Nightingale (182^1910) ; JohnVycliffe(1324-1384) ; l’archevêque Laud (1573-1645) ; Tertullien (iGo-2/, 0 ?) ; l’archevêque Parker (150’|-1575) ; Catherine de Sienne (1347*1380) ; l’archevêque Cranmer (1489- 1 556) ; le roi Charles I" (1600-1649) ; le roi Henry VI (1421-1 471). — Voit J. Wadoux, dans la Documentation Catholique, 23 mai 1925. — La mémoire de Charles I er est depuis longtemps honorée par une sorte de canonisation populaire. Dès le règne de son fils, un service religieux fut célébré annuellement à la date du 30 janvier ; le 30 janvier 1926, la statue de Charles I er à Whitehall était ornée de verdure et de fleurs, avec une banderolle portant ces mots : Santé Carole martyr béate ora pro nobis.

Le problème général delà sainteté hors de l’Eglise catholique a été posé naguère et discuté sur un exemple concret, dans les JRechei-cites de Scietice religieuse, t. XII (1922), p. 1-39) : Le Sadhu Sundar Singh et le problème de la sainteté hors de l’Eglise catholique, par L. de Grandmaison. Nous ne pouvons nous engager ici dans le détail de cette suggestive élude. Mais la question principale qu’elle soulève et la solution qu’elle suggère méritent de retenir l’attention.

Nous avons fait allusion naguère à des miracles observés hors de l’Eglise catholique. L’hypothèse peut paraître troublante, et l’on se récriera : Quoi, le miracle n’est-il pas le sceau de la vérité divine ? D’où cet impérieux dilemme : ou les prétendus miracles observés hors de l’Eglise catholique ne sont pas de vrais miracles, ou l’Eglise n’a pas le monopole de la vérité divine.

Pour impérieux qu’il soit, le dilemme paraît simpliiier outre mesure les éléments de la question. Il suppose en effet que le sceau divin du miracle tombe sur tous les faits et gestes de la personne ou de la société en faveur de laquelle il est supposé se produire. Cette supposition n’est pas nécessaire. Une personne baptisée.une société qui possède le baptême et l’eucharistie — c’est le cas de l’Eglise russe orthodoxe — Se trouve, de par sa relation auChrist, dans une situation privilégiée. Le miracle lui sera-t-il refusé toujours ? Cela n’est pas évident. On lit dans l’article cité, p. aa-23 :

Les seules limitations iniposéos aux dons divins sont celle » que nous suggérèrent deux principe » théologiques 1res assurés. Lo premier revendique pour l’Eglise catholique, à