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SAINT-OFFICE

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lier, il lui attribuait la nomination, la destitution, et la direction de tous les inquisiteurs, en tout pays, enlevant ainsi au Maître général des Prêcheurs la prérogative qu’il exerçait depuis le xm c siècle, de nommer la plupart des juges de la loi. L’agent général de la Congrégation était le commissaire du Saint-Olflce, qui, à commencer par le premier, Théophile de Tropea, fui choisi dans l’ordre dominicain. Ce qui est un indice de la part prépondérante qu’eut CarafTa dans l’institution de l’Inquisition romaine, c’est qu’il désigna lui-même Théophile pour cette charge si importante (Mortibr, Histoire des Maîtres généraux de l’ordre des Prêcheurs, t. V, pp. 404 et suiv.). Cinq théologiens, chargés d'étudier les causes soumises à la Congrégation, lui furent adjoints avec le titre de Consulteurs ; trois d’entre eux étaient dominicains, et parmi eux le Maître général, François Roméo de Castiglione et le maître du Sacré Palais, Barthélémy Spina. (Depuis, le maître général des Prêcheurs et le maître de Sacré Palais, toujours dominicain, font partie de droit de cette Congrégation.) A peine instituée, l’Inquisition montra une grande activité, sous l'énergique impulsion de celui qui en fut l’Ame, le cardinal CarafTa. « II faut travailler avant tout à punir les grands, quand ils sont hérétiques, disait-il, parce que le salut de la classe inférieure dépend de leur punition. » Et parmi les grands, il s’attaqua d’abord aux membres du haut clergé, dont quelques-uns se laissaient gagner à l’hérésie, au plus grand scandale des fidèles.

L’ordre nouvellement créé des Capucins donnait au Saint-Siège des inquiétudes à cause de la faveur que rencontraient auprès de plusieurs de ses religieux les doctrines luthériennes. Elles s’aggravèrent considérablement lorsque le Vicaire général des Capucins, Bernardin de Sienne Ochino, fut lui-même suspect d’hérésie. C'était le prédicateur le plus éloquent qui eût paru dans la péninsule depuis SavoTiarole ; ses sermons à Rome et à Naples avaient attiré aux pieds de sa chaire les foules, les esprits les plus élevés et les princes. Il s'était laissé gagner à l’hérésie par le célèbre Espagnol Valdès, qui tenait à Naples un cercle d’humanistes sympathiques à la Réforme, et aussi par la lille de Louis XII, Renée de France duchesse de Ferrare, qui déjà était protestante. L’Inquisition fit appeler Ochino à Rome, et tout d’abord il sembla vouloir s’y rendre ; mais, informé du procès qui l’y attendait, il s’enfuit en Suisse auprès de Calvin, faisant ainsi éclater aux yeux de tous son apostasie (août 154a) (Pastok, Geschichte der Papatpiste, V, pp. 340 et suiv.). A la suite delà défection de leur chef, plusieurs Capucins, suspects d’hérésie, furent arrêtés et emprisonnés par l’Inquisition.

L’ordre des Augustins dut êtreaussiexpurgé. L’un de ses religieux, Pierre Martyr Vermigli, était un ami d’Ochino. Orateur lui aussi, il avait prêché à Brescia, Mantoue, Bergame, Pise, Venise et Rome. Prieur de Saint-Pierre ad Aram de Naples, il avait fait partie, comme Ochino, du cercle de Valdès ; devenu prieur du couvent de Lucques, il avait tellement propagé dans cette ville les doctrines luthériennes, que le culte des saints y fut aboli. Menacé par l’Inquisition, il s’enfuit d’Italie et, passant ouvertement à l’hérésie, devint professeur d’hébreu à l’Université de Strasbourg. Deux ans après, l’Inquisition cita devant elle un autre humaniste de i'école de Valdès, Pierre Carnesecchi, qui fut relâché,

« t l’Espagnol Jayme Enziûas, qui fut livré au bras

séculier. Avec les hommes, elle poursuivait les écrits ; par un décret du 12 juillet l543, elle avait sévèrement prohibé la diffusion des livres hérétiques à Rome, à Ferrare et à Bologne (Cantu, Eretici d’Ila Tomo IV.

lia, II. p. 3g 1), menaçant d’excommunication, de 1.000 ducats d’amende, de confiscation des volumes, de bannissement perpétuel, les libraires qui vendraient des livres suspects d’hérésie.

En mèiue temps qu’il mettait ainsi en mouvement le Saint-OlTice de Rome, le cardinal CarafTa réveillait les organisations inquisitoriales tombées depuis longtemps en léthargie, en les plaçant sous l’autorité et la surveillance de celle de Rome. Nommé luimême archevêque de Naples, il établit l’Inquisition dans cette ville et dans tout le royaume, profitant de l’aversion qu’avaient manifestée les Napolitains contre l’Inquisition espagnole, pour le soumettre à la Congrégation universelle du Saint-Oflice. En 1540, était étab’i de la même manière le tribunal de la foi de Milan, dont l’un des premiers actes fut d’instrumenter contre les protestants de Locarno. (Pastou, op. cit., V, p. 71^). Le 22 avril 1547, l’Inquisition romaine écrivait aux Savii sull’eresia de Venise pour leur signaler les progrès que faisaient dans la ville les Anabaptistes et, l’année suivante, le Conseil des Dix ordonna aux recteurs de Padoue, Trévise, Udine, Feltre, Cividale, Capod’Istria, Adria, Chioggia, Vicence, Bergameet Brescia de poursuivre l’hérésie, ce qui valut les félicitations de Paul III au doge et au sénat (8 juin 154a).

Avec les livres, l’Inquisition surveillait les prédications, car elle ne voulait pas voir se renouveler celles que Vermigli et Ochino avaient promenées dans toute l’Italie. Le 30 mars 1543, elleenvoya des instructions à ce sujet aux Ermites de Saint- Augustin, aux Franciscains conventuels, aux Chanoines réguliers de Latran, aux Dominicains des provinces lombarde et romaine, et quelque temps après, à la Congrégation bénédictine du Mont-Cassin.

Cette répression ne s’arrêtait devant aucune considération personnelle. L’un des prélats qui avaient joué un très grand rôle dans la diplomatie pontificale était évidemment Pierre-Paul Vergerio, évêque de Capo d’Istria, qui avait été nonce en Allemagne sous Clément VII, en 1530, et sous Paul III, en 1535 et en 1541- Il y avait si bien servi la cause du SaintSiège contre Luther et dans la question du Concile général projeté, qu’il était à la veille de devenir cardinal. Mais ses tentatives de conciliation avec les protestants l’avaient trop incliné de leur côté ; indulgent envers certaines de leurs doctrines, il fut suspect au Saint-Office, qui le fit poursuivre et l’obligea à quitter sa ville épiscopale. Menacé d’un procès, il se retira en Suisse, puis auprès du duc de Wurtemberg à Tubingen, où il fit profession publique de protestantisme.

Le successeur de Paul III, Jules III (1550-i 555), malgré ses tendances mondaines, montra la même faveur à l’Inquisition romaine et à celui qui en était l'àme, le cardinal CarafTa. Ils’appliqua à défendre contre toute atteinte la juridiction entière et universelle, dans le monde entier, qu’avait donnée son prédécesseur à la

« Sancta Romanu et universalis lnquisitionis Congregatio ». Le gouvernement vénitien ayant voulu adjoindre à ses commissaires des juges laïques, à l’exemple de l’Espagne, Jules III publia, le vendredi saint

i.")51, une bulle « contra seculares intromittentes se cognitioni hæresis » (Raynaldi, Annales ecclesiastici, XV, p. 400).Les grands inquisiteurs lui ayant signalé les progrès qu’avaient fait faire au protestantisme, dans le duché de Ferrare, la tolérance du duc Hercule et la connivence de la duchesse Renée de France, le pape nomma l'évêque de Casai et le dominicain Jérôme de Lodi commissaires généraux dans cette principauté pour y travailler, au nom du Saint-Oflice, à l’extirpation de l’hérésie ; et bientôt après, il pritdes mesures semblables pour la Toscane (Ibid, , p. 492).

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