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SAINT-OFFICE

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Galilée. Ce qui l’inquiétait surtout, c’étaient les écrits qui pouvaient troubler les âmes, comme les œuvres de certains mystiques, ou introduire en Espagne des hérésies qui décuiraient déjà par des factions politiques ou uièiue des guerres civiles les pays étrangers.

Contre ceux-là, elle était impitoyable, parce que son prolecteur et vrai chef, le roi, ses directeurs, ses conseillers et ses agents, désireux de maintenir l’unité politique de l’Espagne par l’unité religieuse, en lin l’opinion publique, considérant les hétérodoxes comm des étrangers et même des ennemis, tenaient pour un devoir national autant que religieux, de prévenir des schismes religieux pouvant facilement devenir des factions politiques.

S V. Procès extraordinaires ; procès politiques. — En donnant à l’Inquisition la mission de maintenir La tranquillité publique et le calme des esprits, les souverains espagnols élargirent dans des proportions considérables son rôle primitif, qui était de rechercher et de punir les Juifs faux chrétiens ou Marranes, et les Mores faux chrétiens ou Morisques. Leaa août 1498, Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon, chargeait le Saint-Ollice de réprimer les actes de sodomie (Llorente, IV, p. 297).

Dès 1 537, commencèrent devant le Saint-OiTice les procès de sorcellerie et de magie qui envoyèrent au bûcher un nombre assez considérable de condamnés, au xvie et au xvae siècle. Les dépositions qui y furent reçues, et que Llorbxtb résume dans son Histoire (tome III, pp. 43’-463), nous prouvent que les réunions secrètes des sorciers n’étaient pas seulement remplies par des rites ridicules, nés de l’ignorance et de la superstition. L’immoralité la plus éhoniée, les actes les plus révoltants se mêlaient aux pratiques les plus stupides ; et en tous pays, ils seraient réprimés, même de nos jours, en dehors de toute préoccupation religieuse et confessionnelle. Les sorciers ne se contentaient pas de représenter le diable et des démons, de faire des parodies sacrilèges de la messe, de la confession et des autres sacrements de l’Eglise, de profaner des reliques et des objets sacrés, el de recevoir desolTrandes considérables, arrachées par leurs grossières supercheries à la crédulité et à l’ignorance de leurs adeptes. Ils leur distribuaient en échange des poudres présentées comme l’œuvre du diable et pouvant nuire aux récoltes, aux provisions, aux animaux et même à la vie de leurs ennemis ; et ces poudres étaient le plus souvent des poisons ; c’est ainsi que beaucoup de sorciers furent convaincus d’homicide.

EnQn, le plus souvent, les réunions se terminaient, connue il arrivait alors dans un grand nomltre de sociétés secrètes, par des actes d’hystérie et d’abominable luxure. Lorsque la parodie sacrilège de la messe est terminée, « le diable s’unit charnellement avec tous les hommes et toutes les femmes, et leur ordonne ensuite de l’imiter.

t Ce commerce finit parle mélange des sexes, sans distinction dem4riage et de parenté. Les prosélytes du démon tiennent à honneur d’être appelés les premiers aux œuvres qui se font, et c’est le privilège du roi (des sorciers) d’avertir ses élus, comme celui de la rani> (des sorcières) d’appeler les femmes qu’elle préfère. » (Llorentb, ni, p. 4->ô).

Ces lignes nous en disent assez pour que nous nous fassions une idée des scènes de débauche bestiale qui se déroulaient dans ces réunions organisées par les sorciers.

On s’explique, dès lors, la rigueur avec laquelle i’Inquisition les poursuivit ; ne fallait-il pas en finir

avec des pratiques qui démoralisaient des populations entières ? Le Saint-Ollice n’oublia pas cependant le caractère particulièrement délicat de ces sortes de procès, où le plus souvent étaient incriminées des personnes ignorantes et naïvement grossières, et où les dépositions pouvaient être dictées par des préjugés, des croyances superstitieuses et l’imagination mensongère de l’hystérie. Aussi plusieurs théologiens crurent-ils utile, au cours du xvie siècle, d’écrire des traités sur la sorcellerie, pour bien démêler les éléments assez divers que l’on réunissait sous cette appellation commune.

Dans celui qu’il composa à l’usage de l’Inquisition, le théologien Paul de Valence recommandait la plus grande pruderce à ceux qui poursuivaient les sorciers. Ces procès, disait-il, demandaient beaucoup de discernement et de critique ; il souhaitait pour leur conduite, des instructions particulières, et il concluait qu’il vaut mieux épargner un coupable que de frapper un innocent ou de le punir plus sévèrement qu’il ne le mérite. (LlOrente, III, p. 460).

Dans son Histoire de l’Inquisition, Llorente énuînère et même raconte plusieurs procès de sorcellerie, qui impressionnèrent vivement l’opinion et furent d’ailleurs accueillis par elle avec faveur : en 1537. le procès de 150 sorcières de Navarre, jugées à Estella et condamnées à des peines variées, dont les plus sévères furent l’emprisonnement pendant plusieurs années et aoo coups de fouet ; en 153ô, celui des sorcières de Saragosse, dont plusieurs furent envoyées au bûcher par l’inquisition locale, malgré les défenses du grand Inquisiteur II, p. 49) ; en 1610, celui des 29 sorciers de Logroflo, desquels 1 1 furent condamnés à être livrés au bras séculier et 18 furent réconciliés après des pénitences variées. Le xvme siècle vit encore en Espagne des procès de sorcellerie. Sous le règne de Philippe V, la prieure des Carmélites de Logrofio fut poursuivie parce qu’elle avait fait, disait-on, avec le démon un pacte qui lui permettait d’opérer des miracles, et dans ce procès fut englobé Jean de la Vega, provincial des Carmes déchaussés, qui fut livré au bûcher le 3 1 octobre 1 743 ; la même année, fut condamné comme * hypocrite et sorcier » Jean de Espejo, fondateur des Hospitaliers du Divin Pasteur.

Etendant encore plus la compétence du Saint-Oflice, les souverains espagnols finirent par déférer à ses jugements quiconque troublait ou semblait menacer la paix publique, soit qu’il fût en révolte, soit qu’il fit plus ou moins discrètement opposition à leur gouvernement, soit que, favori ou premier ministre la veille, il eût cessé de plaire. On peut dire que presque tous les procès politiques se déroulèrent ainsi devant l’Inquisition.

Dès 1507, Ferdinand d’Aragon déféra à l’inquisiteur de LogroBo César Borgia, pour crime d’athéisme ; mais ce n’était qu’un prétexte pour se débarrasser d’un homme gênant pour lui et pour la monarchie. En effet, après la mort du pape Alexandre VI, César, se souvenant qu’il était Espagnol, avait voulu se réfugier dans son pays d’origine et y jouer un rôle. « Indésirable » entre tous.il avait été arrêté à Naples par le gouverneur espagnol Gonsalve de Cordoue. Expédié sous bonne garde en Espagne pour y êtreretenu en prison, il s’était évadé, et il essayait d’enlever la Navarre à l’occupation aragonaise pour y rétablir Jean d’Albret, roi de Navarre, son beau-frère. En attendant de le vaincre dans la lutte engagée contre lui, Ferdinand le Catholique voulut le faire condamner par l’Inquisition, pour le rendre odieux à l’opinion publique et pouvoir se débarrasser de lui si quelque victoire le lui livrait ; la mort de César dans une escarmouche